Le nouvel axe de transport international terre-mer élaboré par la Chine fait partie intégrante d'un plan logistique visant à soutenir et développer les échanges avec l’Asie du sud-est. Il a été présenté le 15 août dernier dans le cadre du plan quinquennal publié par le Conseil National Chinois pour le Développement et la Réforme (CNCDR). Cette politique publique est une version mise à jour d’un projet antérieur, le projet de connectivité Chine-Singapour, datant de 2015. Comme bien d’autres projets logistiques chinois, ce plan vise à développer un réseau de transport multimodal, reliant surtout le réseau ferré au transport maritime. À la fin de cet article, vous trouverez une liste des villes chinoises ayant été identifiées comme plates-formes logistiques potentielles sur cet axe.
L’objectif principal est de soutenir les exportations chinoises vers l’Asie du sud-est en créant des connexions logistiques efficaces. Plus précisément, le plan vise quatre industries : agro-alimentaire, industrie de pointe, ressources naturelles, et e-commerce.
Étant donné que les équipements électroniques et les ressources naturelles forment le gros des échanges entre la Chine et les pays de l’ASEAN, la Chine a l’intention de renforcer les réseaux de transport connectant la péninsule d’Asie du sud-est et le sud-ouest de la Chine, ainsi que Chongqing, Guizhou, et le Sichuan pour les équipements électroniques et les véhicules motorisés (2 roues et voitures). Par ailleurs, la croissance des investissements chinois dans le e-commerce en Asie du sud-est et ses réseaux de livraison soutiennent cette tendance. Par exemple, en 2016, Alibaba a fait l’acquisition du la plus grosse entreprise de e-commerce de la région : Lazada.
Sur le long terme, cet axe pourrait permettre à la Chine de progresser sur l’échelle de valeur de la production industrielle. En raison de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, ainsi que de l’augmentation des coûts de main d’œuvre en Chine, de nombreuses entreprises chinoises et étrangères cherchent à transférer leur production vers l’Asie du sud-est.
À l’heure actuelle, la Chine est le 3e plus gros investisseur en Asie du sud-est, après l’UE et le Japon (Figure 1), avec des investissements croissants dans les secteurs de la vente au détail et de l’industrie.
En 2018, les secteurs de la vente au détail et de l’industrie étaient respectivement le premier et troisième plus gros secteur pour les investissements chinois dans la région (Figure 2), dépassant les favoris traditionnels : l’immobilier et la finance.
Ainsi, au-delà d’envoyer des produits chinois sur le marché sud-est asiatique, l’axe terre-mer permettra aussi à la Chine de construire une supply chain industrielle robuste, pour atteindre le marché international.
Et plus précisément, ces développements visent le marché européen. En faisant de Chongqing un centre névralgique des échanges, la Chine peut construire un axe de transport terre-mer reliant l’Asie du sud-est à l’Europe, en passant par la Chine, lui permettant ainsi de connecter cet axe d’échanges avec le China Railway Express, assurant ainsi le transport de marchandises jusqu’en Europe. Pour aider cette connexion, la Chine investit généreusement dans les infrastructures routières et dans le rail en Asie du sud-est. Par exemple, des investisseurs chinois ont construit une voie ferrée reliant la Chine et le Laos pour supprimer les goulots d’étranglement.
Au-delà des infrastructures, les investisseurs chinois essaient actuellement d’améliorer la qualité du transport. Certaines parties de cet axe d’échanges font partie du projet commun de l’UE et de la Chine visant à sécuriser les voies commerciales. Ce projet pilote teste des instruments et mécanismes de sécurisation intégrale de la supply chain en utilisant le cadre de normes SAFE de l’OMD.
En tant que projet test de la Nouvelle Route de la Soie (NRS) chinoise, ce projet de création d’axe commercial crée des perspectives prometteuses pour l’avènement d’une voie de transport reliant l’Asie du sud-est, la Chine, et l’Europe. Mais au milieu de ces opportunités économiques se niche une dose de risque politique.
Mais ce projet engendre également des "externalités" positives. La Chine pourrait se montrer plus transparente dans les initiatives qui concernent cet axe commercial, pour permettre le bon déroulement des activités économiques mais aussi parce qu'il s' agit d'un test avant la mise en œuvre de plus grands projets de coopération internationale sur la connectivité et la logistique dans le cadre de la NRS.
Plusieurs villes et ports chinois ont été identifiés comme de potentiels centres logistiques dans le cadre du nouveau projet international d’axe terre-mer. Des objectifs de trafic ont d'ores et déjà été fixés.
> Chongqing
Situé dans le sud-ouest de la Chine, Chongqing a été choisie comme le centre logistique pour la Chine intérieure, pour faciliter les échanges transfrontaliers. Elle sera le point d’ancrage, reliant le China Railway Express à destination de l’Europe, et le couloir économique de la rivière Yangzi allant jusqu’au port de Shanghai. Chongqing est également l’une des 18 zones de libre-échange chinoises testées actuellement. Les villes et régions inclues dans ce projet recevront des aides publiques pour soutenir le commerce international et le développement logistique.
> Golfe de Beibu
Le Golfe de Beibu s’étend du nord du Vietnam au sud-ouest de la Chine. Situé dans la province de Guangxi, il a récemment été ajouté aux 18 zones de libre-échange chinoises. Le Golfe de Beibu est perçu comme le futur hub du transport maritime reliant la Chine et l’Asie du sud-est. Les ports chinois situés sur le Golfe de Beibu sont chacun portés sur un ou plusieurs secteurs différents.
> Port de Yangpu
Situé dans la province de Hainan, il a été conçu comme un hub régional pour le transport international, essentiellement pour le transfert de conteneurs, avec des connexions maritimes vers Singapour, le Vietnam, l’Australie, la Nouvelle Zélande, ainsi que d’autres destinations internationales.