Iéna est l'exemple type de l'application des innovations dans la stratégie de la guerre par Napoléon. Mettre cette bataille en perspective avec l'avènement de l’iPhone permet de décrire des comportements stratégiques et supply chain qui ne sont pas exempts de similitudes...
Nous poursuivons notre série de parallèles audacieux entre le monde contemporain et celui de Napoléon… Après « le transport, les guerres napoléoniennes et le digital », passons à l’Iphone et à la bataille d’Iéna…
"Une des premières puissances militaires de l'Europe, qui osa naguère nous proposer une honteuse capitulation, est anéantie (…). Toutes les provinces de la monarchie prussienne jusqu'à l'Oder sont en notre pouvoir."
C’est par cette proclamation officielle de l'empereur que la France apprend les brillants résultats de la campagne de Prusse. La victoire décisive du 14 octobre 1806 à Iéna, et celle de Davout, à Auerstaedt, à quelques kilomètres seulement, écrasent la Prusse. Son armée est passée en moins d’un mois de plus de 200 000 à 15 000 hommes à peine. La monarchie prussienne, vieille d’un siècle, vacille face au jeune Empire français pour avoir sous-estimé son adversaire et manqué de vitesse d’exécution.
Respect de l’adversaire et vitesse d’exécution
Voilà qui n’est pas sans rappeler une autre guerre - économique, celle-là – qui se joue presque deux siècles plus tard. Moribond au milieu des années 90, Apple s’est hissé au sommet mondial des entreprises en profit et en valeur boursière en révolutionnant non pas son métier d’origine, à savoir les ordinateurs, mais le secteur de la téléphonie. Le premier Iphone, commercialisé en 2007, apporte de nombreuses innovations.
Dans le même temps, Nokia, leader incontesté des téléphones portables de 1998 à 2011, a disparu du Top 100 du classement Millward Brown 2012 de valorisation des marques. Pour avoir privilégié une stratégie de téléphone portable low-cost et n’avoir pas cru dans le smartphone, Nokia a même dû vendre sa branche téléphonie en 2014.
Cette idée de la vitesse est maîtresse également dans le système napoléonien. Quand le roi Frédéric-Guillaume III transmet à la France, le 1er octobre 1806 (Napoléon n'en aura connaissance que le 7), un ultimatum lui enjoignant de retirer ses troupes de la rive droite du Rhin avant le 8, la réaction est immédiate et fulgurante. Napoléon ouvre les hostilités le 8 octobre avec la Grande Armée, forte de 180 000 hommes environ. La vitesse de la manœuvre surprend totalement les Prussiens.
Invention d’un modèle et pas seulement d’un produit
Napoléon a mis en pratique les innovations que nous évoquions dans notre article précédent :
- le système divisionnaire qui permet de disperser et de regrouper pour la bataille les armées
- le système de Gribeauval (standardisation de l’artillerie) pour accélérer sa mobilité qui trouve une magnifique illustration dans l’élargissement du chemin de Landgrafenberg ; l’ennemi ayant jugé son relief inaccessible pour l’artillerie !
Car la force de frappe et la rapidité ne suffisent pas : l’Empereur donne naissance à un nouveau modèle. La réussite de l’iPhone repose elle-aussi sur une capacité avérée d’innovation. Au-delà du produit, Apple invente un modèle autour de deux axes :
L'App Store est extrêmement intéressant dans son concept stratégique, car il permet à Apple d’être à la fois un constructeur et un distributeur de solutions digitales ; il renforce l’attrait de l’iPhone pour ses clients sans que Apple n’ait à payer pour le développement des apps. Au contraire, c’est même une source de cash ! Cet appel aux développeurs privés libère l’offre et accélère la production des applications.
En juillet 2009, soit un an après l’ouverture de l’App Store, le nombre d’applications disponibles dépasse les 85 000. Chaque jour, plusieurs centaines de nouvelles applications sont disponibles. Le 6 janvier 2010, Apple annonce avoir dépassé les 3 milliards de téléchargements d’applications iPhone. Début mars 2010, plus de 150 000 applications, élaborées par plus de 28 000 développeurs, sont disponibles au téléchargement sur l’App Store.
L’importance stratégique du transport
Chez Apple, la gestion des approvisionnements est clef parce que complexe : le sourcing est mondial (43 pays pour l’iPhone 8), la palette des éléments entrants dans la composition et l’assemblage de l’appareil est phénoménale.
Depuis la fin des années 90, et le retour de Steve Jobs à la tête de l’entreprise Apple, les produits finis sont transportés par avion. Le fondateur de la firme prend ainsi de court ses concurrents qui privilégiaient la mer. Principal avantage : le gain de temps. Ainsi, les appareils Apple sont expédiés en quelques heures du fabricant aux consommateurs.
Pour la distribution terrestre des iPhones, Apple a recours à un transport hautement sécurisé pour se prémunir du vol, compte tenu de la valeur de la marchandise et des contraintes imposées par les assureurs qui rechignent à garantir des valeurs au-delà de 7M€.
L’enjeu logistique n’avait pas échappé à Napoléon. À Iéna, c’est le train d’artillerie qui a rendu possible la victoire.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le dernier volet de notre série de parallèles entre le monde contemporain et celui de Napoléon, avec la bataille de la Bérézina…