"Tout ça pour ça", serait-on tenté de dire à l’issue de ce mois de février bien décevant pour les compagnies maritimes et les commissionnaires de transport. Très loin des records de 2021, les taux spot se discutent aujourd’hui au plus bas autour de 1000 USD en sortie de Chine sur le Nord Continent et de 2000 USD sur le West Med.
Le phénomène était attendu, mais la baisse du chiffre d’affaires et des volumes frappe par sa brutalité. Pour les compagnies comme pour les commissionnaires de transport, les indicateurs de performance mensuels sont en berne et la demande reste toujours aussi mal orientée. Or ces montagnes russes sont difficiles à appréhender dans une logique financière traditionnelle.
Ne sombrons pas néanmoins dans le catastrophisme. Mis à part en sortie de Chine, les autres marchés maritimes se maintiennent dans l’ensemble plutôt bien et il paraît important dans ce contexte de rappeler qu’il y a toujours une grosse différence entre un taux de fret "pas cher" et un taux de fret qui permet un embarquement effectif et rapide du conteneur à bord d’un navire. C’est plus vrai que jamais, et l’on assiste à une réhabilitation bienvenue des relations commerciales entre clients et fournisseurs.
Par ailleurs, pour les groupes qui bénéficient de relais de croissance dans d’autres segments du transport et de la logistique, la pilule passe souvent un peu mieux, car certaines de ces activités restent bien orientées.
Dans ce contexte, les terminaux portuaires guettent maintenant les navires et les temps de passage à quai des conteneurs retrouvent leurs niveaux pré pandémiques. La congestion est clairement terminée, ce qui va mécaniquement avoir un impact positif sur les délais d’acheminement, même avec des services qui restent durablement mal cadencés.
La disponibilité des conteneurs retrouve également une situation normale dans les grandes zones de demande planétaires. La Chine a désormais beaucoup de stocks de conteneurs vides, et n’a pas besoin d’en avoir davantage à court terme.
En résumé, les tensions ont disparu, qu’il s’agisse d’accès aux navires, aux équipements ou aux infrastructures. Parallèlement, on assiste à l’arrivée sur le marché des premiers navires neufs commandés par les compagnies durant la période d’abondance financière.
Ces navires arrivent au plus mauvais moment puisque la demande n’est pas au rendez-vous. Même en mettant au rebus les unités les plus anciennes, les compagnies ne pourront mécaniquement pas équilibrer l’arrivée des nouvelles capacités par des destructions équivalentes dans les prochains mois. Cette équation imparable affectera défavorablement les compagnies maritimes en 2023 et très probablement aussi en 2024.
Du côté de la demande, la période des appels d’offres se poursuit. On observe chez les chargeurs deux types de comportement assez antagonistes :
Pour beaucoup de chargeurs, le marché spot est tellement confortable aujourd’hui qu’il n’y a aucune urgence à sécuriser des taux contractuels (...).