En 2014, lorsque le projet de réforme territoriale des régions françaises a vu le jour, l’idée d’une fusion entre la Bretagne et les Pays de la Loire a été posée sur la table. Mais le mariage n’a finalement pas eu lieu et chacune a conservé son périmètre, quitte à devenir de "petites régions" à l’échelle française.
La Bretagne compte 4 départements, 2 métropoles (Rennes et Brest) et 15 communautés d’agglomérations. La population s’élève à 3,3 millions d’habitants, dont 33% en Ille-et-Vilaine, 27% dans le Finistère, 23% dans le Morbihan et 17% dans les Côtes d’Armor. La desserte du territoire repose grandement sur les infrastructures routières. La Bretagne présente la particularité de ne pas avoir d’autoroutes. Le réseau est structuré autour de deux axes littoraux à 2x2 voies, l’un au nord et l’autre au sud. À cela s’ajoute la RN164 qui traverse la Bretagne par le centre. Une mise à 2x2 voies de cet itinéraire est en cours de finalisation. Le temps nécessaire aux poids lourds pour parcourir l’intégralité de la RN164 passera ainsi de 2h45 dans la configuration à 1x2 voies à 1h50, soit un gain de 55 minutes.
L’enjeu n’est pas tant la congestion que le désenclavement. Ces travaux vont permettre aux entreprises bretonnes, en particulier du secteur agro-alimentaire, un accès facilité au reste des régions françaises. "Pour les entreprises, le référentiel temps devient incontournable et l’accès aux marchés ne se calcule plus en distance réelle mais en distance temps. Ceci est d’autant plus tangible que le déplacement de l’Europe vers l’Est complexifie la relation entre les entreprises bretonnes et leurs marchés", indiquait la CCI dans un rapport de 2008.
Le propos a conservé depuis toute sa pertinence. "Compte tenu de notre position géographique, nous avons un devoir d’excellence en matière de transport et de logistique, pour que nos produits soient compétitifs à l’autre bout de la France, de l’Europe, et du monde", martèle Anthony Rouxel, délégué régional de la FNTR Bretagne.
L’économie bretonne s’appuie sur plusieurs piliers importants, "à commencer par l’agriculture et l’agro-alimentaire, avec de grands noms comme Doux, Candia, Marie ou Mâtines, pour n’en citer que quelques-uns", souligne Philippe Munier, délégué régional IDF, Centre et Ouest de l’Union TLF. La Bretagne représente 23% de la production française de lait et 43% de la production d’œufs, précise la CCI Bretagne dans son édition 2020 des chiffres clefs de la région. La région se distingue également dans le secteur des productions animales, en particulier pour les porcs (58% de la production française), les dindes (41%) et les poulets (33%). En matière de productions végétales, la Bretagne s’illustre par une forte domination à l’échelle française dans la production de choux-fleurs et d’artichauts, mais en volumes, le maïs et le blé occupent une place prépondérante.
Conséquence logistique de ce poids de l’agriculture, auquel on peut ajouter la pêche, l’agro-alimentaire arrive en tête des activités industrielles, en nombre d’établissements. Ceux-ci représentent 28% des établissements industriels en Bretagne (contre une moyenne de 23% en France). Vient ensuite le secteur de la métallurgie-mécanique, pour lequel la Bretagne se situe dans la moyenne française avec une proportion de 25%, suivi de très loin par le secteur chimie-caoutchouc-plastiques (6,7%) et celui de l’électricité-électronique (1,9%). "Parmi les activités spécifiques, on peut signaler notamment la cosmétique, avec la présence du groupe Yves Rocher, l’automobile dans la région de Rennes ou encore la construction navale", complète Philippe Munier.
En nombre d’établissements, la Bretagne se situe également au-dessus de la moyenne nationale dans le secteur du commerce de détail. Ce segment représente 67,3% des établissements liés au commerce dans la région, contre une moyenne de 64,5% en France. On retrouve bien sûr dans la région tous les acteurs de la grande distribution. Mais le e-commerce gagne aussi du terrain. Fin 2021, Amazon ouvrira sa première base logistique bretonne dans le Finistère, près de Quimper. Le permis de construire vient d'être accordé.
Ces caractéristiques géographiques et économiques rejaillissent bien évidemment sur le profil logistique du territoire. "Comparée à d’autres régions, la Bretagne se situe en retrait des grands corridors d’échanges européens, comme celui qui relie Lille à Marseille en passant par le couloir rhodanien. Il en résulte que la logistique y répond plus qu’ailleurs à des besoins locaux", souligne l’Insee dans une étude de septembre 2018 consacrée à la logistique en Bretagne. Ce constat se traduit par des chiffres moins élevés qu’ailleurs en nombre d’entrepôts, mais aussi en surfaces.
L’Atlas des entrepôts et des aires logistiques réalisé en 2015 par le Service de l’Observation et Statistiques du ministère des Transports indique un total de 223 entrepôts de plus de 5 000 m² dans la région, mais d’une surface moyenne de seulement 12 800 m². Ces entrepôts sont très majoritairement implantés le long des grands axes routiers, avec une concentration plus forte à l’Est de la région, note l’Insee dans son étude sur la logistique en Bretagne. "Les principaux établissements logistiques se situent dans le département d’Ille-et-Vilaine, porte d’entrée et de sortie de la région. Ils sont ainsi positionnés le plus souvent à proximité de l’axe Rennes-Vitré, voie rapide qui relie la région à l’Ile-de-France mais aussi le long des axes reliant la région avec les Pays de la Loire et la Normandie, reflétant l’interconnection logistique entre les régions", précise l’Insee. D’autres établissements logistiques sont localisés à proximité des grands axes routiers de la région, notamment autour de Saint-Brieuc sur la RN12, près de Loudéac sur la RN164 et près de Vannes sur la RN165.
L’économie bretonne est très largement orientée vers le marché domestique. La région ne représente que 2,4% des exportations et 2,1% des importations françaises, avec des valeurs respectives de 11,8 Md€ et 12,2 Md€. Elle occupe ainsi le dernier rang des régions métropolitaines continentales.
Si l’on cumule les différents types de produits, l’agro-alimentaire arrive en tête des exportations avec 4 075 M€, soit une part de 34,5%. Selon la synthèse de la CCI de Bretagne, la catégorie "matériels de transport" se situe en 2è position avec une part de 15,9%, suivie par le secteur produits chimiques/parfums/cosmétiques (7,5%), les machines industrielles agricoles et diverses (7,3%) puis les produits électroniques, informatiques et optiques (5,6%). "L’empreinte du secteur agroalimentaire dans la structure des exportations bretonnes est supérieure de 24,8 points à celle observée à l’échelle nationale. Cette spécificité régionale se traduit par une sous-représentation des autres secteurs d’activité industriels qui regroupent 27,1% des exportations bretonnes contre 40,1% à l’échelle nationale".
À l’import, l’agro-alimentaire occupe également la première place sur le podium (19,2%), devant les matériels de transport (10,7%), les machines industrielles agricoles et diverses (9,6%), les produits chimiques/parfums/cosmétiques (7,5%) et les produits en caoutchouc, plastiques et produits minéraux (6,9%).
Source : Douanes
L’Allemagne se positionne en partenaire commercial n°1, à l’import comme à export. L’Espagne figure également dans le Top 3, aux côtés de l’Italie à l’export et de la Chine à l’import. Globalement, l’Union européenne constitue de très loin la première zone d’échanges hors de France.
Source : Douanes
Les ports bretons constituent principalement des portes d’entrée sur le marché local, notamment pour les besoins de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire. "Les intrants agricoles (engrais, produits phytosanitaires, semences et plants) représentaient en 2016 près du quart de l’ensemble du trafic des ports bretons, principalement depuis les ports de Brest et de Lorient", indique l’Insee dans son étude sur la logistique en Bretagne. Les établissements portuaires servent également à l’approvisionnement en produits énergétiques et matériaux de construction. Mais ils ne jouent pas de rôle national, et aucun n’a le statut de grand port maritime. Les trois premiers, Lorient, Brest et Saint-Malo, drainent près de 90% du trafic de marchandises. Les tonnages transportés par voie aérienne, notamment via Brest ou Rennes, restent également anecdotiques, au profit d’un acheminement par route vers des hubs plus importants comme Paris-CDG.
Le transport routier occupe donc une place absolument prépondérante dans l’économie bretonne, que nous détaillerons dans le second volet de cette enquête sur le transport et la logistique en Bretagne.