Un terreau favorable, mais des graines qui restent à semer. Ainsi pourrait-on résumer le "Diagnostic logistique du Grand Est" publié en avril 2018, à la demande du dynamique Observatoire régional du transport et de la logistique (ORT&L).
La position géographique constitue le premier atout de ce vaste territoire, né de la fusion des régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine. Le Grand Est constitue "un grand espace logistique européen, bordé par la Banane bleue et proche de Paris", souligne le rapport de l’ORT&L. Seule région française comportant quatre frontières terrestres (avec l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, et la Suisse), elle profite en effet de la proximité d’une Europe riche et de l’énorme potentiel du premier bassin économique national, l’Ile-de-France, dont elle est finalement proche sur son flanc ouest.
À cela s’ajoute un potentiel de consommation également significatif à l’intérieur même du territoire puisque le Grand Est se situe au 5è rang national en nombre d’habitants.
La région est desservie par de grands corridors européens routiers, ferroviaires et fluviaux. Trois axes nord-sud majeurs structurent le Grand Est, selon le rapport de l’ORT&L : "un corridor rhénan sur lequel s’articule la logistique alsacienne, un ‘Eurocorridor’ Benelux-Méditerranée via l’axe Moselle qui structure la logistique française et est centré sur la région lyonnaise, et enfin le sillon champenois. Ce dernier est plus péri-francilien et repose sur une logistique endogène", précisent les auteurs.
Le paysage est complété par des axes Est-Ouest importants : l’A4 (Paris-Metz-Strasbourg) et la N4, "unificatrices des trois anciennes régions mais qui ne sont pas encore de grands axes de structuration des fonctions logistiques", et d’autre part l’axe Paris-Bâle autour des autoroutes A5 et A26, précise le rapport.
Ce réseau dense est bien sûr un atout pour le développement d’activités transport et logistique… mais aussi un élément susceptible de favoriser le transit, au détriment de l’implantation sur le territoire de sites permettant de créer de la valeur localement.
Aujourd’hui, le territoire du Grand Est compte près de 5 500 entreprises de transport et de logistique (tous modes et activités). "On dénombre environ 3 000 entreprises de transport routier", précise Éric Mignon, délégué régional de la FNTR Lorraine.
Quant aux entrepôts et plates-formes logistiques de plus de 5 000 m², ils étaient en 2016 au nombre de 433 pour une surface moyenne de 19 800 m2, indique le dernier rapport de la Commission des Comptes des transports de la Nation, publié en août 2019. C’est donc un peu moins que les 472, d’une surface moyenne de 19 984 m², recensés en 2015 dans l’Atlas des entrepôts et des aires logistiques réalisé par le Service de l’Observation et Statistiques du ministère des Transports. La région Grand Est "présente un taux de plateformisation globalement inférieur à la moyenne française, même si l’Alsace en est très proche grâce à ses ports", détaille le rapport de l’ORT&L. Le port de Strasbourg ou les ports de Mulhouse-Rhin constituent en effet des pôles d’activités logistiques attractifs.
La région pâtit d’une difficulté : malgré son positionnement favorable, la demande pour des sites à vocation européenne ou même nationale demeure relativement modeste par rapport à celle portant sur "des sites de logistique endogène", précise l’ORT&L. Le Grand Est, dans ce domaine, subit clairement la concurrence des pays voisins, et notamment du Benelux.
"Les acteurs de l’immobilier logistique prévoient toutefois un développement des territoires hors dorsale Lille-Paris-Lyon-Marseille qui sature en termes de trafics, de foncier et de délai d’instruction des dossiers", signalent les auteurs du rapport. Une situation qui pourrait profiter à la région Grand Est, particulièrement à la Lorraine qui dispose de foncier disponible pour de grandes opérations (contrairement à l’Alsace). "Une opération d’envergure a d’ailleurs été annoncée : l’arrivée d’Amazon, qui doit implanter à Metz une énorme base logistique dont l’ouverture est prévue en 2020", souligne Éric Mignon.
L’économie du Grand Est se caractérise encore par le poids de son industrie puisque la région pointe au 2ème rang français hors Ile-de-France. Elle est notamment spécialisée dans l’industrie manufacturière, l’énergie ou encore l’agro-alimentaire. Deux grands domaines d’activité dominent : l’automobile et les machines/outils. "Un seul secteur non industriel arrive à s’insérer dans le classement des dix premières activités exportatrices, les boissons, qui occupent le 4è rang grâce au vin de champagne", précise la Direccte du Grand Est (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), dans une note relative au commerce extérieure en 2017. Le constat s’est également vérifié en 2018.
Le Grand Est se distingue donc par son industrie, mais aussi par secteur agricole, lui aussi proportionnellement supérieur à la moyenne nationale (3,3% de la valeur ajoutée contre 1,7% pour l’ensemble de la France métropolitaine), "avec une viticulture forte, mais aussi de la culture céréalière, de la polyculture et de l’élevage", indique la CCI du Grand Est. La filière bois-papier représente aussi une source significative d’activité.
Source : Douanes, Direccte Grand Est
La région Grand Est se situe au 2ème rang des régions exportatrices derrière l’Ile-de-France, avec un total de 64,7 milliards d’euros en 2018 (soit 13,4% des exportations françaises). Plus de la moitié provient d’Alsace, contre 27% environ de Lorraine et près de 20% de Champagne-Ardenne. Les pièces de l’industrie présente un solde commercial positif de près de 2 milliards d’euros. C’est aussi le cas du secteur des boissons, dont le solde excédentaire atteint 3,6 milliards d’euros en 2018, principalement grâce au champagne.
"Les produits pharmaceutiques apparaissent très spécifiques aux exportations bas-rhinoises mais aussi aux importations marnaises. De façon équivalente, les machines agricoles et forestières restent particulièrement présentes au niveau des exportations bas-rhinoises d’une part et des importations haut-marnaises d’autre part", détaille enfin la Dirrecte du Grand Est dans son étude Portrait de territoires 2019.
Le Top 20 des entreprises industrielles reflète massivement cette vocation industrielle de la région.
Source : Direccte Grand Est
À l’import, le Grand Est représente 10,4% des importations françaises, avec un total de 58,3 milliards d’euros en 2018. Un chiffre qui place la région en 4ème position au niveau national. "La mutualisation des efforts, des savoir-faire et des potentiels des 3 anciennes régions pourrait constituer un levier important pour développer davantage encore la vocation à l’international du Grand Est. Des synergies pourraient également être trouvées entre le secteur agricole/viticole et l’industrie", souligne la CCI du Grand Est dans une étude sur les entreprises du Grand Est à l’international.
Sans surprise, compte tenu de son poids économique et de sa proximité géographique, l’Allemagne constitue le principal partenaire commercial du Grand Est, "avec des niveaux d’exportation et d’importation proches des 16 milliards d’euros", indique la Direccte. Les échanges sont quasiment équilibrés (-325 M€ en 2018, au profit de l’Allemagne).
De façon générale, les échanges avec les pays européens sont largement dominants. Le solde est particulièrement positif "avec l’Italie, en forte progression, la Belgique, l’Espagne et surtout avec le Royaume-uni où la balance commerciale s’établit à 3,7 milliards d’euros en 2018", détaille l’étude de la Direccte. Au niveau des importations, on note par ailleurs des flux significatifs avec l’Autriche ou la République Tchèque.
En dehors de l’Europe, les échanges avec les États-Unis et la Chine dominent. En 2018, la région Grand Est présente un solde commercial positif les États-Unis (+578 M€). Les importations en provenance de chine restent stables, à environ 3 milliards d’euros, le déficit commercial s’établissant ainsi à 1,8 milliards.
Source : Douanes, Direccte Grand Est