Commençons par une bonne nouvelle. Vu du côté des compagnies maritimes, l’axe transatlantique dans le sens Ouest-Est (Europe/Côte Est des États-Unis) constitue en quelque sorte la bonne surprise du premier semestre. Le marché a bien résisté, et les principaux acteurs n’ont pas subi de gros ralentissement cet été.
L’activité reefer, en particulier, est toujours orientée à la hausse sur cet axe. Une belle cerise sur le gâteau !
Pour la première fois depuis une décennie, on peut donc s’attendre à des résultats plutôt consistants sur ce marché. Toutefois, en termes de volumes, le Transatlantique pèse environ deux à trois fois moins que les courants Asie-Europe et Transpacifique. Il ne peut donc pas suffire à compenser les creux ressentis sur ces axes.
Les capacités sont actuellement supérieures à la demande, et les "blank sailings" sporadiques intervenus pendant l’été n’ont eu qu’un très faible impact sur les tarifs. Les mois qui viennent ne s’annoncent pas sous de meilleurs auspices. Dans le secteur du retail, les prévisions se situent plutôt dans une fourchette basse pour les jouets de Noël et les articles liés. En termes de volumes, l’année devrait donc se révéler globalement décevante dans cette branche.
Logiquement, les compagnies maritimes ont tenté de riposter en annonçant des augmentations générales, de façon à provoquer un effet tarif et obtenir ainsi un regain d’activité. En se combinant avec les "blank sailings" de la Golden Week, cette stratégie pourrait fonctionner, au moins pour stopper la tendance à la baisse et sauver ce qui peut l’être.
Dans le sens Europe-Asie, aux volumes nettement moins élevés, la capacité est largement disponible et les tarifs sont globalement stables. Cependant, les résultats sont légèrement supérieurs aux attentes, en raison de volumes acceptables et, là encore, d’une activité reefer en hausse. La France s’en sort plutôt bien, grâce au dynamisme des exportations de vins et spiritueux et de produits agricoles.
L’an dernier, le déclenchement de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine avait engendré un effet de rush sur les capacités qui ne ressent plus cette année. La guerre commerciale devient en quelque sorte structurelle, ce qui dégonfle le phénomène inflationniste sur les taux de fret maritimes constaté en 2018.
Il n’y a pas lieu de s’attendre à un rebond significatif des taux de fret à court terme. C’est la raison pour laquelle les compagnies maritimes publient actuellement massivement des augmentations générales de tarifs, tout en annulant des départs de navires dans un marché de dernière minute décevant.
Les transporteurs prennent ainsi sciemment le risque de perturber les chaînes logistiques de clients avec lesquels ils ont conclu des contrats annuels, malgré l’impact à gérer en termes de relation commerciale. Cette attitude est très symptomatique d’une sorte de panique du côté des compagnies maritimes.
Globalement, les compagnies maritimes auront beaucoup de difficultés à dégager des marges opérationnelles positives cette année. Le fossé entre l’offre structurelle et la demande sur les routes Est-Ouest induit un impact trop important sur le niveau des taux de fret maritimes.
Dans ce contexte, les annonces "politiques" de construction de nouveaux navires (comme celles de Hyundai Merchant Marine, puis d’Evergreen…) ont un effet dévastateur et très contre-productif, si l’on se place du point de vue des compagnies maritimes.
L’introduction de surcharges correspondant à l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de l’OMI sur les émissions d’oxyde de soufre constitue la dernière petite chance de minimiser l’actuelle érosion des taux. Les chargeurs sont en grande majorité informés et prêts à apporter leur contribution financière à cet effort de préservation de la planète. Mais ils exigeront des preuves tangibles avant de mettre de l’argent sur la table : les requêtes des compagnies devront être en ligne avec les évaluations des chargeurs.
La répercussion de l’augmentation des prix du carburant devra être équilibré. Des clarifications sont encore attendues de la part des compagnies maritimes, pour instaurer une relation gagnant-gagnant.