Légère progression des entrées, baisse des sorties, mais explosion des flux internes : en cinq ans, le transport routier de marchandises a enregistré une hausse globale de 6,2% en Bourgogne Franche-Comté. Toutefois, en 2018, la tendance est au ralentissement, souligne l’Insee dans son bilan économique régional. "Après une forte progression de près de 8 % en 2017, le transport routier régional de marchandises n’augmente que de 1 % pour atteindre 14,6 milliards de tonnes-kilomètres, une progression inférieure au niveau national", relève l’Insee.
Le coup de frein est particulièrement brutal dans l’intra-régional, qui portait jusque-là la croissance. Il diminue de 3 %, après une forte hausse de 31 % en 2017, "année où la conjoncture économique a été particulièrement favorable", précise l’Insee.
Les échanges extra-régionaux résistent mieux : le fret entrant augmente de 2,7 % et le fret sortant de 2,3%. "Les flux entrants et sortants atteignent chacun 5,3 milliards de tonnes-kilomètres et s’équilibrent", analyse l’Insee.
Source : SOeS
2019 apporte aussi son lot d’incertitudes. "Le début d’année a été plutôt correct. Mais en septembre-octobre, on a noté un sérieux coup de mou, à l’exception des activités qui sont tirées par la période de Noël. Et pour le dernier trimestre, les études auprès des chefs d’entreprises révèlent un certain pessimisme", détaille Philippe Demonteix, délégué régional de la FNTR (Fédération nationale des transports routiers).
La structure des flux est marquée par le socle agricole et industriel de l’économie régionale. "Les marchandises groupées représentent environ 25% des flux, les matières agricoles et la sylviculture 20% et les boissons et produits alimentaires environ 13%", précise Sylvain Baudry, directeur général de Logivia.
Selon le rapport de l’OPTL (Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique), la région Bourgogne Franche-Comté compte 1100 établissements dans le secteur du transport de marchandises et la logistique, dont 878 dans le transport routier de marchandises. Elle abrite bien sûr de nombreuses TPE, comme partout, mais aussi de grands noms comme les Transports Alainé, Rave, Cayon, Sobotram, Picq & Charbonnier, Régis Martelet, etc…
Malgré l’inflexion de l’activité, surtout constatée dans le secteur des marchandises générales, le manque de conducteurs reste le problème majeur auxquelles les entreprises sont confrontées. "La pénurie de main-d’œuvre constitue un vrai frein à notre croissance. J’ai 10 camions supplémentaires qui étaient prévus pour octobre, sauf que je ne dispose pas d’un nombre suffisant de conducteurs", témoignait ainsi Christophe Charbonnier il y a quelques semaines dans les colonnes de L’Officiel des Transporteurs.
Logivia, spécialiste du transport pour le secteur agricole, confirme. "Nous avons peu de turnover, mais le recrutement, ne serait-ce que pour remplace les départs en retraite, est compliqué", remarque Sylvain Baudry. La structure a choisi d’aborder cette question dans le cadre d’une réflexion globale qui part de la place de l’entreprise dans la société. "L’entreprise classique ne fonctionne plus. Après des décennies de croissance, la justice sociale revient au centre des enjeux de l’économie", estime Sylvain Baudry, directeur général de Logivia.
Un constat qui a d’abord conduit le dirigeant à revoir l’approche managériale. "Nous avons choisi d’avoir une structure de management très légère, ce qui présente un double avantage : donner de l’autonomie aux collaborateurs et limiter les coûts. Notre structure représente ainsi 2,7% du chiffre d’affaires, contre plus de 10% chez un transporteur classique", évalue Sylvain Baudry.
Les collaborateurs sont aussi associés à la vie de l’entreprise, en étant sollicités au-delà de leur mission première. Les conducteurs, par exemple, participent au choix des véhicules, mais aussi éventuellement à l’analyse des plannings de transport, pour lesquelles leur expérience de terrain est précieuse.
Sylvain Baudry insiste également sur l’importance de la formation. "En dehors, évidemment, des formations obligatoires, le métier de conducteur est un de ceux où l’on est le moins formé, alors même que les technologies évoluent très vite. Il est important de garantir l’employabilité de nos collaborateurs". Sur ce point, le directeur général regrette d’ailleurs la réforme des règles de financement de la formation dans les entreprises de plus de 50 salariés, qui risque de freiner les ardeurs.
La transformation managériale fait aussi la part belle à la communication. "Il est important d’expliquer en permanence nos actions et de nos décisions. Évidemment, il faut être cohérent avec ses valeurs. Chez Logivia, par exemple, nous avons mené des opérations de fusion sans que cela ne se fasse au détriment de l’emploi", illustre Sylvain Baudry.
De même, dans le cadre des activités de coopérative agricole de Logivia, l’entreprise fait appel à la sous-traitance, avec 550 transporteurs référencés. "Mais il est hors de question pour nous d’intégrer des transporteurs exotiques pratiquant du dumping social", martèle Sylvain Baudry.
Enfin, le dirigeant n’hésite pas à tenir un discours sur le développement durable plutôt à contre-courant de ce que l’on entend souvent dans la profession. "Compte tenu de l’impact environnemental, les transports au long cours n’ont rien à faire dans les camions. Ce mode devrait se limiter à la courte et moyenne distance. C’est d’ailleurs notre cas. Sur les 3,5 millions de tonnes que nous acheminons annuellement, nous faisons essentiellement du transport régional, en nous préoccupant aussi à notre échelle de l’empreinte environnementale", explique Sylvain Baudry.
Le groupe planche actuellement sur les énergies alternatives avec un projet de passage au Bio GNV. Le premier camion arrivera en 2020 et une cinquantaine rejoindront la flotte d’ici deux ans, sachant que Logivia compte aujourd’hui 150 véhicules. Les moteurs des véhicules que nous avons choisis pour cette transition sont fabriqués en Bourgogne, précise le directeur général.
- 14% de GES, c’est bien,mais ça ne nous suffit pas 😃
— Logivia (@Logiviafr) December 2, 2019
Nos études se poursuivent avec des énergies performantes, made in 🇫🇷, issues de l’agriculture, renouvelables et tracées : une réelle alternative aux Énergies fossile 💚
2020 nous réserve de belles surprises à ce sujet 😉 pic.twitter.com/CA4mhcrU7z
Par ailleurs, pour le reste de la flotte, Logivia souhaite recourir à un nouveau carburant, l’Oléo 100, qui sera produit à partir de colza de la région. "On est sur un concept d’économie circulaire. Notre objectif est de parvenir à remplacer 100% du gazole d’ici 3-4 ans", souligne Sylvain Baudry. Par ailleurs, comme beaucoup de transporteurs, Logivia a déjà réussi à réduire de 14% en deux ans ses émissions de CO2, par la formation des conducteurs et l’optimisation des flux.
Cette approche soucieuse des nouvelles attentes sociétales, en plus de dépoussiérer l’image de la profession, se révèle économiquement efficace. Logivia revendique un chiffre d’affaires multiplié par 3 en trois ans. "C’est un métier dur, mais où il est encore possible de gagner de l’argent en respectant ses collaborateurs", conclut Sylvain Baudry.