Le transport routier de marchandises (TRM) en Occitanie se porte plutôt bien. En 2018, il augmente "de manière plus dynamique que sur l’ensemble de la France métropolitaine" retrouvant ainsi les niveaux d’échanges de 2014 et même les dépassant pour ce qui concerne les flux effectués à l’intérieur du territoire, souligne l’Insee dans son bilan économique régional. Le pavillon français a ainsi généré un trafic total de 18 milliards de tonnes-kilomètres dans la région Occitanie, en augmentation de 7,3% par rapport à l’année précédente", selon les chiffres du ministère des Transports.
Comme partout en France, le TRM a amorcé une reprise à partir de 2016, qui permet de constater sur 5 ans une quasi-stabilité des flux entrants et sortants et une nette progression des flux internes, en tonnes-kilomètres transportées. Avec une nouvelle croissance à deux chiffres entre 2017 et 2018, les flux internes confirment en effet leur rôle de fer de lance. Ils représentent 35,4% du trafic total en 2018 et progressent de 10,4% par rapport à l’année précédente. Les flux entrants ont également enregistré une bonne performance, avec une croissance de 8,6% par rapport à 2017, tandis que les flux sortants progressent de 2,8%.
*en millions de tonnes-kilomètres transportées - Source : SDES, Enquête Transport routier de marchandises
Les caractéristiques de l’économie régionale expliquent en partie ce poids croissant des flux internes. En dehors de l’activité aéronautique, très spécifique, dont les flux passent beaucoup par voie aérienne, l’Occitanie ne bénéficie pas d’un réseau industriel important. Le transport routier de marchandises est surtout alimenté d’une part par la consommation, elle-même portée par le dynamisme démographique de la région et par le tourisme, et d’autre part par l’importance des activités agricoles, y compris la viticulture.
Selon le rapport régional 2018 de l’OPTL (Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans le transport et la logistique), le secteur du transport routier de marchandises comptait au 31 décembre 2017 environ 3600 établissements en Occitanie, dont 1850 employant des salariés. Parmi ces derniers, 65% comptent entre 1 et 9 salariés, 30% entre 10 et 49 salariés et 5% plus de 50 salariés. En plus des grands groupes nationaux implantés localement, l’Occitanie abrite de belles PME régionales comme Jardel, Denjean Transports, le groupe Jimenez, ou encore le spécialiste du transport combiné TAB Transports.
"Les volumes transportés sont essentiellement en lien avec la grande distribution, autour de grands axes routiers comme l’arc méditerranéen, assez dense en population, et dans une moindre mesure le long de l’A75, vers le Massif central et le Centre", indique Françoise Gleize, déléguée régionale de la FNTR Occitanie Méditerranée. La présence du marché Saint-Charles, première plate-forme européenne pour les fruits et légumes, draine également d’importants flux de produits frais, issus de la production locale mais aussi du sud de l’Europe et de l’Afrique du Nord. Enfin, l’activité des transporteurs routiers est alimentée par le BTP, un secteur soutenu par l’augmentation de la population de la région.
De façon générale, l’activité des transporteurs routiers français dans la région repose beaucoup sur des circuits courts. Concernant les flux entrants et sortants, l’Occitanie commerce d’ailleurs aussi en priorité avec les régions voisines, comme l’indique une note de l’Observatoire régional des transports (ORT) publiée en novembre 2019, sur la base des tonnages transportés en 2018. La région Occitanie représentait 8,88 % du flux global de marchandises transportées en France, avec un total de 155 Mt, dont 112,4 MT de flux internes, 21,7 Mt de flux sortants et 22,4 Mt de flux entrants. "Le flux total de marchandises chargées dans la région Occitanie et déchargées hors Occitanie se concentre majoritairement à destination de trois régions : Provence-Alpes-Côte d’Azur : 7,2 Mt (33,2 %) ; Nouvelle Aquitaine : 6,7 Mt (30,7 %) ; Auvergne-Rhône-Alpes : 4 Mt (18,4 %). Ces trois régions représentent à elles seules 82 % du flux de marchandises chargées en Occitanie", indique l’ORT. On retrouve également ces trois régions dans un ordre différent pour les flux entrants : Nouvelle Aquitaine : 7,8 Mt (34,6 %) ; Provence-Alpes-Côte d’Azur : 6,5 Mt (29,2 %) ; Auvergne-Rhône-Alpes : 3,9 Mt (17,3 %). Elles totalisent 81 % des flux de marchandises déchargées en Occitanie.
Bien évidemment, compte tenu de sa position géographique, les transporteurs locaux font face à une rude concurrence espagnole. "Même si le delta s’est amélioré, les coûts restent moindres. Et il faut ajouter à cela les autres poids lourds étrangers, des pays de l’Est ou de Turquie, par exemple", pointe Jérôme Bessière. "Nos entreprises françaises n’ont pas d’autre choix que de miser sur le qualitatif, à la fois en matière de qualité de vie au travail face aux difficultés de recrutement et en matière de qualité de service vis-à-vis des clients. C’est un vrai enjeu que beaucoup ont déjà pris en compte. D’ailleurs, depuis 2013, le secteur remontait la pente et l’on arrivait à un assez bon équilibre entre l’offre et la demande. Malheureusement, l’épidémie de Covid-19 a stoppé la dynamique", note Françoise Gleize.
"On enregistrait une certaine stabilité depuis 2019, avant l’effondrement constaté au printemps", confirme Jérôme Bessière, délégué régional de la FNTR Occitanie Pyrénées. "Le choc a peut-être été un peu moins violent en Occitanie qu’ailleurs, en raison de la faiblesse de l’industrie et du poids du secteur agricole et agro-alimentaire qui a continué à fonctionner. Autre signe positif : la reprise est un peu moins molle qu’on ne le craignait. L’heure est pourtant à la prudence. D’abord parce que la reprise est en partie le fruit d’un effet de rattrapage, par exemple dans le BTP. Ensuite parce que les informations qui remontent du terrain commencent à faire état d’une présence accrue de pavillons low cost. Moins soutenus dans leur pays que nous n’avons pu l’être pendant la crise de la Covid-19, ils sont prêts à proposer des tarifs particulièrement bas", déplore Françoise Gleize.
Le Cluster Logistique Occitanie, fondé en 2019, fait aussi du sujet de la compétitivité un axe majeur de son action. "Nous devons aider les petits transporteurs locaux à identifier les marchés sur lesquels ils peuvent proposer une offre différenciante, par exemple ceux sur lesquels la connaissance fine du tissu local est un atout. Dans certains secteurs, comme l’agriculture et l’agro-alimentaire, nous travaillons aussi aux solutions qui permettraient d’optimiser la logistique, coûteuse pour certaines zones excentrées de l’Occitanie", détaille Isabelle Bardin, directrice de We4log, le Cluster logistique d'Occitanie.
Le cluster a également pour mission le développement de la multimodalité. Il a d’ores et déjà mené un travail de cartographie des services de ce type, dans le cadre du projet européen Trails (Transnational Intermodal Links Towards Sustainability). Les transporteurs sont plutôt favorables à ce mouvement, mais le chemin à parcourir est immense, compte tenu des contraintes du ferroviaire. L’exemple de l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg est édifiant. "Globalement, le trafic de l’AFPL représente encore une contribution modeste en termes de report modal : les 40 000 semi-remorques transportées annuellement sur cette ligne doivent être comparées au nombre de camions transitant par la route sur le même axe, estimé à 630 000 unités par an. Le trafic de l’AFPL ne représente donc que 6% de l’ensemble du trafic de poids lourds sur cet axe", pointait la Cour des Comptes dans son rapport annuel 2017.
En attendant, le trafic ne cesse de se densifier. "En 2019, le trafic des poids lourds augmente sur l’ensemble des autoroutes concédées de la région. Les plus forts trafics de véhicules lourds (supérieurs à 10 000 par jour et par kilomètre) se concentrent sur l’A9 avec des progressions de 3,5 % à l’est de Montpellier, de 4,7 % sur la section Montpellier-Narbonne et de 4,6 % entre Narbonne et la frontière espagnole. L’autoroute A54, entre Nîmes et Arles, enregistre une croissance de 5,4 % avec 7 240 poids lourds par jour et par kilomètre", détaille l’Insee. "Enfin, aux abords de l’agglomération toulousaine, le trafic poids lourds affiche en 2019 une forte progression après avoir baissé en 2018", ajoute l’institut.
À plus long terme, le Cluster logistique voit dans le plan Hydrogène soutenu par la Région Occitanie une autre piste prometteuse. Ce plan n’est pas dédié au secteur du transport routier de marchandises, mais il peut être "un facteur incitatif d’innovation pour la filière", estime Isabelle Bardin.