Au plus fort de la crise du coronavirus, nous avons interrompu notre Tour de France du transport routier de marchandises. Cette crise est loin d’être terminée, et elle laissera des traces. Mais la vie économique repart, et nous avons décidé nous aussi de reprendre ces panoramas qui mettent en lumière chaque région avec ses acteurs de la logistique et du transport routier de marchandises (TRM). Après les Hauts-de-France, le Grand Est, la Bourgogne Franche-Comté et Auvergne Rhône-Alpes, nous voici en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Contrairement à beaucoup de régions françaises, Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a pas connu de modification de ses frontières ou de rapprochement lors de la réforme territoriale de 2015. Elle est en revanche officiellement devenue Région Sud, suite à un vote du conseil régional, tout en restant encore largement connue sous l’acronyme PACA. Mondialement connue pour ses atouts touristiques, elle accueille aussi des activités industrielles, commerciales et de services autour de deux axes structurants : un axe est-ouest le long du littoral et un axe nord-sud autour du couloir rhodanien. Ces caractéristiques se retrouvent dans la répartition de la population. Les trois départements littoraux abritent 80% des habitants : les Bouches-du-Rhône arrivent en tête avec environ 2 millions de personnes, suivies des Alpes-Maritimes (1,08 millions) et du Var (1,05 millions). Outre ce bassin de 5 millions d’habitants, la région s’appuie sur un positionnement géostratégique intéressant, à proximité de la région Auvergne-Rhône-Alpes, 2ème région de France en termes de PIB, mais aussi de Catalogne et la Lombardie, respectivement premières régions d’Espagne et d’Italie. PACA bénéficie enfin d’un réseau d’infrastructures de transport étoffé et multimodal. De plus, "la région est située au cœur de deux euros-corridors de fret : le corridor n°2 Mer du Nord-Méditerranée (Marseille-Rotterdam) et le corridor N°6 Méditerranée (Madrid-Kiev), qui s’est vu complété par le tronçon Marseille-Gênes depuis juin 2018", souligne une étude publiée en janvier 2019 par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM).
Selon cette même étude, "les flux totaux de la région (y compris les hydrocarbures, estimés pour le ferroviaire) représentent environ 280 millions de tonnes annuelles", dont 104 Mt pour les flux internes et 31,6 Mt pour les flux de transit. Pour ces deux catégories, le transport routier reste le mode dominant. Enfin, les flux d’échanges sont évalués à 44,3 Mt pour le national et 90,3 Mt pour l’international.
La logistique occupe donc une place très significative dans l’économie régionale avec 116 000 salariés, soit 7,3% de l’emploi régional. La branche transport et activités auxiliaires proprement dite occupe 50 153 salariés, ce qui représente une hausse de 3,3% entre 2017 et 2018. "Le département des Bouches-du-Rhône regroupe 51% des salariés, le Vaucluse 16%, le Var et les Alpes Maritimes chacun 14%, les Hautes-Alpes 3% et les Alpes de Haute-Provence 2% des effectifs", détaille le rapport 2018 de l’OPTL PACA.
Les quelque 5 000 établissements recensés en PACA par l’OPTL dans le secteur de la logistique et du transport de marchandises sont principalement positionnés sur l’axe rhodanien et la façade méditerranéenne. Les Bouches-du-Rhône bénéficient d’un pôle d’attraction déterminant : le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM). "Le département est situé au sud de la dorsale logistique française Lille - Paris - Lyon - Marseille, et s’est imposé comme un point d’entrée de premier ordre pour le marché européen. Son importance s’est concrétisée par le développement soutenu de son parc immobilier logistique. La couronne de Fos constitue ainsi l’un des principaux pôles logistiques structurants d’un territoire situé au coeur d’un hinterland regroupant 13 millions de consommateurs dans un rayon de 300 km. Dans ce contexte, le port de Marseille-Fos s’est inscrit comme un interlocuteur de premier ordre et un partenaire privilégié de l’ensemble des acteurs du marché de la logistique", précise Hervé Martel, le président du directoire du GPMM, dans un entretien diffusé en juillet 2019 dans le Journal des Transports, une publication de l’Observatoire Régional des Transports (ORT). Attractif pour les activités logistiques, le port est aussi un atout pour l’implantation de sites de production. Le fabricant japonais de tracteurs Kubota met ainsi en avant la proximité du port pour illustrer le choix de son installation à Cavaillon. C’est aussi un outil important pour le programme ITER, dont la logistique est assurée par le groupe Daher.
Plus à l’Est, le Var regroupe aussi "des activités portuaires importantes sur le site de Brégaillon, ainsi que de la logistique de grande distribution et de messagerie sur des espaces d’activités dédiés", décrit la CCI. Dans les Alpes-Maritimes, la zone industrielle de Carros-Le Broc est la plus importante du département. Elle accueille quelques fleurons dans des secteurs variés : les produits vétérinaires Virbac, les laboratoires Arkopharma ou encore les cafés Malongo.
Dans le cadre de la stratégie gouvernementale visant à renforcer le système portuaire et logistique français, une mission dédiée au développement de l’axe Méditerranée Rhône-Saône a été mise en place à la demande du Premier ministre. "Mon objectif est de construire une stratégie avec les acteurs privés et publics des quatre régions concernées par l’axe : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-France-Comté, Occitanie et Provence Alpes-Côte d’Azur", précise Jean-Christophe Baudoin, le délégué interministériel en charge de cette mission, dans le Journal des Transports de l’ORT PACA.
Le Vaucluse attire quant à lui plutôt des activités de logistique terrestre "du fait d’une densité élevée du réseau autoroutier et des activités de centrales d’achat et entreposage", précise une étude publiée en octobre 2019 par la Chambre de Commerce et d’Industrie.
Comme le montre L’Atlas des entrepôts et des aires logistiques diffusé en 2015 par le Service de l’Observation et Statistiques du ministère des Transports, la région PACA dispose déjà d’espaces logistiques importants. À l’époque, 203 entrepôts et plates-formes logistiques (EPL) de plus de 5 000 m² étaient recensés, la surface moyenne s’établissant à 17 700 m². La région comptait alors 56% d’entrepôts de plus de 10 000 m², 16% dépassant même les 30 000 m².
L’attrait logistique ne s’est pas démenti depuis, comme le confirme l’étude de la CCI : "La demande d’entrepôts s’accélère et se traduit par la création et l’extension de Zones d’activités économiques (ZAE) accueillant de grandes plateformes logistiques : Fos-Distriport (Port-Saint-Louis-du-Rhône) ; La Feuillane (Fos- sur-Mer), Clésud (Grans-Miramas), Les Bréguières (Les Arcs-sur-Argens), Le Plan Entraigues (Entraigues-sur-la-Sorgue)".
Les zones de Fos Distriport et La Feuillane, qui ont vu le jour dans les années 2000, sont situées à proximité des terminaux à conteneurs de Fos-sur-Mer. "Au coeur du marché euroméditerranéen, ces deux zones logistiques sont spécialisées dans le stockage sous douane et la distribution en Europe par camion, par train ou par barge fluviale. Chaque année, des grands comptes investissent au port de Marseille Fos pour implanter leur hub sud-européen", souligne le port de Marseille-Fos. Figurent notamment dans la liste des clients des chargeurs comme Carrefour, Castorama, Ceva, Danone, Decathlon, Havaianas, Ikea, Intermarché, Maisons du Monde, Mattel, System U, Weldom, mais aussi des leaders du transport et de la logistique comme Bolloré Logistics, GCA, Geodis, ID logistics, DB Schenker, pour n’en citer que quelques-uns.
Les autres plates-formes ont un profil logistique plus "continental". Clésud, développée dans les années 90, revendique un positionnement "au carrefour de l’arc méditerranéen et de l’Europe du Nord, à mi-chemin entre Barcelone et Gênes". Toujours dans les Bouches-du-Rhône, la plate-forme du Bois de Leuze, à Saint-Martin de Crau, entre Arles et Salon-de-Provence, accueille notamment Distrimag, filiale logistique de Castorama, et le logisticien belge Katoen Natie (avec notamment pour client Décathlon). Un peu plus au Nord, Le Plan Entraigues, dans le Vaucluse, bénéficie de la proximité de l’axe routier Avignon-Carpentras et de l’échangeur Avignon Nord de l’autoroute A7. Un projet d’extension est actuellement en cours : le protocole d’accord a été signé en 2019 par Le Grand Avignon, la commune d’Entraigues-sur-la-Sorgue et la société GSE. Enfin, dans le Var, la communauté d’agglomération de la Dracénie a également fait le pari de la logistique avec l’implantation du Parc des Bréguières, dans l’Est du département. Aménagé par le groupe Barjane, le site accueille notamment une plate-forme ID Logistics/Carrefour et une plate-forme de Lidl.
Pour compléter son dispositif logistique, la région PACA dispose également d’un aéroport significatif dans le secteur du fret, celui de Marseille-Provence, 4è aéroport de province français avec près de 60 000 tonnes de fret avionné traitées en 2019, selon les chiffres de l’Union des aéroports de France. En dehors du trafic express, la plate-forme capitalise notamment sur les échanges avec la Méditerranée, l’Afrique et l’Océan indien dans le secteur du general cargo. Nice se situe pour sa part au 7è rang des aéroports de province français avec un trafic de fret avionné aux alentours des 15 000 tonnes.
"Pour autant, ma conviction est que les chaînes logistiques pourraient être plus efficaces, générer plus de valeur au service de l’économie régionale et de ses territoires, tout en préservant les enjeux sociaux et environnementaux", indique le Préfet de région, Pierre Dartout, dans le Journal des Transports de l’ORT. Des ateliers régionaux de la logistique, associant pouvoirs publics et acteurs privés, ont été mis en place en juillet 2018 pour "faire émerger des solutions pragmatiques".
Importante zone de consommation et carrefour méditerranéen, la région PACA s’appuie également sur un tissu de production assez diversifié. Elle bénéficie tout d’abord de l’implantation d’acteurs mondiaux de l’industrie de la défense et de la sécurité civile, de l’aéronautique et du spatial, ce qui a permis de faire de ce secteur la première filière industrielle de la région. L’écosystème est structuré autour de grands donneurs d’ordre comme Airbus Helicopters ou Thales Alenia Space, qui drainent également un vaste réseau de PME sous-traitantes.
La région se distingue aussi dans la filière Chimie et Matériaux, historiquement implantée en PACA sur l’ensemble de la chaîne de valeur (chimie de base, chimie des intermédiaires et de spécialité, chimie de consommation et filières avales utilisatrices. Les principaux pôles se situent vers Marseille-Aubagne, Cannes-Antibes et Nice.
La concentration des industries de haute technologie le long de la vallée du Rhône essaime également jusqu’à la région PACA avec un pôle important de fabrication de cartes électroniques à Aix-en-Provence, ou bien encore dans la santé, essentiellement dans les Alpes-Maritimes. Les exportations de produits pharmaceutiques se sont envolées ces trois dernières années.
La région PACA est également un pôle important pour l’agriculture et l’agro-alimentaire. Les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse recueillent 64% de l’emploi de la filière agroalimentaire. On peut y ajouter la présence de viticulture dans le Var.
Enfin, une importante filière cosmétique s’est développée, en particulier adossée à la production agricole dédiée aux plantes à parfum, aromatiques et médicinales. Des marques comme Fragonard ou L’Occitane revendiquent pleinement leur berceau géographique.
Ce tissu se reflète dans les échanges internationaux de la région. En 2019, le montant des exportations de la région PACA atteint à 23 129 M€ soit 4,7% des exportations françaises. Les importations représentent quant à elles à 37 610 M€, soit 6,6% des importations françaises. Le déficit de la balance commerciale a augmenté pour la troisième année consécutive, atteignant -14 481 M€, contre -12 602 M€ en 2018.
Source : Douanes
Les pays méditerranéens occupent une place de choix dans les pays partenaires de la région PACA, puisqu’on en trouve 5 dans le Top 10 à l’export et 4 à l’import. Bien sûr, on retrouve également dans ce classement les partenaires commerciaux traditionnels de la France, comme l’Allemagne, les États-Unis ou encore la Chine (à l’import). Autre spécificité à signaler, liée au poids du secteur pétrolier : le poids de l’Algérie, du Kazakhstan et du Nigéria à l’import.
Source : Douanes