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Une connexion qui traverse l’Atlantique : l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur

Rédigé par Ganyi Zhang | 23 août 2019

Après plus de vingt ans de négociations, l’UE et le Mercosur ont enfin réussi à trouver un accord politique pour un accord de libre-échange (ALE) lors du dernier G20 à Osaka, le 28 juin 2019. Son but est d’éliminer 91% des droits de douane dans les échanges bilatéraux, ainsi que les barrières non tarifaires au commerce. Bien que le chemin avant la mise en œuvre de cet accord soit long, il est tout de même intéressant de regarder de plus près les implications de cet accord commercial bilatéral.

L’Union européenne et le Mercosur ont pris la décision politique de créer un « accord commercial ambitieux, équilibré et exhaustif », tel qu’annoncé par la Commission européenne le 28 juin 2019. Créé en 1991, le Mercosur est un bloc économique et politique rassemblant cinq pays : le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et le Venezuela. L’accord de libre-échange rassemblera l’UE et quatre Etats membres du Mercosur, à l’exclusion du Venezuela, dont le statut de membre a été suspendu indéfiniment en 2016.

Aperçu des échanges entre l’UE et le Mercosur

L’UE est le plus gros partenaire d’échange du Mercosur après la chine, responsable d’un cinquième de tous les échanges du Mercosur en 2018. Le Brésil et l’Argentine, les deux plus grandes économies du Mercosur, représentent 95% des échanges avec l’UE. Les imports ainsi que les exports ont baissé entre 2011 et 2016, mais ils augmentent légèrement depuis. Quoi qu’il en soit, ces échanges bilatéraux ont été assez stagnants ces deux dernières années.

Graphique 1: 2011-2018 Valeur des échanges entre l’UE et le Mercosur (en Euros), source : Eurostat

A quoi s’attendre

L’accord entre l’UE et le Mercosur prévoit d’éliminer 91% des droits de douane sur les échanges bilatéraux, et d’enlever les barrières non tarifaires aux échanges. A long terme, cet accord peut augmenter la demande de transport sur cet axe. A titre de comparaison, l’ALE entre l’UE et le Chili, qui est entré en vigueur en 2003, a considérablement augmenté le volume des exports de l’UE à partir de 2010, date à laquelle l’ALE a complètement supprimé les droits de douane sur les produits industriels finis européens. Le volume de transport conteneurisé a également augmenté en conséquence[1].

Table 2: 2008-2014 EU export to Chile, Data source: Eurostat

Pour ce qui est de l’ALE entre l’UE et le Mercosur, l’élimination des droits de douane se concentrera surtout sur les produits industriels, les produits agricoles, et les matières premières, qui constituent l’essentiel des échanges entre ces deux acteurs. Le programme précis de l’élimination des droits de douanes n’est pas encore fixé ou rendu public. Mais selon l’accord de principe, certaines réductions devraient se dérouler de la façon suivante :

Table 3: Tariff elimination schedule on some key goods. Data generated from the agreement in principle.

Les investisseurs européens pourraient aussi tirer parti de la libéralisation du marché du transport maritime. A l’heure actuelle, les services de transport maritime représentent à peu près 27% de tous les exports de service de l’UE vers le Mercosur. Avec la perspective long terme de l’augmentation de la demande de transport, et la libéralisation du marché du transport maritime, les échanges de service de transport par bateau entre l’UE et le Mercosur ont des chances de croitre considérablement.

Plus précisément, et pour la première fois, l’accord traite de la question des services maritimes internationaux (transports et services liés) avec le Mercosur. Cette stipulation pourrait donner à l’UE l’avantage du « premier arrivant » lors de son entrée sur le marché du transport maritime de ces pays, et lui permettre d’étendre son réseau en Amérique Latine. Bien que nous n’ayons pas encore les détails, mais en utilisant l’ALE UE-Vietnam comme exemple, ce texte inclura surement une définition et des principes concernant les services de transport maritime que les investisseurs européens pourront fournir aux pays du Mercosur.

Beaucoup d’attentes, mais…

Les perspectives sont prometteuses. Néanmoins, il se peut que la ratification tarde. De nombreux acteurs se sont opposés à cet accord, surtout au sein du secteur agricole européen. La levée des restrictions sur l’import de produits agricoles en provenance des pays du Mercosur a provoqué une forte préoccupation de la part des acteurs européens de l’agriculture et de l’agro-alimentaire, faisant valoir que les bas-prix des produits agricoles du Mercosur mettront à mal la compétitivité des produits locaux en UE. De plus, les feux de forêts qui embrasent actuellement la forêt amazonienne ont ravivé les questions sur la politique brésilienne sur le climat: le président français, Emmanuel Macron et le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, ont évoqué la possibilité de s’opposer à l’accord si aucune action concrète pour l’environnement n’était entreprise par le Brésil.

Un long processus de ratification implique que les transporteurs devront attendre longtemps avant de pouvoir tirer profit de l’accord, mais cela veut également dire que l’accord potentiel sera constamment exposé à des changements économiques et politiques, ainsi qu’à l’émergence de nouvelles problématiques. Ceci peut engendrer des demandes d’amendement ou de modernisation de l’accord, créant ainsi d’avantage d’incertitude et de retard dans l’application de l’ALE. Ceci est particulièrement possible dans la vague actuelle de protectionnisme économique qui traverse certains pays de l’UE et du Mercosur.

Par ailleurs, un long processus de ratification peut faire manquer des opportunités économiques aux deux marchés concernés. Après tout, l’UE n’est pas la seule à vouloir investir en Amérique Latine. Ces dernières années, la Chine est devenue de plus en plus impliquée dans la région, avec l’acquisition de plusieurs ports comme Chancay au Pérou, et Paranagua au Brésil. La Chine ne dispose pas encore d’un ALE avec un pays du Mercosur. Cet ALE en cours de création pourrait rendre l’UE plus compétitive au sein du marché du Mercosur. Mais encore une fois, cela n’est vrai que si cet accord est ratifié rapidement. Dans le même temps, la capacité des pays du Mercosur à agir efficacement sur des sujets comme le changement climatique et les normes alimentaires sera un facteur clé dans l’avancement du process de ratification de l’accord.

Tant de perspectives à portée de main, mais l’horloge tourne.

Photo de chuttersnap sur Unsplash

 

[1] La baisse de 2014 provient du ralentissement de l’économie chilienne, qui a engendré une baisse des imports faits par le Chili de l’ordre de 20%. Le ralentissement de l’économie chilienne sur cette période ayant entraîné une baisse de 20% des importations totales en 2014 ; engagement croissant des Etats-Unis et des pays asiatiques au Chili ; tarifs élevés des produits européens ; taux de fret maritimes élevés, temps de transit important et offre réduite de services de transport maritime de type Liner via Panama, rendant difficile l’accès à Valparaiso

[2] Dans ce graphique, l’UE et le Mercosur renvoient à l’UE éliminant les droits de douanes sur les produits importés du Mercosur. Par exemple, pour la première ligne il s’agit de l’UE éliminant 100% des droits de douane imposés au Mercosur sur les produits industriels après une période transitoire de 10 ans. Pour les produits agricoles, certains produits sensibles sont soumis à des quotas, dont le volume sera établi par phase annuelle sur 6, 10 ou 12 ans. Pour plus de détails, veuillez consulter le document suivant : https://www.cacec.com.ar/uploads/medialibrary/ArchivosVarios/ARCHIVO_2_1562087863.pdf