Le marché du transport en France a vu ses prix baisser légèrement depuis plus d’un an. Une observation plus précise laisse apparaître une mécanique assez classique dans la relation chargeur – transporteur en situation post-inflationniste. Mais la dégradation ne devrait pas être marquée et quelques facteurs laissent même entrevoir une remontée des prix.
"Quand le bâtiment va, tout va", avons-nous coutume de dire en France. Le nombre de mise en chantier est resté au-dessus des 425 000 en 2018 mais décroît assez nettement en 2019, selon les dernières statistiques du ministère du Logement. Ce secteur pourvoit plus de 20% du transport de marchandises en France, et constitue à ce titre un élément important de la bonne santé du marché.
Augmentation des capacités en 2018
Globalement, en 2018, les indicateurs du transport étaient à la hausse, comme le rappelle le Bulletin Mensuel Statistique d’avril 2019. Le secteur a vu notamment augmenter :
Cette avalanche de pourcentages montre que la capacité de transport a nettement progressé l'an dernier en France. Les transporteurs ont cherché à soutenir une forte demande. Mais cet accroissement peut devenir une faiblesse en cas de retournement de la conjoncture économique.
Des coûts également orientés à la hausse
L’étude des indices CNR du transport français de juin 2018 à mai 2019 indique de son côté les inflations suivantes :
À l’inverse, le coût du chauffeur est en léger repli de -0,2%, en raison de l’incidence des allègements Fillon, et malgré une hausse de SMIC à 1,5% (voir la note méthodologique du CNR). L’indice du coût complet Longue Distance a logiquement progressé, mais de façon modérée (+0,9%).
Un prix moyen en baisse de 0,7%...
En revanche, l’observation de l’historique des prix de transactions dans le transport en France effectuée sur la plateforme de Upply, indique une baisse quasi continue depuis août 2018, un palier minimum de février à avril 2019 et une reprise depuis.
Sur un an, la baisse des prix s’établit à -0,7%. Une régression légère, qui constitue cependant un mauvais signal pour le compte de résultats des transporteurs français.
…mais une augmentation des prix du bas de la fourchette
Cependant sur la même période, la moyenne des prix bas a progressé de 1,0%. Cette moyenne des prix bas correspond au quartile (25%) inférieur des prix transactionnels enregistrés dans notre base Upply.
Le décrochage entre la courbe du prix médian (à la baisse) et celle du prix bas (à la hausse) est illustrée dans le graphique ci-dessous : il débute en septembre 2018, atteint son paroxysme en février 2019 et se stabilise depuis.
En somme, la volatilité des prix s’est contractée sur un an et le seuil minimum a augmenté, ce qui pourrait apparaître contradictoire avec la baisse du prix médian.
Quelle explication à ce décrochage ?
L’explication de décrochage suit une mécanique finalement assez simple.
Au cours de leurs négociations avec les transporteurs, généralement au second semestre, les chargeurs ont cherché à préserver la capacité de transport (qui restait tendue en 2018) sans trop détériorer les coûts. Ils ont donc augmenté les contrats longs en garantissant les transporteurs contre les effets de l’inflation. Les tarifs de ces contrats longs sont généralement plus bas, mais ils offrent aux transporteurs une assurance d’occuper leur flotte.
Le marché du transport s’est donc un peu rigidifié en ce début d’année ; mais cette sécurisation des transports de part et d’autre a permis jusqu’ici de bien supporter les risques économiques venus d’Allemagne (avec notamment un effet sur la production automobile de la confrontation sino-américaine) et du Royaume-Uni avec le Brexit.
Cet article sur LSA, nous renseigne sur la mécanique des chargeurs qui ont cherché à sécuriser leur flux de transport. Au-delà de la main-d’œuvre, les distributeurs s’engagent également contractuellement plus fortement auprès des transporteurs pour leur assurer de la visibilité sur le long terme. Chez U Log, Ronan Le Corre, directeur général délégué, liste les engagements de l’enseigne : "L’achat de mises à disposition de camions avec chauffeurs, qui se faisait sur un an, passe à trois ans, et nous passons à cinq ans auprès des transporteurs qui se dotent de camions plus “verts”, afin de les aider à amortir l’investissement. Ces engagements concernent 80% de nos flux, soit environ 750 000 livraisons par an pour 400 000 camions. Sur une année, nous achetons 150 millions d’euros de transport."
Vers une remontée des prix ?
Les facteurs structurels qui stressent le monde du transport en Europe et conditionnent la capacité sur le marché n’ont pas disparu.
La demande, tout d’abord, va continuer à croître. Le déplacement des marchandises continue à s’intensifier, en raison notamment de la désindustrialisation de l’Ouest européen ou encore de la nouvelle distribution liée au à la montée en puissance du commerce digital.
Autre source de tension, dans un autre registre : le renouvellement de la population des chauffeurs qui partiront à la retraite, à l’Ouest mais surtout à l’Est, n’est toujours pas assuré. Par ailleurs, la pression environnementale sur l’effort à fournir pour réduire les émissions CO2 se fait toujours plus importante.
Les facteurs non structurels, comme la situation géopolitique qui résiste aux Cassandres du prochain crash et les simples effets de la saisonnalité, entrent en résonance pour que les prix du transport augmentent à nouveau.