En réponse aux mesures disparates, et parfois contraires au droit européen, prises par certains États membres pour lutter contre l’épidémie de coronavirus dans un contexte de panique, la Commission Européenne a présenté le 16 mars des "lignes directrices sur les mesures de gestion des frontières afin de protéger la santé et de garantir la disponibilité des biens et des services essentiels dans l’Union européenne". Il ne s’agit pas seulement d’une question économique. "Le marché unique est un instrument clé de la solidarité européenne", a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen.
Le transport de marchandises figure en bonne place puisqu’il fait l’objet, avec les services, du premier chapitre de ces lignes directrices. La Commission veut mettre un terme aux interdictions et contrôles intempestifs mis en place de façon unilatérale. "Les mesures de contrôles ne doivent pas empêcher la continuité de l’activité économique et doivent préserver la fluidité des chaînes d’approvisionnement", notamment pour la nourriture et les équipements médicaux. Les lignes directrices prévoient donc une obligation de notifier à la Commission et aux États membres toute mesure de restriction envisagée en matière de transport (hormis les mesures d’urgence dans le transport aérien).
"Il est essentiel de faciliter la circulation en toute sécurité des personnels du transport, c’est-à-dire les chauffeurs routiers, les conducteurs de trains, les pilotes et les équipages, que ce soit à l’intérieur des frontières ou à l’extérieur", souligne la Commission. Elle demande donc que toute restriction soit "transparente, dûment motivée, proportionnée, pertinente, spécifique au mode de transport et enfin non-discriminatoire".
Définir des axes de transport prioritaires
La Commission invite par ailleurs les États membres à définir des axes prioritaires pour le transport de fret (des "green lanes") et à considérer la levée des restrictions de circulation le week-end. "Les mesures de contrôle ne doivent pas conduire à des ruptures de la chaîne d’approvisionnement", martèle la Commission.
Elle demande d’ailleurs aux États membres de prévoir si besoin les mesures de renfort nécessaires pour faire fonctionner les points stratégiques que sont les ports, les aéroports et les hubs logistiques.
Les ministres des Transports de l’Union européenne, lors d’une réunion en visioconférence qui s’est déroulée le 18 mars, ont aussi insisté sur la nécessité d’aider financièrement les opérateurs pour maintenir en vie le transport européen. "Nous devons donner aux entreprises les marges de manoeuvre financières dont elles ont besoin pour survivre dans cette période cruciale, tout en évitant que la solution pour les uns ne devienne un problème pour les autres. Il est important de laisser le fret circuler et traverser les frontières pour que les biens essentiels en nourriture et en médicaments parviennent aux citoyens européens", a souligné la présidence croate du Conseil, représenter par le ministre de la Mer, des Transports et des Infrastructures, Oleg Butković.
L’IRU (Union internationale des transports routiers) a pour sa part réclamé un assouplissement des temps de conduite et de repos, ainsi qu’une levée des restrictions sur certaines contraintes de livraison. Certains pays ont d’ores et déjà pris des mesures en ce sens, comme en témoigne le bilan des mesures en cours régulièrement mis à jour sur la page web de l’IRU dédiée à la crise du coronavirus. La France s’apprête à leur emboîter le pas. "Il s’agit en particulier de permettre aux collaborateurs de se rendre sur le lieu de travail ou de production, de maintenir ouverts de façon dérogatoire les commerces ou services indispensables à la chaîne logistique (stations-services y compris les points alimentaires, les centres routiers, les garages pour les poids-lourds, les équipements sanitaires des aires de service, etc.). Le cas échéant, des dérogations seront accordées pour assurer la fluidité des opérations de transport", précise un communiqué.
L’IRU a par ailleurs demandé des garanties en termes de sécurité sanitaire pour les personnels du secteur, rejoignant ainsi les préoccupations exprimées par la Commission européenne. En France, un décret doit préciser prochainement les mesures de protection sanitaire des opérateurs de la chaîne logistique.