Pour démarrer cette série d’articles sur le positionnement de la Pologne dans le secteur du transport et de la logistique en Europe, il est intéressant de dresser un panorama de sa situation économique globale. Depuis la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, les pays d’Europe de l’Est situés derrière le "rideau de fer" ont vécu une transition vers un modèle libéral. Ils ont notamment connu un développement économique et social important, suite à leur intégration à l’Union Européenne entre 2004 et 2007 (2013 pour la Croatie).
La Pologne a particulièrement réussi sa mutation. Elle est aujourd’hui l’une des 25 premières puissances économiques mondiales. Après plus de 15 ans de croissance ininterrompue, l’économie polonaise affichait encore une hausse de +5,1% en 2018, alors que la moyenne européenne était de + 2%.
Source : Eurostat, Upply
Avec une population de 38 millions d’habitants pour une superficie de 312 679 km², la Pologne concentre dans sa capitale Varsovie près de 9% de sa population totale pour un quasi plein emploi (le taux de chômage est de 3,9%). Le PIB par habitant est de 12 920 € en 2018, avec une augmentation moyenne de 6,8% par an depuis l’adhésion à l’Union Européenne.
Le succès de l’économie polonaise est fondé sur une forte connectivité avec l’économie allemande, moteur en Europe, et une grande diversification sectorielle. En effet, la Pologne a bénéficié d’une main-d’œuvre qualifiée avec un coût horaire faible : elle a ainsi connu une croissance importante de son secteur industriel. Parallèlement, le pays est engagé dans une transformation complète de son système agricole.
Cette transition économique a été rendue possible par des investissements massifs de l’Europe : près de 200 milliards d’euros (Md€), dont plus de 25% dans le secteur des infrastructures. Les fonds structurels de l’UE ont représenté pendant 15 ans près de deux fois le budget annuel polonais. Cette manne a notamment permis une modernisation complète du réseau autoroutier, aéroportuaire, télécommunication et internet. Sur la seule période 2014-2020, l’Europe a soutenu 24 programmes d’investissements, pour un total de 86 milliards soit 2 260 € par habitant.
Source : Union européenne
Aujourd’hui, la phase d’investissement porte ses fruits car la croissance nationale est soutenue par une forte demande intérieure. Le système bancaire est stable et l’économie diversifiée. L’inflation est maîtrisée et les perspectives de croissance restent importantes, même si le rythme devrait se révéler moins soutenu pour les prochaines années (+3,8% de croissance estimée en 2020 par l’OCDE et +3 % pour 2021).
La qualité de la gouvernance économique polonaise est démontrée par l’engagement réel des investissements européens dans des projets qui ont profondément modernisé le pays et un niveau d’endettement de l’État contenu. La dette publique est de 48,9% du PIB en 2018 avec un objectif de réduction à 45,6% en 2020. La stabilité des finances publiques est confirmée avec la notation long terme A- par Fitch et A2 par Moody’s, associée à une orientation stable. Le déficit public a été réduit de 2,2% du PIB en 2016 à 0,2% en 2018.
La balance commerciale de la Pologne était excédentaire depuis 2015, essentiellement grâce aux exportations vers les pays européens dont l’Allemagne, qui est son premier partenaire. Mais en 2018, la balance commerciale s’est révélée déficitaire de 4,9 Md€. Le pays importe pour un total en valeur de 226 Md€ et exporte pour 221 Md€. Le déficit commercial s’est notamment accentué avec la Chine : il a augmenté de 31% entre 2015 et 2018 pour atteindre 24 Md€.
Source : Banque mondiale
Globalement l’économie du pays est fortement exportatrice avec 55,59% du PIB en dollars en 2018 alors que l’Allemagne est à 47,41%. Les principales marchandises exportées en 2018 sont les machines et matériels électriques (24,20%), les voitures et véhicules (11,45%), les meubles et mobilier (5,67%), les matières plastiques (4,98%).
En termes de représentativité des principaux secteurs d’activités, l'agriculture emploie 10,1% de la population active pour une contribution à 2,1% du PIB. Le secteur industriel génère 28,6% du PIB mais emploie 31,5% de la population active. Le développement de ce secteur a permis à la Pologne d’atteindre un taux de croissance annuel moyen des exportations de 7,52% depuis l’entrée dans l’Union Européenne. Les segments en forte croissance en 2018 sont la construction +17,3%, le secteur financier +11,4% et les transports +9.3%.
Le secteur du transport routier de marchandises est incontestablement devenu l’un des fleurons de l’économie polonaise. Le pays est aujourd’hui leader en Europe pour le transport international. En outre, une analyse comparative, sur la base du transport de marchandises total en termes de tonnes-kilomètre, permet de classer la Pologne au premier rang européen et de distinguer la prédominance de son activité de cabotage.
Source : Eurostat
Unité : tonne-kilomètre (tkm) ; cette unité de mesure correspond au transport d’une tonne de marchandise sur une distance d’un kilomètre.
La situation géographique de la Pologne en fait un carrefour intéressant pour le transit de marchandises, au carrefour de la route de l’Ambre et des Routes de la Soie. La Pologne se trouve au barycentre du corridor Nord-Sud qui va de la mer Baltique à la mer Adriatique et du corridor transcontinental eurasiatique, qui traverse l’Europe d’Est en Ouest. Ce dernier pourrait se renforcer avec l’implantation de nouveaux bastions (de commerces) chinois en Europe à travers le développement des Routes de la Soie. Les usines chinoises ont en effet besoin d’avoir accès, avec un faible coût de transport, à un marché de consommateurs mature et considérable. L’Union Européenne, avec ses 500 millions de d’habitants et une économie puissante, coche toutes les cases.
La Pologne pourrait aussi bénéficier d’un axe de développement des échanges économiques entre l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est, mais aussi, à plus long terme, d’un développement des échanges économiques entre l’Europe et la Russie.
Source : UPPLY
Le pays tend à développer un réseau d’infrastructures fondé sur l’interconnectivité, pour un volet routier mais aussi ferroviaire, rejoignant ainsi la stratégie de l’Union européenne consistant à créer un réseau de transport efficient couvrant l’ensemble des 28 pays membres. L’objectif est de développer la compétitivité européenne en favorisant la modernisation des infrastructures, une dynamisation de l’activité transfrontalière et la création d’un réseau multimodal, tout en réduisant l’impact environnemental et les émissions de CO2.