Au mois de mai, le trafic mondial de fret aérien a progressé de 14,7% en glissement annuel et de 5,3% en glissement mensuel, s’établissant ainsi à environ 21,9 milliards de tonnes-kilomètres, selon les chiffres de l’Association du transport aérien international (IATA). En données corrigées des variations saisonnières, la croissance mensuelle s’élève à 3,1%. Selon l’Iata, le secteur a bénéficié de la croissance du commerce mondial, de l'essor en particulier du commerce électronique et des contraintes de capacité dans le transport maritime engendrées par les attaques menées contre les navires par les rebelles Houthis en mer Rouge.
En cumulé à fin mai, les volumes de fret aérien sont en progression de 13,2 % par rapport à la même période 2023 et de 3,1 % au-dessus de 2022, indique l’IATA. Sur la base de ces données, on peut estimer le trafic cumulé des 5 premiers mois de l’année à 108,2 milliards de tonnes-kilomètres.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Outre la croissance de la demande, un autre facteur favorable aux compagnies aériennes se confirme : les capacités croissent moins vite que les volumes à transporter, pour le troisième mois consécutif. La progression de l’offre globale au mois de mai s’élève à 6,7% en glissement annuel et à 4,1% en glissement mensuel, ce qui hisse les capacités à un niveau d’environ 51,4 milliards de tonnes-kilomètres.
Ce différentiel entre la croissance de l’offre et celle des capacités permet une nouvelle amélioration du coefficient de remplissage. Il s’établit à 44,6%, en hausse de 0,5 points par rapport à avril 2024 et de 3,1 points par rapport à mai 2023. À l’international, le coefficient de remplissage franchit pour la première fois depuis juin 2023 le seuil des 50%, s’élevant à 50,3%. Comme le mois précédent, l’amélioration de ce ratio en mai 2024 profite aux compagnies de toutes les régions, à l’exception des compagnies africaines.
Malgré une croissance de la demande actuellement supérieure à celle de l’offre, on constate qu’il n’y a pas de tension sur le marché pour l’accès aux capacités sur la plupart des axes. Les compagnies ont en effet fortement augmenté l’offre disponible en soute des avions passagers depuis plusieurs mois, répondant au rétablissement de cette activité après la pandémie de Covid, et cela suffit encore à absorber la demande.
Compte tenu de l’équilibre actuel, les taux de fret sont majoritairement orientés à la baisse, en glissement mensuel comme en glissement annuel. L’axe Asie-Europe fait toutefois figure d’exception, puisque les taux de fret progressent de 13% en glissement annuel après avoir déjà connu une croissance de 3,1% en avril. Cette particularité s’explique par les perturbations persistantes du transport maritime en mer Rouge, qui peut susciter des velléités de report sur le fret aérien, en tout cas pour certains types de produits. Cela est d’autant plus vrai que le différentiel de prix s’amenuise entre les deux modes, même s’il reste conséquent, compte tenu de la forte augmentation des taux de fret maritime.
Source : Upply Freight Index
Les axes Afrique-Asie et Moyen-Orient-Europe ont décroché la palme de la croissance en mai, avec une progression respective de 40,6 % et 33,8 %. Le second a probablement bénéficié également des perturbations en mer Rouge, qui ont redonné du souffle aux solutions sea-air. L’axe Asie-Moyen-Orient affiche également une croissance significative de 18,6%. On constate que les compagnies aériennes du Moyen-Orient ont d’ailleurs tiré parti de cette situation, avec une progression de leur trafic très nettement supérieure à celle des capacités.
L’évolution de l’axe Asie-Europe, deuxième marché mondial en volumes, attire également l’attention avec une hausse de 20,4%, tandis que le premier marché mondial, à savoir l’Asie-Amérique du nord, se contente d’une progression de 12%. Là encore, ce contraste reflète un intérêt accru pour le fret aérien probablement lié davantage aux tensions en mer Rouge qu’à un sursaut économique. Les performances des compagnies aériennes d’Asie et d’Europe illustrent également la dynamique de ce marché. L’axe Amérique du Nord-Europe, enfin, enregistre une augmentation de 8,9 % en mai en glissement annuel. Une croissance plus modeste, mais l’Iata souligne qu’il s’agit néanmoins du meilleur résultat depuis le milieu de l'année 2022.
La croissance enregistrée au mois de mai a pu être aidée par la légère amélioration de certains ratios économiques. L’indice de production industrielle montre une légère hausse de 0,5 % au mois de mai en glissement mensuel, et une croissance de 2,7 % en glissement annuel. Le commerce mondial de marchandises est également bien orienté, avec des progressions respectives de 1,5 % et 1,8 % en glissement mensuel et annuel au mois d’avril, selon les derniers chiffres disponibles. L'indice PMI de la production manufacturière et l’indice des nouvelles commandes à l'exportation, indicateurs avancés de la demande mondiale de fret aérien, témoignent également de perspectives favorables, même si certaines régions du monde, comme l’Europe et le Japon, montrent "des signaux de contraction", indique l’IATA. Sur le front de l’inflation aussi, la situation est un peu mitigée, avec une remontée à 3,3% aux États-Unis en mai. L’UE et le Japon constate en revanche une amélioration, avec une poursuite de la baisse du taux d’inflation. Quant à la Chine, elle enregistre une hausse des prix très modeste de 0,3%, mais qui reflète surtout "la faiblesse de la demande domestique, due à un taux de chômage élevé, à une faible croissance des revenus et à une crise du secteur immobilier", souligne l’IATA.
Autre point d’alerte : l’accroissement des tensions commerciales. L’IATA cite en particulier l’augmentation des restrictions au commerce transfrontalier entre la Chine et les États-Unis, qui pourrait affecter la demande de fret aérien sur l’axe Asie-Amérique du Nord. Mais de façon plus structurelle, on s’oriente vers une politique commerciale plus rigoureuse des États-Unis, mais aussi désormais de l’Europe, vis-à-vis de la Chine. L’instauration de droits compensateurs provisoires sur les importations de véhicules à batterie en provenance de Chine, annoncée par la Commission européenne le 4 juillet, marque une nouvelle étape dans l’évolution des échanges commerciaux. L’industrie du fret aérien sort incontestablement du marasme subi en 2023, mais des défis importants l’attendent.