Même s’il est communément admis que les intérêts de la compagnie maritime et du chargeur convergent pour embarquer la marchandise prévue sur le navire prévu, certains facteurs peuvent bousculer ce consensus. La finalité de la compagnie, lors d’une escale, est évidement de remplir l’espace alloué tout en optimisant la recette unitaire par conteneur. Lorsqu’il n’y a pas de tension sur l’espace et que le conteneur à embarquer est "bon de douane", il n’y a aucun obstacle réel à l’embarquement. Mais en cas de surbooking, les choses se compliquent. Voyons alors comment se gèrent les priorités, et les stratégies possibles pour les chargeurs.
Les conteneurs réfrigérés et les matières dangereuses sont en principe toujours prioritaires à l’embarquement, plus pour des considérations opérationnelles et sécuritaires que commerciales. Ce segment, qui représente en Europe environ 20% des embarquements, est donc a priori à l’abri.
Dans le cas de marchandises couvertes par des contrats à long terme, la qualité de la relation commerciale joue beaucoup en matière de garantie d’embarquement, au-delà du prix unitaire payé. L’équation prend généralement en compte la valeur de la marchandise et l’ancienneté de la relation. En Europe par exemple, les vins et spiritueux sont souvent considérés comme "officieusement" prioritaires par les compagnies.
Dans ce cas de figure, la marchandise paye un prix "spot". Les compagnies publient chaque mois une actualisation de ces taux FAK. Un peu délaissée ces dernières années, cette option est à reconsidérer dans le marché actuel, si vous devez acheminer des conteneurs présentant un réel caractère d’urgence. En effet, pour un moindre surcoût et de façon ciblée par rapport à des taux négociés, l’expéditeur peut revendiquer une forte priorité de chargement, et dans l’immense majorité des cas l’obtenir, car les compagnies ont à cœur de sécuriser les opérations les plus rémunératrices. Pour le chargeur, cette approche est plus souple et parfois moins onéreuse que les programmes "Premium" proposés aujourd’hui par certaines compagnies.
À la faveur d’un rapport de force actuellement favorable aux compagnies maritimes, ces programmes "VIP" commencent à faire flores. Attention, cependant : la garantie d’embarquement sur le premier navire est soumise à des engagements de volumes sur la durée. Une contrainte à prendre réellement en compte dans l’équation, étant donné le peu de visibilité actuelle dans les prévisions de flux. En revanche, en cas de pénurie d’équipement disponible dans un port donné, ces programmes peuvent indéniablement apporter de la sécurité.
Le surbooking est une réalité du marché, dans l’ensemble bien géré au quotidien par les équipes et fondamentalement justifié car à de rares exceptions près, les compagnies ne font pas payer les annulations tardives des réservations par leurs clients. Or il est bon de rappeler que 15 à 20% des bookings sont annulés ou reportés à moins de J-8 du départ d’un navire.
Côté compagnie, ce "taux de chute" a un impact direct et brutal sur la recette d’une escale en dernière minute. Le manager du service booking d’une compagnie dans un port est d’ailleurs continuellement évalué sur ce ratio clé de rentabilité.
Pour se prémunir du risque de voir son conteneur rester à quai, dans le contexte actuel, je recommande aux chargeurs de privilégier les taux FAK, à actionner à la demande et de façon ciblée pour les conteneurs qui en ont réellement besoin. C’est selon moi ce micro-management qui peut en ce moment offrir le meilleur rapport performance/gestion du risque, tant que l’espace est "artificiellement" tendu.
Captain Upply