Le gouvernement américain a décidé de ne pas renouveler les "exonérations de réductions importantes" qui permettaient aux principaux consommateurs de pétrole brut iranien de continuer à en importer en quantité réduite. Cette exonération de six mois, qui a pris fin le 2 mai 2019, a été accordée en novembre dernier à huit pays, juste après que les États-Unis aient imposé des sanctions à l’Iran. Cet article donne un bref aperçu de la situation post fin d’exonération, décrit les impacts possibles sur le transport maritime, et analyse l’intensification des tensions géopolitiques.
Dans le but "d’empêcher l’Iran d’exporter son pétrole", le gouvernement de Trump a annoncé le 22 avril qu’il ne renouvellerait pas les "exonérations de réductions importantes" allouées à huit états : la Chine, l’Inde, la Turquie, le Japon, la Corée, l’Italie, la Grèce, et Taiwan. Cette exonération de six mois, accordée en novembre dernier après que les États-Unis aient imposé des sanctions à l’Iran, permettait aux premiers consommateurs de pétrole brut iranien de continuer à en acheter en quantité réduite. En réponse à ces décisions américaines, l’Iran a annoncé le 8 mai qu’il ne respectera plus certains aspects importants de l’accord nucléaire de 2015, aussi appelé Accord de Vienne, sur le nucléaire iranien.
Réponses des gouvernements bénéficiant de l’exonération
Tous les regards sont braqués sur la Chine, l’Inde, et la Turquie, car les cinq autres pays visés par l’exonération ont réduit leurs imports de façon drastique.
Govt has put in place a robust plan for adequate supply of crude oil to Indian refineries.There will be additional supplies from other major oil producing countries;Indian refineries are fully prepared to meet the national demand for petrol,diesel & other Petroleum products
— Chowkidar Dharmendra Pradhan (@dpradhanbjp) 23 avril 2019
Ainsi, bien que la Turquie et l’Inde soient toutes deux des alliés des États-Unis, elles ont choisi chacune une approche différente, et la Turquie a décidé de se rapprocher de la Chine sur cette question.
Figure 1. Exports de pétrole brut iranien vers la Chine, la Turquie, et l’Inde. Source : Bloomingburg
Les tensions géopolitiques impactant le transport
Avec l’augmentation de la présence militaire américaine dans la région, et la menace émise par l’Iran de fermer le détroit d’Ormuz, le climat géopolitique de la région devient de plus en plus tendu.
Ces dynamiques politiques ont un impact direct sur le marché international du pétrole. L’approvisionnement en carburant entraine des conséquences pour le transport maritime car le coût du fioul représente une partie importante du coût total du transport. L’emplacement stratégique du détroit d’Ormuz implique que si les tensions géopolitiques dans la région s’intensifient, cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’approvisionnement mondial en pétrole, ce qui, par un effet de domino, affecterait le secteur du transport maritime.
Cette année, le plan de réduction de l’OPEC et les sanctions pesant sur l’Iran et le Venezuela ont diminué l’offre mondiale de pétrole. Le marché du pétrole répond à ces tensions rapidement. Dans le secteur du transport, l’annonce du président Trump sur la fin de l’exonération a créé une volatilité tarifaire sur le court terme. On a pu constater une réponse immédiate du Baltic Dry Index, dont le cours a augmenté de 25% depuis l’annonce, atteignant un pic le 2 mai (qui a également été son maximum ces trois derniers mois).
Figure 2. Baltic Dry Index, Source: Bloomingburg
Par ailleurs, comme ce problème reste non résolu, et avec l’accord nucléaire sur la sellette, le secteur du transport et les projets portuaires du golfe persique sont marqués par l’incertitude. Depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire en mai de l’année dernière, plusieurs transporteurs importants, notamment MSC, Maersk et CMA CGM, ont mis fin à leurs échanges avec l’Iran.
Ce retrait a également perturbé les projets portuaires portés par l’Inde et la Chine dans la région. Juste à l’est du détroit d’Ormuz se trouve le port de Chabahar, où l’Inde a largement investi. Le port de Chabahar ouvre un accès à l’Afghanistan et aux pays d’Asie Centrale en évitant le Pakistan. Jusqu’à présent, les États-Unis n’ont pas imposé de sanctions au port de Chabahar, mais la fin de l’exonération va affecter les opérations du port, notamment parce que les investisseurs indiens se sont montrés frileux depuis le début des sanctions en novembre dernier.
À l’est du port de Chabahar se trouve le port de Gwadar au Pakistan, le dernier point du couloir économique Chine-Pakistan, reliant le golfe persique et la Chine. Pour la Chine, ce port permet de réduire la pression qui pèse sur le détroit de Malacca, lieu du conflit de la mer de Chine méridionale. Mais les incertitudes dans la région du Golfe vont mettre en danger les intérêts stratégiques chinois dans le port de Gwadar. Et ceci ne ferait que rajouter de la tension aux relations déjà difficiles entre la Chine et les États-Unis.
Le 8 mai, les États-Unis ont annoncé l’imposition de sanctions sur l’industrie métallurgique iranienne, qui concentre le plus gros volume d’exportations du pays après le pétrole, ce qui a continué d’animer les tensions dans le détroit d’Ormuz. En attendant, les États-Unis n’ont pas encore précisé les mesures qui seront appliquées aux pays qui continuent d’importer du brut iranien. Et vues les tensions géopolitiques persistantes, seule l’incertitude est une certitude.
Crédit photo : Image par drpepperscott230 de Pixabay