Le trafic mondial de fret aérien exprimé en tonnes-kilomètres affiche un repli de 8% en septembre 2020 par rapport à septembre 2019, selon les chiffres diffusés par l’Association du transport aérien international (IATA). Il s’agit d’une légère accélération de la reprise, puisque l’écart était encore de -12,1% en août. D’autre part, le trafic de septembre est en croissance de 3,7% par rapport à août, ce qui représente la plus forte hausse enregistrée depuis le mois de mai.
Le secteur du fret aérien se débat toujours avec un vrai déficit de capacités. Les compagnies aériennes sont loin d’avoir pu rétablir un programme de vols passagers normal, car l’épidémie de la Covid-19 affecte encore grandement la demande, aussi bien au niveau de la clientèle affaires que touristique. "Dans le fret aérien, 92% de l’activité est là, alors que 90% du trafic passagers international a disparu", précise Alexandre de Juniac, directeur général et CEO de l’IATA. Les capacités de transport de fret ont ainsi diminué de 25,2% en septembre 2020 par rapport à septembre 2019, car la sollicitation massive des avions tout cargo ne suffit pas à compenser le manque des soutes des avions passagers.
Pour satisfaire au maximum la demande, les compagnies ont prolongé les solutions mises en place au plus fort de la crise pour répondre au besoin urgent d’équipements de protection personnelle : elles continuent à utiliser ce que l’IATA appelle désormais des "preighters", à savoir des avions passagers dont la cabine a été adaptée pour pouvoir accepter du fret. L’IATA estime à 2500 la flotte d’appareils ainsi en service début octobre.
Si cette tension sur les capacités engendre des complications opérationnelles, elle a en revanche un effet positif sur les prix pour les compagnies aériennes. Après une période de hausse vertigineuse, la situation s’est calmée à partir de juillet. En septembre, notre base de données Upply montre encore que les prix du fret aérien sont globalement orientés à la baisse. Mais ces prix restent très nettement supérieurs aux taux constatés en septembre 2019, sauf sur l’axe Europe-Asie. D’autre part, l’augmentation des taux de fret dans le sens Asie-Europe ne s’est quant à elle jamais démentie.
Source : Upply
Les premières estimations Upply pour le mois d’octobre confirment cette tendance, sur l’Asie-Europe mais aussi en Intra-Asie. Une tendance qui traduit les premiers effets tangibles de la "peak season". Les opérateurs connaissent bien ce rebond d’activité qui caractérise toujours le 4è trimestre dans l’industrie du fret aérien, mais il devrait atteindre cette année des niveaux exceptionnels.
Source : Upply
"À court terme, la demande de fret aérien va très probablement continuer à s’améliorer. Alors que l’économie mondiale sort peu à peu de la crise, les entreprises devraient privilégier le fret aérien pour reconstituer rapidement les stocks sur leurs sites de production", estime l’IATA. La sortie de produits électroniques comme l’Iphone 12 et la PlayStation 5 sont également des éléments moteurs pour le fret aérien.
Soutenu par l’approche de Noël et des événements commerciaux comme le Black Friday, le e-commerce devrait particulièrement doper l’activité. Alors que ce secteur connaissait déjà une croissance exponentielle, la crise sanitaire renforce encore son attractivité. Les nouvelles mesures de confinement liées à la 2è vague de Covid-19, en particulier en Europe, ne peuvent qu’accentuer le phénomène.
Enfin, de façon plus générale, les indicateurs économiques s’améliorent, en particulier les nouvelles commandes à l’export de l’indice PMI qui révèlent "une demande robuste en bien manufacturés", estime l’IATA, ajoutant que le commerce international devrait progresser jusque fin 2020. L’Organisation mondiale du commerce a d’ailleurs revu ses prévisions à la hausse en ce qui concerne le volume de marchandises échangées dans le monde, passant de -12,9% à -9,2% dans son scénario le plus optimiste.
Un autre phénomène pourrait enfin favoriser le fret aérien dans les prochaines semaines : une reprise de la demande en matériel médical, en raison de la 2è vague de Covid-19. Toutefois, ce facteur est aussi lourd de menaces car les mesures de reconfinement risquent d’engendrer une nouvelle chute de l’activité économique et de la confiance, ce qui pourrait "compromettre la reprise de la demande de fret aérien", redoute l’IATA.
Les compagnies nord-américaines restent les fers de lance de la reprise puisqu’elles affichent un trafic en augmentation de 8,6% en septembre, stimulé "par une forte demande liée au commerce électronique sur le marché domestique US et par la solide performance des échanges Asie-Amérique du Nord", analyse l’IATA. Pour la première fois depuis le début la crise, le trafic international est en hausse (+1,5%). Les compagnies africaines font également bonne figure avec une hausse de 8,2%. Compte tenu de leur moindre poids sur le marché mondial (1,8% contre 24,3% pour l’Amérique du Nord), la performance est moins significative. Mais l’on observe la confirmation d’un phénomène déjà constaté : l’accroissement des échanges Asie-Afrique, et particulier avec la Chine. Les liaisons Asie-Afrique grimpent ainsi de 26% en septembre.
Les difficultés persistent, en revanche, pour les deux autres grands marchés mondiaux que sont l’Asie et l’Europe. Les compagnies asiatiques, qui pèsent 34,5% du trafic mondial, affichent un repli de 15,9% en septembre et leurs homologues européennes (23,6% du marché mondial) une baisse de 15,4%. Il s’agit certes d’une amélioration par rapport aux mois précédents, mais sans que les transporteurs de ces zones ne parviennent à sortir de la zone négative.
Pour les compagnies du Moyen-Orient, l’IATA voit se confirmer le scénario d’une reprise en V. Les chiffres de septembre montrent un repli de 2,6% par rapport à la même période de 2019, alors qu’en août, le trafic était encore inférieur de 6,9% par rapport à l’année précédente. "Cette région était parmi les plus sévèrement touchées au plus fort de la crise. (...) Mais les compagnies ont très rapidement remis des capacités sur le marché", souligne l’IATA.
En Amérique latine, enfin, le marasme ne se dément pas, avec une chute de 22,5% du trafic de fret aérien réalisé par les compagnies de la région.