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OMI : la France plaide pour une réduction de la vitesse des navires

Rédigé par Anne Kerriou | 16 mai 2019

La France présente cette semaine à l’Organisation maritime internationale une proposition de régulation de la vitesse des navires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une mesure immédiate et transitoire, à laquelle pourrait ensuite se substituer un plafond global annuel attribué à chaque armement.

La régulation mondiale de la vitesse des navires figure au menu du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l’OMI, réuni à Londres du 13 au 17 mai. La France, soutenue par ses armateurs nationaux, présente en effet une proposition de réduction de la vitesse de certains types de navires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le projet propose de se baser sur les catégories de navires utilisées dans l’index d’efficacité énergétique présenté par l’OMI en 2011 (EEDI). Il s’agirait de définir, par catégorie, un cadre de régulation de la vitesse, précisant pour chacun la trajectoire souhaitée (maintien ou réduction), le mode de calcul selon les données disponibles, les moyens de mise en œuvre, les sanctions et enfin la prise en compte de situations spécifiques ou le cas de nouveaux entrants sur le marché.

Une mesure qui concerne essentiellement les vraquiers

La France a déjà son idée sur les catégories concernées et ne manque pas de le faire savoir. Pour elle, il n’est pas judicieux que cette mesure d’applique aux porte-conteneurs. Pour des raisons économiques plus qu’écologiques, les armements conteneurisés ont déjà largement réduit la vitesse navires, lorsqu’il leur a fallu absorber l’afflux de capacités résultant des commandes massives, alors que le rythme de croissance des échanges mondiaux ralentissait. "Le rapport entre la vitesse du navire et le niveau d’émission n’est pas linéaire. Par conséquent, une réduction supplémentaire de la vitesse n’engendrerait pas de diminution supplémentaire significative des émissions", estime la France.

Le projet recommande également d’exclure les navires à passagers, ainsi que ceux dont une réduction de la vitesse pourrait engendrer un report modal contre-productif car orienté vers des modes de transport eux-mêmes émetteurs de gaz à effet de serre.

Bref, après toutes ces exceptions, on s’aperçoit donc que le projet français concerne essentiellement les navires de vracs solides et liquides.

Principal avantage de cette mesure, selon ses promoteurs : elle peut être mise en place immédiatement et ne nécessite pas ou peu d’adaptations techniques des navires. De quoi tendre ainsi vers l’objectif de court terme que s’est fixé l’OMI : atteindre un plafonnement des émissions le plus tôt possible.

Vers un plafond annuel par armement

Pour respecter les objectifs de moyens et long terme, à savoir une réduction des émissions à la tonne transportée d’au moins 40% d’ici à 2030 et d’au moins 50% en 2050 par rapport à 2008, d’autres mesures seront nécessaires, mais elles passent par des processus nécessairement plus longs d’établissement de nouveaux cadres juridiques internationaux ou de développement d’instruments de mesures. À plus long terme, la France suggère donc – et c’est le second volet de sa proposition – de substituer à cette régulation de la vitesse un schéma global qui consisterait à fixer à chaque armement un plafond annuel d’émissions de gaz à effet de serre pour sa flotte. Charge à lui, ensuite, d’arbitrer entre les différents moyens à sa disposition (régulation de la vitesse, innovations technologiques, etc) pour atteindre l’objectif.

Concernant l’amélioration de l’efficacité énergétique des porte-conteneurs, la France préconise la révision de la phase 3 des standards EEDI. Cet index s’applique aux navires construits à partir de 2013, avec pour standard de référence la performance énergétique moyenne des navires construit entre 1999 et 2009. Il fixe les objectifs suivants :

  • Phase 0 : la performance énergétique des navires construits entre 2013 et 2015 doit au moins être égale au niveau de référence.
  • Phase 1 : la performance énergétique des navires construits entre 2015 et 2020 doit au moins être inférieure de 10% au niveau de référence.
  • Phase 2 : la performance énergétique des navires construits entre 2021 et 2025 doit au moins être inférieure de 20% au niveau de référence.
  • Phase 3 : la performance énergétique des navires construits après 2025 doit au moins être inférieure de 30% au niveau de référence.

Ces objectifs, si l’on en croit une étude publiée par Transport & Environment en septembre 2017, ont été très largement anticipés. Sur les 258 navires construit entre 2013 et 2017 analysés dans cette étude, 71% respectent déjà les objectifs de la phase 3, alors qu’ils ne sont que 9% à recourir à des innovations technologiques pour y parvenir. Autant dire qu’il existe là un potentiel inexploité qui pourrait inspirer les régulateurs.

Crédit photo : Image par Erich Westendarp de Pixabay