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Hauts-de-France : la reprise du transport routier marque le pas en 2019

Rédigé par Anne Kerriou | 09 septembre 2019

DOSSIER. Notre Tour de France du TRM s’arrête dans les Hauts-de-France pour un point sur la conjoncture, après la présentation de l’économie régionale. Le trafic de transport routier de marchandises par camion de plus de 3,5 tonnes dans les Hauts-de-France est reparti à la hausse à partir de 2016, après un repli entre 2013 et 2015. Les professionnels pointent cependant un retournement de tendance en 2019.

Ces dernières années, le secteur du transport routier a clairement été bousculé, comme partout en France, par une concurrence étrangère virulente et par "l'utilisation accrue de véhicules de moins de 3,5 tonnes, afin d'échapper aux législations s'imposant aux chauffeurs de poids lourds, comme le respect des temps de repos", souligne l’Insee dans une note de conjoncture de juin 2017. Le secteur a aussi souffert de la crise économique, qui a notamment frappé les activités industrielles. Mais après un repli entre 2013 et 2015, le trafic de  transport routier de marchandises par camion de plus de 3,5 tonnes est reparti à la hausse à partir de 2016.

Trois exercices favorables

"Le tournant a été assez brutal, ce qui a d’ailleurs engendré des  problématiques de recrutement. Mais ce retour des volumes et l’augmentation du chiffre d’affaires qui en a découlé ont eu un effet d’autant plus positif sur la trésorerie des entreprises qu’elles avaient fait de gros efforts de rationalisation pendant les années difficiles", détaille Olivier Arrigault, délégué régional de la FNTR.

En 2016 et 2017, les niveaux d’investissements et la rentabilité constatés en fin d’année ont finalement été bien supérieurs aux prévisions exprimées dans les enquêtes d’opinion de début d’année.

*en millions de tonnes-kilomètres transportées

@ Upply - Source : SDES, Enquête Transport routier de marchandises

Les entreprises de transport routier ont connu trois exercices favorables, dans des proportions et à un rythme qui pouvaient toutefois varier considérablement selon les sociétés et le secteur d’activité. "Les tendances sont beaucoup moins linéaires que par le passé. On peut avoir durant une même période un secteur qui se porte très bien et un autre en grande difficulté, d’où l’intérêt pour les entreprises de chercher à diversifier leurs activités pour faire face à ces cycles", souligne Olivier Arrigault.

Vincent Verkebe, dirigeant des Transports Verbeke qui travaillent notamment beaucoup avec la grande distribution, confirme cette observation. "Nous avons constaté une certaine morosité du secteur depuis la crise des gilets jaunes. Le mouvement a pesé sur les habitudes de consommation. Heureusement que nous avons d’autres types de flux, par exemple dans l’agriculture où le secteur du bio, en particulier, se montre dynamique".

La volatilité se retrouve aussi dans les cycles économiques de plus en plus courts. "Nos enquêtes d’opinion réalisées en début et en fin d’années le reflètent : il est de plus en plus difficile pour les chefs d’entreprise de se projeter sur le long terme", constate Olivier Arrigault.

Une croissance tirée par les flux internes

 La croissance de 2018 a très nettement été tirée par les flux internes, c’est-à-dire ayant pour origine et destination la région. Ceux-ci ont progressé de 30% en 5 ans pour atteindre 9 018 millions de tonnes-kilomètres selon les données provisoires de 2018, révèle le dernier bilan économique régional de l’Insee. Un résultat nettement supérieur à la hausse moyenne de 23% enregistrée au niveau national.

Le bilan est un peu plus mitigé au niveau des flux entrants et sortants de la région en provenance ou vers d’autres régions de France métropolitaine (les chiffres n’intègrent donc pas les échanges internationaux ni les trajets en transit). Les premiers ont tout juste retrouvé le niveau de 2014 et les seconds sont encore légèrement en-deçà. Bonne nouvelle cependant, une accélération de la croissance l’an dernier, avec une progression respective de 5% et 7,5%. "Ces hausses reflètent le dynamisme du secteur logistique de la région, qu e ce soit pour la vente par correspondance historique ou pour les grands acteurs de la vente en ligne", estime l’Insee.

Les flux ont aussi profité d’une industrie qui a repris des couleurs dans la région des Hauts-de-France, après avoir connu une longue période de convalescence après la crise de 2008, nourrissant aussi bien les flux hexagonaux que les échanges internationaux.

Une grande prudence pour 2019

Des points de vigilance ont toutefois commencé à apparaître à partir du deuxième trimestre 2018, avec la hausse du prix du carburant. "Notre enquête régionale réalisée avec la Banque de France a montré en 2018 un effritement de la rentabilité qui n’est pas lié à une baisse de chiffre d’affaires. Le problème relève bien d’une dégradation du ratio prix de vente/coût de production. Même s’il y a une clause d’indexation, il y a toujours au moins un décalage dans le temps. Par ailleurs, cette tendance engendre une certaine pression tarifaire : les chargeurs ont tendance à refaire des appels d’offres pour remettre les compteurs à zéro et partir sur de nouvelles bases", constate Olivier Arrigault.

"Le marché pourrait se retourner rapidement en cas de nouvelle crise" - David Bray

Là encore, le retournement de tendance n’est pas ressenti de manière uniforme. Les Transports Bray, par exemple, surfent encore sur la croissance. "Nous sommes très diversifiés, ce qui nous permet de compenser les pics et les effets de saisonnalité. Par ailleurs, beaucoup de chargeurs commencent à comprendre qu’il faut travailler dans une optique gagnant-gagnant, surtout dans un contexte « zéro stock ». La qualité de service permet de faire la différence, et l’argument du « Made in France », commence à rencontrer un certain écho", estime David Bray, le dirigeant de l’entreprise. "Nos marges restent malgré tout trop faibles lorsqu’on les met en face de nos responsabilités et  des évolutions des réglementations fiscales et sociales à venir. Nous restons très prudents dans nos prévisions de développement car le marché pourrait se retourner rapidement en cas de nouvelle crise."

Cette fragilité permanente induit au mieux un certain attentisme, au pire un franc pessimisme. L’enquête d’opinion menée par la CCI en novembre et décembre 2018 auprès d’un échantillon de plus de 4 000 établissements représentant différents secteurs économiques faisait état de projections économiques prudentes pour 2019. Du côté de l’industrie, elle prévoyait le maintien d’un bon niveau dans le secteur automobile et dans celui des biens intermédiaires. Les perspectives étaient également bonnes dans le commerce inter-entreprises. En revanche, le pessimisme était de mise dans le commerce de détail…et dans le secteur transport et logistique.

Quel que soit le critère pris en compte, les soldes d’opinion des dirigeants d’entreprises du transport et de la logistique étaient tous orientés à la baisse (-12 points concernant la rentabilité et la trésorerie et -6 points pour le chiffre d’affaires). La CCI précisait toutefois noter "un solde d’opinion plus positif pour le secteur de la logistique que pour le transport".

Une rentrée sous tension

Tout au long de l’année 2018, les nuages ont continué à s’amonceler, et le secteur du transport l’a clairement ressenti. "Nous avons connu le mouvement des gilets jaunes à partir de novembre, des épisodes neigeux durant l’hiver qui ont engendré stockage des camions, puis la grève des douaniers en mars à l’approche de l’échéance initiale du Brexit", liste Stéphana Callari, secrétaire générale de l’OTRE Hauts-de-France. "Globalement, l’activité de révèle très fluctuante, et plutôt assez faible par rapport aux années précédentes".

Outre les incertitudes économiques, le feuilleton du Brexit reste à l’ordre du jour. Mais à quelques semaines de l’échéance, les professionnels connaissent le même flou qu’au premier semestre. "Les trafics internationaux concernent finalement assez peu nos entreprises régionales car ils sont opérés à 90% par des entreprises étrangères, ni françaises, ni britanniques. En revanche, l’impact peut se faire sentir dans deux secteurs essentiellement : l’agroalimentaire et l’automobile, où beaucoup de sous-traitants ou d’activités logistiques sont implantées pour alimenter des sites de production au Royaume-Uni. Enfin, l’incertitude n’est jamais favorable à l’économie", analyse Olivier Arrigault.

Cerise sur le gâteau : les projets du gouvernement en matière de fiscalité viennent mettre le feu aux poudres. "Le contexte national très incertain va, s’il se confirme, impacter les trésoreries et les résultats, en 2019 et surtout en 2020", conclut le représentant de la FNTR.