Le mois d’avril 2020 est le mensis horribilis durant lequel l’économie a chuté comme jamais depuis l’après-guerre, ce qui a durement affecté le secteur des transports. En France, l’effondrement a été immédiat.
Notre base de données Upply montre ainsi que le nombre de transactions de transport dans le pays, communiquées par nos partenaires et traitées par nos algorithmes, a presque été divisé par 2 : -47% entre avril 2020 et janvier 2020. Cela montre l’intensité foudroyante de la crise. De nombreux secteurs ont été à l’arrêt ou quasiment à l’arrêt. Les premiers chiffres de mai 2020 indiquent heureusement en remontée, ce qui permet d’estimer que le point bas est derrière nous.
Ensuite la courbe du climat des affaires publié par l’Insee (voir graphique en fin d’article) affiche une chute vertigineuse jamais observée jusqu’ici : -41,6 points ! Cet indicateur est terrible, car représentant le moral de nos chefs d’entreprise, il augure d’une reprise difficile. On peut donc estimer que la demande de transport sera notablement plus faible que l’offre. La 3eme enquête réalisée par la FNTR sur l’impact du Covid19 sur le TRM est, sur le sujet, sans appel : 30 % des entreprises de transport ont des pressions sur les prix de la part de leurs donneurs d’ordre et 21% des camions sont encore totalement à l’arrêt.
Malgré cette conjoncture exceptionnellement dégradée, la baisse des prix dans le transport routier de marchandises en France s’est limitée à 2% au mois d’avril.
Source : Upply
Plusieurs facteurs expliquent cette relative résistance des prix. On peut invoquer d’abord la résilience des prix induite par les contrats de transport de long et moyen terme. Ces contrats assurent pour les chargeurs une garantie de capacité et procurent aux transporteurs une stabilité des prix. Le mix contrats réguliers/contrats spot est depuis longtemps l’outil censé assurer sécurité et performance aux chargeurs et aux transporteurs, à condition d’avoir la taille critique par rapport à son partenaire (client ou prestataire).
L’étude plus fine de nos données permet d’avancer d’autres explications. Si l’on reprend le découpage de la France réalisé par le gouvernement, en zones rouges et vertes, de grandes disparités de prix apparaissent. Ainsi, l’observation de la variation des prix de mars à avril 2020 montre une augmentation de 3 points en zone rouge, une diminution de 4 points en zone verte et une petite diminution de 0,5 point pour les échanges entre zones de couleurs différentes.
Considérant que l’épidémie de Covid19 a été plus virulente en zone rouge, on peut imaginer que l’effondrement de la demande a été concomitant avec celui de l’offre, favorisant la rareté du transport. C’est un facteur de hausse. De plus, la zone rouge regroupe des régions du Nord, de l’Est et de l’Ile-de-France, qui sont traditionnelement les régions les plus cabotées en France. Le retour dans leur pays des flottes de l’Europe centrale, connues pour leur modèle plus "low cost", a mécaniquement fait augmenter les prix.
Les prix devraient continuer à se rétracter au moins pour deux raisons. D’abord, les observations en zone verte montrent que dans les territoires où l’offre de transport est supérieure à la demande, les prix de transport baissent. L’après-confinement marque le retour théorique de toutes les capacités de transport, alors que l’économie redémarre lentement. Cet écart entre l’offre et la demande entraînera une érosion des prix.
Ensuite, les clauses gazole en pied de facture incluses dans les contrats de transport sont pour les transporteurs une épée de Damoclès. La chute des cours depuis le début de la crise (-5,8% sur 1 mois – voir graphique ci-dessous) sera très certainement répercutée sur les prix de mai 2020, favorisant encore un peu plus le mouvement de déclin.
La situation des transporteurs devient donc très difficile. Car parallèlement à la baisse des prix et du chiffre d’affaires, ils subissent des hausses de coûts par l’application des mesures barrières et la sous-productivité induite de la gestion de la crise (baisse du taux d’utilisation des véhicules, hausse kilomètres à vide, etc).
Les héros du confinement sont-ils en passe de devenir les sacrifiés de la crise ? Il faut en appeler à notre esprit de solidarité si nous voulons éviter le pire.
Source : Insee/CNR