La demande mondiale de fret aérien progresse de 3,5% en octobre 2022 par rapport à septembre, avec un volume total de 21,1 milliards de tonnes-kilomètres, indique l’Association du transport aérien international (IATA). Ce résultat pousse l’IATA à un léger optimisme. "Cela indique que l’on constatera en fin d’année l’impulsion qui correspond traditionnellement à la haute saison, malgré les incertitudes économiques", estime le directeur général, Willie Walsh. Cependant, la courbe devrait rester modérée, car les fondamentaux restent préoccupants pour les mois qui viennent.
En glissement annuel, les résultats d’octobre montrent en effet un repli de 13,6% par rapport à l’an dernier. Il est vrai que l’activité du dernier trimestre 2021 était particulièrement dynamique, portée par la reprise économique générale. Mais l’on constate aussi que le trafic d’octobre est en baisse de 6,2% par rapport au niveau pré-pandémique d’octobre 2019. Sur neuf mois, à fin octobre, le trafic mondial est sensiblement stable par rapport à 2019 grâce aux performances du début de l’année (- 0,2%), mais depuis plusieurs mois, l’évolution du fret aérien accompagne le ralentissement général de l’économie.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA.
Les secousses n’épargnent aucun marché. Le recul le plus prononcé revient aux compagnies européennes, suivies de celles du Moyen-Orient et d’Asie-Pacifique. Les compagnies d’Amérique du Nord, en revanche, contiennent l’érosion sous la barre des 10%. Enfin, les compagnies africaines, après avoir connu des performances très dynamiques pendant la période de reprise économique, sont rattrapées par les difficultés, tout comme les compagnies d’Amérique latine, dont le rebond, un peu plus tardif que pour les autres, semble aussi arriver à son terme.
Dans son analyse des principales routes internationales, l’IATA constate sur certains marchés une forte contraction des volumes en données corrigées des variations saisonnières au mois d’octobre 2022 par rapport à octobre 2021. C’est en particulier le cas des axes Europe-Asie (-21,9%), Asie-Afrique (-15,2%), Asie-Amérique du Nord (-13,5%), et dans une moindre mesure Moyen-Orient/Europe (-4%) et Moyen-Orient/Asie (-4,3%).
L’évolution des capacités reste très maîtrisée. En glissement mensuel, l’offre a augmenté de 2%, et en particulier de +2,4% à l’international, à l’amorce de la haute saison. Mais en glissement annuel, la capacité est en repli de 0,6%. Une évolution qui témoigne de la prudence des compagnies aériennes. C’est la première fois depuis avril 2022 qu’une contraction de l’offre est constatée.
La maîtrise des capacités permet d’éviter un effondrement des taux de fret malgré le ralentissement de la demande, contrairement à ce qui se passe dans le transport maritime conteneurisé.
Source : Upply
Selon les dernières estimations de l’IATA, l’industrie du fret aérien devrait conclure l’année 2022 avec un chiffre d’affaires total de 201,4 milliards de dollars, en baisse de 1,4% rapport à l’année précédente. La recette unitaire devrait. quant à elle rester en progression (+7,2% par rapport à 2021), même si l’on est loin des taux de croissance à deux chiffres de 2020 et 2021. Le trafic, enfin, devrait s’établir à 60,3 millions de tonnes, soit une diminution de 8,1% par rapport à 2021.
L’année 2023, en revanche, va marquer la fin de ce cycle favorable aux finances des compagnies aériennes en matière d’activité cargo. Selon les prévisions de l’IATA, le chiffre d’affaires devrait s’élever à 149,4 milliards de dollars, soit une chute de 25,8% en glissement annuel. L’activité cargo représentera ainsi 19,2% des revenus totaux des compagnies aériennes, contre 27,7% en 2022 et un record de 40,4% en 2021. Le trafic est prévu en baisse de 4,3%, à 57,7 Mt. Ce ralentissement pèsera lourdement sur la recette unitaire puisque l’IATA anticipe un déclin de 22,6% sur ce point.
Plusieurs facteurs expliquent la dureté de ce retournement. Tout d’abord, la situation économique générale se dégrade, avec une croissance mondiale annoncée en nette baisse. D’autre part, même si elle tend à se stabiliser voire à régresser légèrement, l’inflation reste à des niveaux élevés, ce qui pénalise la consommation et la production.
Les nouvelles commandes à l'exportation, un indicateur connu pour être un bon baromètre de l’évolution du fret aérien, manquent aussi toujours de dynamisme. L'indice PMI mondial reste en dessous du seuil des 50, ce qui témoigne d’une contraction. "La Chine et la Corée ont enregistré une légère hausse des nouvelles commandes à l'exportation en octobre par rapport à septembre, tout en restant sous la barre des 50, tandis que les autres grandes économies ont poursuivi leur baisse", précise l’IATA en insistant sur le cas de l’Allemagne, très touchée par l’impact de la guerre en Ukraine. Dans ce pays, les commandes à l’exportations sont à des niveaux inférieurs à 50 depuis mars.
Enfin, des paramètres spécifiques nuisent au fret aérien. Tout d’abord, après avoir connu une réduction de son différentiel de compétitivité avec le transport maritime, le fret aérien connaît désormais le mouvement inverse. En raison de l’affaiblissement de la demande, les chargeurs n’ont désormais pas de difficultés à accéder aux capacités maritimes, et n’ont donc pas besoin de se tourner vers l’aérien faute de place sur les navires. D’autre part, les taux de fret maritimes ont considérablement diminué, en particulier sur l’Asie-Europe où ils ne sont plus si loin des niveaux pré-pandémiques. L’écart entre les prix du maritime et ceux de l’aérien s’est donc à nouveau creusé.
Ensuite, la forte appréciation du dollar est une mauvaise nouvelle pour les compagnies sur le front des coûts d’exploitation, beaucoup de dépenses étant libellés en dollars, souligne l’IATA. La poursuite du redressement de l’activité de transport de passagers devrait toutefois, en l’état actuel des prévisions, permettre à l’industrie mondiale du transport aérien de sortir du rouge. Le résultat net devrait s’établir à 4,7 milliards de dollars, contre un déficit de 6,9 Md$ en 2022, 42 Md$ en 2021 et 137,7 Md$ en 2020.