En avril, l’industrie mondiale du fret aérien avait enregistré la chute la plus brutale de son histoire. Au mois de mai, des signaux de "légère reprise" sont apparus, même si la situation du transport aérien en général reste extrêmement critique. Selon les statistiques publiées par l’Association du transport aérien international (IATA), le trafic mesuré en tonnes-kilomètres a diminué de 20,3% en mai 2020 par rapport à mai 2019, ce qui représente le troisième mois consécutif de repli à deux chiffres, mais quand même une nette amélioration par rapport à avril. "Ce début de reprise s’explique par une certaine stabilisation de la production manufacturière et une reprise des exportations. Globalement, ces deux paramètres restent en déclin, mais le rythme de la chute s’est considérablement ralentie, grâce au déconfinement progressif intervenu sur de nombreux marchés", décrypte l’IATA, en se basant sur l’évolution de l’indice des directeurs d’achat (Purchasing Managers’ Index).
Si toutes les régions affichent encore un repli du trafic de fret aérien au mois de mai, le choc reste particulièrement rude pour les compagnies aériennes européennes, qui enregistrent "la plus faible performance parmi toutes les régions". Il faut dire que dans cette zone, les mesures de confinement n’ont pas commencé à être levées avant la mi-mai, en tout cas dans de nombreux pays. À l’inverse, les transporteurs nord-américains font état de la plus faible contraction de la demande : -3,6% globalement et -9% à l’international. "Cette performance résiliente est attribuable au confinement plus court et moins exigeant dans certaines régions, aux flottes importantes d’avions cargos de certains transporteurs et aux forts volumes d’échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine. La demande sur les grandes routes entre l’Asie et l’Amérique du Nord était en baisse de seulement 0,4 % en glissement annuel en mai", détaille l’IATA. Les compagnies d’Asie-Pacifique révèlent pour leur part un assez net redressement, alimenté par les expéditions d’équipements de protection personnelles, mais aussi par le redémarrage des économies en Chine, au Vietnam ou en Corée du Sud.
Le Moyen-Orient et l’Amérique latine réduisent également très significativement le rythme du déclin, mais la situation sanitaire reste source d’inquiétude. L’Afrique, enfin, s'en sort plutôt bien, notamment grâce à la bonne résistance des flux Asie-Afrique, en diminution de seulement 0,4% en mai.
Du côté de l'offre, la quasi-paralysie du trafic aérien a engendré de fortes tensions sur les capacités au plus fort de l’épidémie de la Covid-19. La situation s'améliore mais reste tendue puisque la majorité de la flotte d’avions passagers était encore clouée au sol au mois de mai. La capacité mondiale, mesurée en tonnes-kilomètres offertes, était donc encore réduite de 34,7% par rapport à la même période de 2019 (-32,2 % pour les opérations internationales). La diminution s’élève à 66,4% pour les capacités en soute, tandis que l’offre à bord des avions cargo affiche une augmentation de 25,2%, précise l’IATA.
Le rapport de force reste donc favorable aux compagnies aériennes, la contraction des capacités restant supérieure à celle de la demande. Ce décalage permet une croissance du coefficient de chargement (+10,4% par rapport à mai 2020).
L’accès un peu plus facile aux capacités permet aussi d’apaiser un peu la flambée des taux de fret constatée notamment en avril. Comme le montrent nos données Upply, sur les grands axes, les taux de fret aérien se maintiennent à des niveaux élevés par rapport à ce que l’on constatait l’an dernier à la même époque. Mais l’accalmie est nette par rapport au mois d’avril 2020, avec même un début de repli sur certains corridors.
Source : Upply - Solution "Comparer & Analyser"
Les prix "semblent avoir atteint un pic aux alentours de la mi-mai. Le manque de capacités cargo devrait commencer à se résorber dans un avenir proche, grâce au redémarrage progressif des vols passagers", avance l’IATA dans son analyse des chiffres du mois de mai. Du côté de la demande aussi, on peut attendre une certaine accalmie. Le temps joue en faveur de la réorganisation des chaînes logistiques. Exemple : les équipements de protection individuelle, acheminés à prix d’or par voie aérienne dans un contexte d’urgence absolue en mars-avril, devraient pouvoir emprunter d’autres chemins.
Une inquiétude subsiste, cependant : la recrudescence de l’épidémie dans certaines zones nourrit la crainte d’une deuxième vague, avec à la clef de nouvelles périodes de confinement et de nouvelles fermetures de frontières. L’avenir reste donc extrêmement incertain sur l’évolution des capacités disponibles. Quant à l’organisation des flux logistiques en fonction des perspectives de production et de vente, elle relève aujourd’hui d’hypothèses qui peuvent être remises en cause à tout instant.