Les volumes de fret aérien se stabilisent à un niveau élevé, constate l’Association du transport aérien international (IATA) dans sa dernière analyse de marché, qui porte sur les chiffres du mois de septembre. En données brutes, le trafic est en augmentation de 9,1% par rapport à septembre 2019, après une hausse de 7,5% enregistrée au mois d’août. Mais en données corrigées des variations saisonnières, la progression d’un mois sur l’autre se limite à 0,2%, confirmant la stabilisation des volumes constatée depuis le mois de mai.
Les capacités restent en retrait par rapport aux niveaux de 2019, sauf pour les compagnies d’Amérique du Nord et d’Afrique. En revanche, elles augmentent en glissement mensuel, en particulier pour les compagnies d’Asie-Pacifique qui avaient été confrontées à des fermetures brutales d’aéroports décidées pour lutter contre la propagation du variant Delta, notamment en Chine.
Selon l’IATA, les capacités offertes à bord des avions tout cargo se situent très nettement au-dessus des niveaux pré-pandémiques (+25,3% en septembre 2021 par rapport à septembre 2021). Les capacités fret en soute des avions passagers sont quant à elle en repli de 34,1%, ce qui constitue le meilleur résultat depuis le début de la crise.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Si l’on observe les résultats des 9 premiers mois de l’année, le trafic montre une croissance de 8,2% par rapport à la même période de 2019, pour des capacités en repli de 11,8%. Le différentiel entre l’évolution de l’offre et celle de la demande est encore plus important à l’international, avec des capacités en baisse de 13,5% pour des volumes en hausse de 8,7%. Le coefficient de remplissage atteint ainsi le chiffre spectaculaire de 64,3% contre 51,1% pour les neuf premiers mois de 2019. La tension est particulièrement sensible pour les compagnies de la zone Asie-Pacifique qui affichent un coefficient de remplissage de 76,8%, soit 18,4 points de plus qu’en 2019.
Le dynamisme de l’industrie du fret aérien s’explique par la forte demande actuelle en biens de consommation. Les niveaux de stocks sont bas, il faut donc des solutions rapides pour réapprovisionner.
La demande de fret aérien est aussi stimulée par la désorganisation des supply chains. L’étape de la production, tout d’abord, est perturbée par une conjugaison de facteurs allant de la pénurie de matières premières ou de biens intermédiaires à la mise en œuvre de mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19. Ensuite, les engorgements de la chaîne logistique, particulièrement dans le transport maritime, allongent les délais d’acheminement. La composante "délais de livraison des fournisseurs" de l’indice Markit des directeurs d’achat atteint un niveau historiquement bas, à 15,45 en octobre aux États-Unis et 35,95 en juin au niveau mondial, précise l’IATA, rappelant qu’une valeur inférieure à 50 est le signe de délais accrus pour réceptionner les intrants de la part de ses fournisseurs.
Pour compenser les retards de production et conserver des temps de transit raisonnables, le fret aérien apparaît comme une solution d’autant plus pertinente qu’elle a considérablement gagné en compétitivité face au transport maritime, dont les taux de fret se stabilisent à des niveaux très élevés. En septembre, l’aérien coûtait en moyenne 3 fois plus cher, contre 12,5 fois plus avant la crise !
Cette diminution du différentiel est lié à la flambée des prix du transport maritime. Le transport aérien a suivi lui aussi une courbe haussière, mais dans des proportions plus raisonnables. Depuis quelques mois, les prix ont tendance à se stabiliser, mais septembre semble marquer l’amorce de la peak season, en particulier en intra-Asie et sur le corridor Asie-Europe. Au-delà des fluctuations mensuelles, notre base de données montre des prix nettement supérieurs à l’année passée, alors même que les fortes contraintes sur les capacités avaient alors déjà engendre une importante augmentation de taux de fret.
Le mois d’octobre devrait confirmer cette dynamique, avec des prix spot qui connaissent une croissance à deux chiffres sur certains axes.
Source : Upply - NB : Ces estimations sont basées sur des transactions réelles et reflètent donc un mix prix spot et régulier. Les évolutions mentionnées peuvent faire l’objet de révisions au fur et à mesure que de nouvelles données sont intégrées dans la base Upply.
De façon générale, on constate donc que le contexte économique actuel reste globalement très favorable au secteur du fret aérien. Face à une demande forte dans un contexte capacitaire tendu, les prix ont atteint des niveaux inédits. Les résultats financiers des principales compagnies aériennes révèlent d’ailleurs à l’issue des 9 premiers mois de l’année des augmentations significatives du chiffre d’affaires et de la recette unitaire, après un cru 2020 déjà record.
L’IATA exprime pourtant une certaine inquiétude face aux tendances inflationnistes qui touchent aussi bien les entreprises que les consommateurs. Ce mouvement pourrait avoir rapidement des conséquences néfastes sur la production manufacturière et les commandes à l’exportation. "Les indices PMI correspondants indiquent toujours des augmentations d’un mois sur l’autre, avec des niveaux supérieurs à 50, mais le rythme s'est ralenti et le pic de la reprise est passé. En Chine, notamment, les indices reflétant les nouvelles commandes à l'exportation et la production manufacturière sont inférieurs à 50 en septembre, pour le deuxième mois consécutif", constate l’IATA.
Si la demande s’essouffle, que ce soit en raison de l’inflation ou des phénomènes d’engorgement des supply chains, le fret aérien pourrait lui aussi voir sa croissance s’affaiblir. En attendant, au cours des semaines qui viennent, la peak season s’annonce vigoureuse, comme le prévoyait l’IATA dès le mois d’août.