Selon l’Association du transport aérien international (IATA), le trafic mondial de fret aérien mesuré en tonnes-kilomètres (FTK) n’a progressé que de 0,8 % en glissement annuel en juin 2025, contre +2,2 % en mai. Corrigé des variations saisonnières, le volume a toutefois progressé de 1,6 % par rapport à mai atteignant ainsi environ 23 milliards de tonnes-kilomètres, selon nos estimations.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Comme au mois de mai, l’évolution du fret aérien mondial est fortement influencée par la nouvelle politique américaine en matière de droits de douane. L’effet d’anticipation des commandes pour éviter les futurs droits de douane s’estompe. La plupart des accords commerciaux exigés par l’administration américaine étaient en cours de négociation au mois de juin, mais les entrepôts ne sont pas indéfiniment extensibles. D’ores et déjà, on constate donc un affaiblissement du commerce mondial qui perturbe les flux de fret aérien traditionnels.
La situation des compagnies américaines illustre parfaitement le rôle majeur de la politique commerciale américaine sur l’évolution des flux : les transporteurs nord-américains enregistrent une chute des volumes transportés de 8,3% globalement, et de 6,1% sur les liaisons internationales. L’effondrement est particulièrement marqué sur le corridor Asie-Amérique du nord, en raison des droits de douane additionnels importants appliqués aux importations en provenance de Chine. Pour le deuxième mois consécutif, les volumes ont chuté en glissement annuel, perdant 4,7% en juin.
L’axe Europe-Amérique du Nord, pour l’instant moins touché par les droits de douane additionnels, résiste mieux, avec une croissance de 4,8% en juin en glissement annuel. Toutefois, les flux ont diminué de 3,7% par rapport au mois de mai, ce qui montre que la période de constitution de stocks avant l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane touche à sa fin.
À l’inverse, le corridor Asie – Europe enregistre une bonne dynamique, avec une croissance de 10,5 % au glissement annuel au mois de juin, "soutenue par les secteurs de la technologie, la pharma et le luxe", précise l’IATA.
Enfin, en dehors de la guerre commerciale, un autre facteur a affecté l’industrie du fret aérien au mois de juin : le conflit au Moyen-Orient. Les compagnies aériennes ont été invitées à éviter autant que possible le survol de la zone. Les flux ont diminué de 3% par rapport au mois de mai sur le corridor Moyen-Orient-Europe. La route Moyen-Orient-Asie, qui affichait une croissance robuste au cours des derniers mois, a connu également une forte baisse de 8,4 % en juin 2025 par rapport au mois précédent, souligne l’IATA.
Sur les six premiers mois de 2025, le trafic mondial progresse encore de 2,8 %, mais la tendance est clairement au tassement. Globalement, l’augmentation des volumes est sensiblement en ligne avec celle des capacités, mais à l’international, l’écart de creuse, ce qui pourrait peser sur les tarifs.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
La capacité mondiale (ACTK) a augmenté de 1,7 % en juin en glissement annuel, atteignant 51,4 milliards de tonnes-kilomètres, en léger retrait par rapport à mai. Cependant, elle est en repli de 2,2% par rapport au mois de mai, ce qui reflète "des ajustements liés à la baisse de la demande sur plusieurs axes", estime l’IATA.
En juin, la situation au Moyen-Orient a occasionné un rebond des prix du pétrole en glissement mensuel, ce qui a également eu un impact sur le prix du kérosène, en hausse de 8,7% par rapport au mois de mai. Cependant, en glissement annuel, le prix du kérosène reste en baisse de 12,0 %. L’impact n’est donc pas déterminant sur l’évolution des taux de fret. Selon l’IATA, la recette unitaire moyenne, surcharges incluses, a enregistré une baisse de 2,5 % en glissement annuel. Cependant, elle rebondit de 0,9 point de pourcentage par rapport au mois précédent.
Les données Upply montrent des prix toujours orientés à la hausse sur l’axe Europe/Amérique du Nord Côte Est, comme au mois de mai. Ce mouvement est très vraisemblablement tiré par l’effet d’anticipation des commandes avant une éventuelle réintroduction massive de droits de douane, car le demande finale n’est pas particulièrement dynamique. Par ailleurs, la bonne tenue des volumes sur l’axe Asie-Europe permet aussi de soutenir les prix.
Source : Upply Freight Index
Au-delà des surcoûts induits par les droits de douane, la nouvelle administration américaine a créé un climat d’imprévisibilité paroxystique dans les relations commerciales. Accords ou pas, les incertitudes subsistent et atteignent un niveau tel qu’il est impossible à court terme, pour un supply chain manager, de reconfigurer les chaînes logistiques sur la base d’informations solides et pérennes. Quant aux compagnies aériennes, elles s’adaptent à la nouvelle donne commerciale en redéployant leurs capacités sur certaines liaisons, sans garantie sur l’avenir. En conséquence, l’IATA estime aujourd’hui qu’il existe un risque de ralentissement important de l’activité de fret aérien dans les mois qui viennent.
C’est d’autant plus le cas qu’un nouveau projet de l’administration américaine, s’il se concrétise, va frapper durement le e-commerce transfrontalier, l’un des moteurs majeurs de l’industrie du fret aérien. Le 30 juillet, la Maison Blanche a annoncé son intention de supprimer l’exemption des droits de douane sur les colis d’une valeur inférieure à 800 USD pour tous les pays, à compter du 29 août 2025. Jusqu’à présent, cette mesure était appliquée seulement aux envois en provenance de Chine et de Hong Kong, depuis avril 2025. Il s’agit d’un coup dur pour le fret aérien, moyen de transport privilégié de ces expéditions. La nouvelle politique américaine sur les "minimis" pourrait réduire les bénéfices de DHL de 3 %, a estimé son directeur financier. Les expressistes américains UPS et FedEx sont aussi en première ligne.
De façon plus générale, la relance de la guerre commerciale déstabilise les fondamentaux économiques et fait donc peser des inquiétudes sur l’évolution de la demande au 2è semestre.