Une page se tourne en ce mois de mars. Malgré l’existence toujours bien réelle du virus, la question pandémique est désormais enterrée, largement supplantée par la guerre, les problèmes de pouvoir d’achat et maintenant les risques bancaires systémiques.
Toutefois, cette "parenthèse Covid" marquera certainement le début de la remise en cause d’un mythe : celui d’une mondialisation heureuse qui ferait ruisseler la prospérité grâce à l’accroissement des échanges. Le modèle consumériste hérité des années 90 est à bout de souffle, l’urgence climatique nous éclate à la figure et la géopolitique s’invite durablement dans l’univers de la supply chain.
En l’espace de trois semaines, au mois de mars, deux nouveaux porte-conteneurs géants de 24 000 EVP sont venus rejoindre la flotte du n°1 mondial, MSC, qui totalise désormais cinq navires de ce type. Et la compagnie italo-suisse n’est pas la seule à intégrer des unités d’une telle dimension. Hélas pour elles, le monde des 24 000 EVP ne fait pas bon ménage avec des économies européennes atones, secouées par l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, et une croissance économique quasi-nulle. Ces navires, déjà trop nombreux sur le marché, et dont la quantité va continuer à croître en 2024 et 2025, sont des "aspirateurs" à conteneurs quand la demande est bien orientée, mais de véritables boulets lorsqu’on peine à les remplir avec de faibles recettes.
Dans la physionomie actuelle du marché, ils aggravent le manque de régularité des rotations, en combinant des fréquences trop rapprochées dans des ports chinois qui ne peuvent les alimenter correctement, des attentes en rade, des reports de départ en Asie, parfois des passages rallongés par le cap de Bonne Espérance et des vitesses commerciales très lentes.
Dans un contexte d’offre maritime abondante et de demande très calme, nous assistons d’une certaine façon à un retour de manivelle post-pandémique, avec la fin du "just in case" et un retour progressif vers le "just-in-time", élément clé de la "normalité" logistique des 30 dernières années.
Mais l’heure est venue d’inventer de nouveaux schémas de just-in-time à la lumière des enseignements de la crise. La dégradation durable des services maritimes et les risques afférents à l’exploitation de ce type de navires pourraient entretenir le regain d’intérêt des chargeurs pour des approvisionnements de proximité, plus onéreux mais permettant des délais d’acheminement plus courts et surtout beaucoup mieux maîtrisés.
Les taux de fret pratiqués actuellement en sortie de Chine font clairement ressurgir le spectre de faillites "à la Hanjin". Les marchés semblent avoir la mémoire courte (...)