Market Insights

Fret aérien : un rebond significatif mais provisoire  

Rédigé par Anne Kerriou | 12 juin 2025

Le trafic mondial de fret aérien a enregistré une progression de 5,8% en avril en glissement annuel, après un bon mois de mars. Mais les prévisions globales pour l’année ont été revues à la baisse.

1/ L’évolution de l’offre et de la demande

  • Trafic d’avril 2025

Selon les chiffres de l’Association du transport aérien international (IATA), les volumes exprimés en tonnes-kilomètres ont progressé de 5,8% en glissement annuel en avril, et de 2,3% en glissement mensuel en données corrigées des variations saisonnières. Ils s’élèvent ainsi environ 23 milliards de tonnes-kilomètres, selon nos estimations. La reprise est encore plus marquée sur les seules liaisons internationales, avec une hausse de 6,5% en glissement annuel.

Comme au mois de mars, la guerre commerciale a très vraisemblablement stimulé l’activité de fret aérien en avril 2025, en raison d’une anticipation des commandes avant l’instauration de droits de douane additionnels. Le secteur est particulièrement exposé à la menace d'une suppression de la règle des minimis, une franchise qui exemptait de droits de douane à leur entrée aux États-Unis les colis d’une valeur inférieure à 800 $. Selon l’IATA, l’activité a également été favorisée par un phénomène classique de reconstitution des stocks d’articles de mode et de biens de consommation entre avril et juin, avant le cycle de vente estival.

* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA 

Les principaux axes de trafic mondiaux sont en croissance en glissement annuel, mais dans des proportions variables, les progressions les plus fortes revenant aux corridors Europe/Asie (+11,3%) et Moyen-Orient/Asie (+6,7%). L’axe Asie/États-Unis affiche quant à lui une hausse de 1,9% en glissement annuel mais baisse de 5 points de pourcentage par rapport à mars. Sur le transatlantique, le trafic est stable en glissement mensuel. L’IATA note enfin un fort rebond des volumes sur l’axe Asie-Afrique, après un semestre de fort déclin.

  • Cumul annuel à fin avril 2025

Le rebond d’activité des mois de mars et avril permet à l’industrie du fret aérien d’afficher un trafic en croissance en cumul annuel, malgré un début d’année laborieux. L’augmentation des volumes reste néanmoins inférieure à celle des capacités.

* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA 

  • Capacités

La capacité mondiale de fret aérien a augmenté de 6,3% en avril en glissement annuel au niveau global, et même de 6,9% sur le seul segment international. Elle a ainsi atteint un niveau record de 52,4 milliards de tonnes-kilomètres offertes en avril 2025, soit une augmentation de 6,3 % en glissement annuel.

La capacité de fret disponible en soute des avions passagers représente 54,6% de la capacité totale et a progressé de 6,9 % en glissement annuel en avril. L'offre disponible à bord des avions tout cargo a augmenté à un rythme encore plus rapide, avec une hausse de 7,1 % en glissement annuel. Les compagnies aériennes ont de toute évidence injecté des capacités pour répondre à la forte demande qui s’est manifestée en anticipation des tarifs douaniers additionnels. Selon l’IATA, l’augmentation de la demande de passagers prévue pour l’été va conduire dans les prochains mois à une augmentation de l’offre disponible en soute des avions passagers. L’accès aux capacités ne devrait donc pas un sujet de préoccupation pour les chargeurs.

2/ L’évolution des prix

Le kérosène a enregistré une baisse de 21,2 % en glissement annuel et de 4,1 % en glissement mensuel, soit la troisième baisse mensuelle consécutive. Cette chute des prix du carburant a eu un impact sur les taux de fret aérien qui, dans la base de données Upply, incluent les surcharges. L’érosion reste cependant contenue. D’ailleurs, les recettes unitaires ont augmenté de 1,7%, tant en glissement annuel qu'en glissement mensuel, selon les données de l’IATA. Il s'agit du deuxième mois consécutif de croissance, nourri par le rush de la demande.

 

Source : Upply Freight Index

3/ Les perspectives

Depuis le début du printemps, le secteur du fret aérien évolue dans un contexte économique favorable. En mars, la production manufacturière mondiale, corrigée des variations saisonnières, a augmenté de 3,2 % en glissement annuel, après avoir connu une progression similaire le mois précédent. Ce dynamisme a contribué à la hausse des volumes de fret aérien en avril, qui a dépassé la croissance globale du commerce.

La production manufacturière mondiale, mesurée par l'indice PMI, a maintenu sa trajectoire ascendante en avril, se stabilisant juste au-dessus du seuil de croissance à 50,5, et enregistrant ainsi son quatrième mois consécutif de hausse. En glissement annuel, toutefois, le PMI a perdu 1,7%, ce qui indique un ralentissement de la dynamique de production par rapport à avril 2024. Les nouvelles commandes à l'exportation ont connu une contraction plus prononcée, reculant de 2,8 points d'indice à 47,2 par rapport à mars 2025 et passant sous le seuil clé de 50. Elles sont directement touchées par les changements de politique commerciale des États-Unis.

En conséquence, malgré l’embellie du printemps, l’IATA a revu à la baisse ses perspectives pour 2025. Le chiffre d’affaires de l’industrie mondiale du fret aérien en 2025 est désormais estimé à 142 milliards de dollars, ce qui représenterait une contraction de 4,7% par rapport à 2024. En décembre dernier, l’IATA prévoyait des revenus de 157 milliards de dollars, en augmentation de 5,7%. La croissance des volumes a également été drastiquement revue à la baisse puisqu’elle devrait se limiter à +0,7%, contre une hausse de 6% envisagée dans les précédentes prévisions. La recette unitaire devrait décliner de 5,2%, après avoir connu une érosion de 3,7% en 2024. Le repli était précédemment estimé à -0,7%.

Cette révision des prévisions repose principalement sur l'impact attendu de la baisse de la croissance du PIB, elle-même largement liée aux mesures protectionnistes qui freinent les échanges commerciaux, notamment les droits de douane. Le repli accentué des recettes unitaire est aussi partiellement imputable à une baisse des prix du pétrole supérieure à ce qui était initialement prévu. Les compagnies aériennes ont de la marge, car les taux de fret restent supérieurs aux niveaux pré-Covid, mais la guerre commerciale est incontestablement un coup dur pour l’industrie du fret aérien.