Selon les chiffres de la Banque mondiale, le PIB de l’Espagne a atteint 1 281 milliards de dollars en 2020. L’Espagne se classe ainsi au 14ème rang dans le monde et au 5ème rang en Europe, après l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie. La population est estimée à 47,3 millions d’habitants[1], ce qui place l’Espagne également à la 5ème place dans le Vieux Continent.
En termes de PIB par habitant, mesuré en tenant compte de la parité de pouvoir d’achat (PPA), un indicateur utilisé par les économistes lorsqu’il s’agit de réaliser des comparaisons internationales, la situation de l’Espagne est plus proche de celle de ses voisins avec 37 766 USD en 2020. À titre de comparaison, cet indicateur était de 46 983 USD en France.
Durement affectée par la guerre civile (1936-1939), l’Espagne a connu une période d’autarcie économique pendant une vingtaine d’années. Le processus d’ouverture, enclenché à la fin des années 50, a ensuite permis une longue période d’expansion économique et l’amélioration des conditions de vie de la population. Cette dynamique a été couronnée par l’entrée dans l’Union européenne, le 1er janvier 1986, et dans la zone euro dès sa création en 1999.
La performance économique fait de l’Espagne un cas remarquable de décollage économique d’un pays. Selon la Maddison Project Database de l’Université de Groningen[2], qui fait autorité en matière données sur la croissance à long terme dans le monde, le PIB par habitant en volume a été multiplié par plus de 6 entre 1958 et 2018 alors que la population a augmenté de 58%.
La structure de l’économie s’est modernisée et de nouveaux secteurs ont été créés ou renforcés dans l’industrie (alimentation, automobile, construction ferroviaire, chimie, etc.) et les services (tourisme, commerce, transports, etc.). L’agriculture espagnole est aujourd’hui particulièrement compétitive dans les fruits et légumes.
Une des originalités de l’économie espagnole réside dans les efforts consentis par les gouvernements successifs, indépendamment du parti politique au pouvoir, en vue de soutenir l’industrie. Cette stratégie a bénéficié de l’assentiment de l’ensemble des parties prenantes concernées, principalement les collectivités territoriales (régions et municipalités) et les syndicats ouvriers. L’industrie automobile espagnole, caractérisée par la présence de constructeurs exclusivement étrangers, dont les groupes Renault et Stellantis, illustre parfaitement cet engagement. Avec 2 millions de véhicules assemblés en 2021, l’Espagne se classe au 2ème rang en Europe après l’Allemagne[3]. L’industrie automobile (constructeurs et équipementiers) représente 8% du PIB espagnol et plus de 80% de la production est exportée[4].
Ces éléments positifs ne doivent pas masquer les faiblesses de l’économie espagnole soulignées régulièrement par les experts internationaux, notamment ceux du FMI et de l’OCDE. L’Espagne se caractérise par un taux de chômage traditionnellement plus élevé que chez ses voisins européens (14,1% en 2019, avant l’apparition de la pandémie de Covid-19), et particulièrement marqué pour les jeunes. Le pays souffre également d’une forte dépendance à l’égard des importations pour couvrir ses besoins en énergie.
Mais les principales faiblesses concernent le tissu productif, caractérisé par une forte atomisation, un déficit de productivité et une insuffisance de l’innovation. L’Espagne ne consacre qu’un montant équivalent à 1,3% de son PIB aux dépenses de recherche-développement (R&D) contre 2,2% en France, 3,2% en Allemagne et au Japon, selon les statistiques de l’OCDE.
Source : Eurostat
Ces faiblesses placent l’économie espagnole dans une situation de fragilité en cas de "choc extérieur". La pandémie du Covid-19 a impacté fortement l’Espagne et a eu des conséquences très négatives sur l’économie. En 2020, le PIB a reculé de 10,8% en volume, soit le plus fort recul enregistré en Europe, la baisse du PIB global de l’UE ayant été de 5,9%. La première estimation pour l’année 2021 fait état d’une hausse du PIB espagnol de 5%, qui n’a pas permis de compenser le terrain perdu[5].
Croissance annuelle du PIB des 5 grands marchés ouest-européens
Source : Banque mondiale
La pandémie a eu également un impact très négatif sur les finances publiques. Le déficit public est passé d’un montant équivalent à 2,8% du PIB en 2019 à 10,9% en 2020[6]. L’inflation a été relancée avec des chiffres supérieurs à ceux du reste de l’Europe : les prix à la consommation ont progressé de 6,5% en 2021 (contre +5,3% dans l’UE) et de 7,6% en février 2022 (par rapport à février 2021).
La reprise, engagée en 2021, devrait se poursuivre. Les dernières prévisions de la Commission européenne, publiées le 10 février 2022, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, tablaient sur une hausse du PIB de 5,6% en 2022 et de 4,4% en 2023[7]. A la mi-février 2022, le FMI avançait des chiffres similaires, +5,8% et +3,8% respectivement[8].
L’Espagne compte sur le soutien apporté par l’Europe dans le cadre du programme Next Generation EU avec une enveloppe prévue de 140 Md€ (subventions et prêts) pendant la période 2021-2026.
S’il est un domaine où l’Espagne affiche des performances remarquables, c’est celui du commerce extérieur. Pendant la période 2012-2019, les exportations ont progressé globalement de 29% pour atteindre 291 Md€[9]. En 2020, elles ont diminué de 10% mais un rebond net a été enregistré en 2021 : +21% à 317 Md€. La dynamique s’est maintenue en 2022 (+25% en janvier par rapport au même mois de l’année antérieure).
Source : Source : ministère de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Le commerce extérieur espagnol se caractérise par le poids de l’Europe qui concentre 74% des exportations et 60% des importations. Pour des raisons historiques, linguistiques et culturelle, l’Amérique latine est aussi un partenaire essentiel (5% des exportations et des importations) mais les véritables enjeux commerciaux sont ailleurs. En 2021, la France a absorbé 16% des exportations espagnoles, soit trois fois plus que l’ensemble de l’Amérique latine.
Le principal handicap, d’un point de vue géographique, réside dans le faible poids de la zone la plus dynamique de l’économie mondiale, l’Asie (9% des exportations en 2021 contre 16% pour la France). Nous verrons toutefois que la Chine s’intéresse au marché espagnol, notamment par le biais du e-commerce transfrontalier qui fera l’objet d’un prochain article dans le cadre de ce dossier.
Source : Source : ministère de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Le commerce extérieur ainsi que les caractéristiques de l’économie et la position géographique expliquent à leur tour l’originalité de la situation de l’Espagne en matière de transport et de logistique. L’Espagne dispose de la plus grande façade maritime en Europe (8 000 kilomètres). 90% des exportations et 60% des importations se font par la voie maritime, d’où l’importance des ports de commerce (46 regroupés dans 28 autorités portuaires). La situation de l’Espagne en Méditerranée sur l’axe maritime Europe-Asie, via le canal de Suez et le détroit de Gibraltar, a favorisé le développement de l’activité de transbordement, principalement dans les ports d’Algésiras et de Valence. L’Espagne se classe au 1er rang en Europe pour le trafic de conteneurs avec près de 18 MEVP en 2021, dont 9,4 MEVP au titre du transbordement[10].
Autre exemple : le transport routier de marchandises (TRM). La faiblesse du transport ferroviaire (moins de 4% du transport terrestre actuellement) et l’absence de transport fluvial accordent une position exceptionnelle au TRM dans le transport de marchandises en Espagne. À cela vient s’ajouter une activité internationale liée notamment au transport de fruits et de légumes sous température contrôlée. Le secteur est fortement atomisé puisqu’il compte 105 000 entreprises et 380 000 véhicules, dont 267 000 de plus de 3,5 tonnes[11]. Cependant, grâce au dynamisme des entreprises qui travaillent à l’international, l’Espagne se classe au 2ème rang en Europe pour l’activité internationale après la Pologne[12]. Nous reviendrons en détail sur le transport routier de marchandises espagnol dans le prochain volet de cette série d’articles.
[1] Au 1er juillet 2021 : https://www.ine.es/prensa/cp_j2021_p.pdf
[2] https://www.rug.nl/ggdc/historicaldevelopment/maddison/releases/maddison-project-database-2020
[3] https://www.oica.net/category/production-statistics/2021-statistics/
[4] https://anfac.com/datos-clave-del-sector-automocion-2020/
[5] https://www.ine.es/daco/daco42/daco4214/cntr0421a.pdf
[6] https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2022/02/15/Spain-2021-Article-IV-Consultation-Press-Release-Staff-Report-and-Statement-by-the-513178
[7] https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-performance-and-forecasts/economic-performance-country/spain/economic-forecast-spain_en
[8] https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2022/02/15/Spain-2021-Article-IV-Consultation-Press-Release-Staff-Report-and-Statement-by-the-513178
[9] https://comercio.gob.es/ImportacionExportacion/Informes_Estadisticas/Documents/informe-mensual/Informe-Mensual-de-Comercio-Exterior-ultimo-periodo.pdf
[10] https://www.puertos.es/es-es/estadisticas/EstadisticaMensual/12%20Diciembre%202021.pdf
[11] https://www.mitma.gob.es/transporte_terrestre
[12] https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/road_go_ia_ltt/default/table?lang=fr