La Commission européenne et le gouvernement britannique ont jusqu’au 31 décembre pour négocier un traité organisant leurs futures relations. Des divergences demeurent dans trois domaines : la pêche, la concurrence et le règlement des litiges. C’est avant tout un sujet politique, car Londres prépare un projet de loi sur le marché intérieur pour pouvoir inhiber la signature d’un mauvais accord avec l’Europe. Ce projet de loi, avec ses clauses relatives à l’Irlande du Nord, est déjà remis en cause sous l’angle du droit international. De plus, la voix de l’Écosse se fait entendre pour un rapprochement avec l’Europe ; un sujet majeur compte tenu des réserves d’hydrocarbures offshore. L’enjeu global pour l’Europe est la protection des règles du marché unique sur le long terme pour 450 millions de consommateurs. La vision européenne et la souveraineté britannique s’affrontent sur un plan politique, mais avec des impacts financiers et économiques déjà sensibles. La Livre sterling a chuté de près de 8% face à l’Euro depuis le début de l’année. D’autre part, le Royaume-Uni se retrouve confronté à un vrai risque de paralysie économique, alors que la congestion s’aggrave dans les ports britanniques.
Depuis plusieurs semaines, les ports britanniques sont saturés, ce qui engendre des retards de livraison. Ce phénomène de congestion s’explique certes par une période de forte activité à l’approche du pic de consommation des fêtes de fin d’année mais aussi par une augmentation des stocks en prévision d’une hausse des taxes douanières. Les compagnies maritimes ont de plus en plus de difficultés à assurer le service sur les ports de Felixstowe ou Southampton. De nouvelles surcharges sont mises en application, d’un montant de 150$ par TEU en moyenne pour les conteneurs en provenance d’Asie.
Le secteur de la distribution commence à être impacté avec un risque de rupture d’approvisionnement et l’industrie automobile adepte de la gestion en "zéro stock" est fortement pénalisée. Honda a annoncé un arrêt temporaire de l’activité de son site de production de voitures à Swindon, à cause d’une rupture de pièces détachées et d’un stock insuffisant de matières premières.
Le réseau autoroutier est complètement saturé aux abords du passage de la Manche. D’après la préfecture, 9 000 camions par jour traversent la Manche dans chaque sens, contre 6 000 habituellement.
Au début de l’année, de nouvelles formalités douanières seront mises en place et elles risquent d’allonger encore le temps de transport. "Le plan de gestion du trafic n'est pas à la hauteur des enjeux et on n'est pas encore au Brexit, cela promet", a déploré auprès de l'AFP Sébastien Rivéra, le secrétaire général de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR) du Pas-de-Calais. La réponse anglaise, dans l’immédiat, est de construire des milliers de mètres carrés de parkings dans le Kent afin de juguler ces embouteillages, ce qui n’est d’ailleurs guère au goût des riverains.
Si la Grande-Bretagne sort de l’Europe sans accord, les règles de base de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’appliqueront par défaut. Le risque à court terme est alors d’engendrer des ruptures dans la chaîne d’approvisionnement et une inflation des prix pour le consommateur final. En revanche, des signes d’espoir à moyen terme peuvent être apportés par des accords de réciprocité de taxes douanières entre Etats, un investissement massif dans les infrastructures frontalières et des solutions de dédouanement digital pourrait faciliter le travail quotidien des transporteurs et des transitaires.
Sur la base de données des prix Upply, on observe une hausse générale des prix du fret maritime et aérien à destination du Royaume-Uni. La désorganisation des services induite par la pandémie de la Covid-19 influe de façon importante sur cette évolution, mais le contexte du Brexit vient encore aggraver le phénomène. On constate un allongement des délais de transit et une situation de stockage massif avant la fin de l’année. De septembre à décembre, l’accroissement du mix-prix contractuel et spot pour le fret aérien en provenance de Hong Kong, par exemple, a atteint +23%.
En matière de fret maritime, l’étude de la dispersion des prix nous donne une variation de +137% entre le minimum début septembre et le maximum début décembre, sur la base d’un trajet d’un conteneur entre Shanghai et Felixstowe. Mais la situation est encore plus complexe d’un point de vue opérationnel puisque la congestion des ports britanniques est tellement forte que seul le service premium passe et plusieurs compagnies maritimes ne desservent plus directement la destination.
Source : Upply
Dans le transport routier, les prix restent en revanche plutôt très stables, malgré les embouteillages grandissants et les prévisions de rentabilité orientées à la baisse compte tenu des contraintes opérationnelles. Une situation qui ne pourra perdurer en cas de Brexit dur.
Si la saturation des infrastructures britanniques persiste, le transport aérien pourrait être une solution de dernier recours pour du fret léger à forte valeur ajoutée.
Le premier partenaire commercial de la Grande-Bretagne est l’Union Européenne avec 47% des échanges, et au sein de l’UE son partenaire le plus important est l’Allemagne. D’après les prévisions de l’OCDE, une sortie sans accord aurait un impact de réduction de près de -40% des exportations britanniques dans le secteur des moteurs et véhicules, de -30% pour les textiles et les métaux, de -20% pour les biens d’équipement et les denrées de consommation. Au total, cela réduirait de 2% le PIB du pays d’après les analyses de l'Office britannique de la responsabilité budgétaire (OBR). Or la Grande-Bretagne est déjà dans une situation complexe dans le contexte de crise sanitaire. Le pays va emprunter 448 milliards d’euros pour l’exercice 2020/2021 et son déficit budgétaire atteindra un record depuis la Seconde Guerre mondiale.
Une sortie de l’Union Européenne sans un accord constitue un risque économique majeur pour le Royaume-Uni dans le contexte de crise sanitaire. Les solutions pour sortir de la récession économique reposeraient alors sur un investissement massif, une relocalisation des moyens de production et une relance économique du pays. La force du Royaume-Uni réside dans sa capacité à s’appuyer sur les pays du Commonwealth, la maîtrise totale de sa fiscalité et la possibilité de signer des accords de libre-échange, notamment avec l’allié américain.