Market Insights

Fret aérien : une évolution raisonnablement favorable

Rédigé par Anne Kerriou | 14 juin 2024

BAROMÈTRE. Le trafic mondial de fret aérien a augmenté pour le 5è mois consécutif en avril et les taux de fret déclinent moins vite. Mais le chiffre d’affaires global devrait chuter de 13,4% en 2024.

 L’industrie mondiale du fret aérien reste bien orientée, avec un cinquième mois de croissance à deux chiffres en avril 2024. Comme le mois précédent, la croissance du trafic est supérieure à celle des capacités.

1/ L’évolution de l’offre et de la demande 

  • Trafic d’avril 2024

Selon les données de l’Association du transport aérien international (IATA), le trafic mondial de fret s’établit à 21,7 milliards de tonnes-kilomètres en avril 2024, ce qui représente une progression de 11,1% en glissement annuel, mais une contraction de 6,5% en glissement mensuel. Toutefois, en données corrigées des variations saisonnières, l’érosion se limite à 0,2%. "Ce sont les transporteurs d'Asie-Pacifique et d'Europe qui ont le plus contribué à cette forte performance du trafic en avril, en représentant les deux tiers de l'augmentation annuelle. Cela contraste avec les sept mois précédents, où la majeure partie de la hausse provenait des compagnies aériennes enregistrées en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient, même si cette dernière est l'une des plus petites régions en termes de volume de trafic", précise l’IATA.

 

* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA

En cumul annuel, à fin avril, les volumes transportés s’élèvent à 85,3 milliards de tonnes-kilomètres, ce qui représente une augmentation de 12,7 % par rapport à 2023 et de 1,4 % par rapport à la valeur de 2022.

  • Capacités

Le mois d’avril a confirmé l’inversion de tendance constatée en mars : la croissance du trafic a de nouveau dépassé celle des capacités, ce qui a un effet positif sur le coefficient de remplissage des compagnies aériennes. Il s’établit à 43,9%, en repli de 3,5 points par rapport au mois précédent mais en hausse de 1,6 point en glissement annuel. Cette tendance profite aux compagnies de toutes les régions, à l’exception des compagnies africaines pour lesquelles l’augmentation des capacités est bien supérieure à celle du trafic en avril.

La croissance de l’offre globale reste dynamique : les capacités ont augmenté de 7,1% par rapport à avril 2023 et de 0,9% en glissement mensuel (+2,3% en données corrigées des variations saisonnières), pour atteindre 49,4 milliards de tonnes-kilomètres. Cette croissance provient toujours essentiellement des capacités en soute des avions passagers, qui ont enregistré le 36è mois consécutif de croissance à deux chiffres en avril (+15,2 % en glissement annuel). En comparaison, la capacité disponible à bord des avions tout cargo n'a augmenté que de 5,0 % en glissement annuel le mois dernier, précise l’IATA.

2/ L’évolution des prix

Alors que la quasi-totalité des axes enregistraient une hausse des prix en mars 2024 en glissement mensuel, le constat est plus nuancé au mois d’avril. Les taux de fret ont augmenté sur le marché intra-asiatique et sur l’axe-Asie-Europe. Ce dernier se distingue aussi par une hausse en glissement annuel, la seule parmi les principaux axes de notre base de données Upply.

Source : Upply Freight Index

Cette augmentation sur l’axe Asie-Europe s’explique notamment par le contexte géopolitique. Les attaques des Houthis en mer Rouge ont perturbé le transport maritime conteneurisé, engendrant une flambée des prix mais aussi une tension sur l’accès aux capacités. Deux facteurs qui peuvent conduire les chargeurs à se tourner vers des solutions de fret aérien.

Par ailleurs, les solutions de transit via le Moyen-Orient (y compris les solutions sea-air qui ont rencontré un regain d’intérêt depuis les difficultés en mer Rouge) ont été handicapées par les fortes inondations qui ont frappé l’aéroport de Dubai, ce qui a ajouté encore un peu plus de tension sur le marché. La route commerciale Moyen-Orient-Europe accuse d’ailleurs une baisse notable de 8,5 points de pourcentage par rapport au mois précédent. Le marché Moyen-Orient-Asie a également chuté de 9,5 points par rapport à mars pour atteindre une augmentation annuelle de 10,4 % en avril. Il s'agit du chiffre le plus bas en sept mois. Les transporteurs du Moyen-Orient ont pâti de ces difficultés. Ils ont perdu 10,6 points en glissement mensuel, ce qui représente de loin la plus forte baisse parmi toutes les régions. "La capacité des transporteurs du Moyen-Orient a subi une réduction en avril, probablement liée aux tensions géopolitiques entre l'Iran et Israël ainsi qu'aux fortes inondations de l'aéroport international de Dubaï", analyse l’IATA.

À l’inverse, les compagnies aériennes d’Asie-Pacifique et d’Europe détiennent les taux de croissance les plus élevés à l’international en avril 2024, avec respectivement +13,8% et +12,9%. Quant aux transporteurs d'Amérique du Nord, ils affichent toujours la plus faible croissance, mais cela représente malgré tout une nette amélioration.

3/ Des prévisions mitigées

Les compagnies aériennes constatent en ce début 2024 une certaine embellie, avec l’augmentation de la demande supérieure à celle de l’offre, et des prix qui remontent sur certains axes. Pourtant, les prévisions pour l’ensemble de l’année restent mitigées.

Effectivement, après avoir diminué de 1,8% en 2023, le trafic devrait repartir à la hausse et afficher 5% de croissance en 2024, selon les dernières prévisions économiques de l’IATA publiées début juin. En revanche, le chiffre d’affaires cargo devrait tomber à 119,8 milliards de dollars en 2024, en repli de 13,4% par rapport à 2023 et de 42% par rapport au pic de 2021. La recette unitaire moyenne atteindrait 2,10 USD/kg. Un chiffre toujours supérieur au niveau pré-pandémique (1,79 USD/km en 2019) mais en baisse de 17,5% par rapport à 2023 après avoir déjà chuté de 31,8% l’an dernier par rapport à 2022.

L’IATA se veut optimiste, en se basant sur certains signaux positifs, comme la croissance de l’indice PMI des directeurs d'achat (PMI) de la production manufacturière ou celui des nouvelles commandes à l’exportation. L’enthousiasme est pourtant temporisé par la contraction du commerce transfrontalier mondial de marchandises, en baisse de -0,6 % en glissement mensuel et de -0,8 % en glissement annuel au mois de mars. "La performance quelque peu décevante du commerce mondial de marchandises depuis le début de l'année 2023 est due à l'inflation persistante, aux perturbations des chaînes d'approvisionnement, aux tensions géopolitiques et à l'augmentation des restrictions au commerce transfrontalier", affirme l'IATA. Autant de facteurs qui vont perdurer dans les prochains mois.