Market Insights

Conteneurs maritimes : les chargeurs doivent-ils investir ?

Rédigé par Jérôme de Ricqlès | 02 avril 2021

La pénurie actuelle de conteneurs handicape sérieusement la fluidité de la supply chain. Les chargeurs doivent-ils se doter d’un parc propre ? Éléments de réponse.

Dessine-moi un conteneur... Sur la planète shipping, aujourd’hui, les chargeurs paraphraseraient sans doute volontiers le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry et son mouton ! La pénurie de "boîtes" fait rage.

Petit rappel du concept

Commençons par quelques fondamentaux. Un conteneur maritime est un emballage réutilisable normé multimodal. Dans cette définition, chaque mot a son importance. Explicitons les pour mieux comprendre ce qu’est un conteneur "Dry Van" standard.

  • Emballage: C’est un châssis parallélépipédique de structure métallique avec un plancher en bois, muni de pièces de coin renforcées pour la manutention et de passage de fourches latérales au niveau du plancher pour la manutention à vide. Sur ce châssis sont soudées des parois d’acier doux nervurées pour assurer une meilleure rigidité à l’ensemble soudé. Des portes munies de joints viennent fermer l’ensemble sur une extrémité.
  • Réutilisable: La durée de vie moyenne d’un conteneur entretenu régulièrement est d’une quinzaine d’années, parfois beaucoup moins s’il renferme des pondéreux, beaucoup plus s’il n’est utilisé que pour de la palette filmée.
  • Normé : D’invention américaine (le concept originel remonte à la logistique militaire de la fin de la deuxième guerre mondiale), le conteneur maritime entre dans le champ des normalisations ISO (International Standard Organization).
  • Multimodal : Il permet, sans rupture de charge et en respectant l’intégrité de la marchandise qu’y si trouve enfermée, de passer d’un ensemble routier à un navire ou à un wagon ferroviaire.

Outil fondamental du développement de la mondialisation à marche forcée des trois dernières décennies, le conteneur n’a guère posé de problème de disponibilité jusqu’à présent. La croissance du parc planétaire a accompagné peu ou prou l’évolution de la flotte des navires, avec une accélération ces dernières années au fur et à mesure que s’imposait le concept de "Chine, usine du monde".

Un véritable enjeu de maîtrise du marché

En provoquant une pénurie de conteneurs, la désorganisation de la supply chain issue de l’épidémie de la Covid-19 est en train de rebattre les cartes. On assiste à une "dé-banalisation" et à une nouvelle valorisation de cet outil. Le marché est tout simplement en train de prendre conscience que sans conteneurs, la logistique globale est paralysée.

Un retour massif au transport maritime conventionnel n’est pas envisageable. Ce segment de marché existe toujours, mais il est principalement dédié aux marchandises non conteneurisables. La maîtrise de la disponibilité de conteneurs devient donc, après celle des capacités nautiques, le deuxième volet de la prise de contrôle du marché par l’offre. Une révolution dans un secteur plus habitué à voir la demande imposer ses conditions.

Avantages et inconvénients d’un parc propre

Dans le contexte de pénurie actuelle, certains chargeurs s’interrogent légitimement sur l’opportunité d’investir dans une flotte propre de conteneurs, afin de s’affranchir en partie de la dépendance vis-à-vis des compagnies maritimes. C’est ce que l’on appelle les conteneurs "clients" (en anglais "Shipper’s Owned Containers", SOC).

Attention avant de se lancer dans l’aventure ! Un conteneur nécessite un entretien régulier, de l’espace de stockage et donc de manutention, ainsi que des contrôles périodiques attestant de ses capacités structurelles (conformément à la réglementation de la "Convention for Safe Containers"). D’autre part, il faut bien prendre en compte dans son analyse le potentiel d’utilisation dans les sens aller et retour. Si le chargeur doit supporter les frais de rapatriement à vide de son conteneur, l’opération n’est pas amortissable économiquement sauf à entrer dans des négociations avec les commissionnaires de transport pour leur louer leurs équipements. Cette option connaît d’ailleurs actuellement un certain frémissement.

Point positif dans la balance risques/bénéfices : outre la maîtrise des moyens, l’utilisation de conteneurs "client" permet de bénéficier d’une ristourne au moment de la négociation des "frais et fret" avec les compagnies maritimes, puisque ces dernières n’ont pas à supporter les coûts logistiques associés à la gestion et à l’entretien des conteneurs, ainsi que les frais de mise à disposition et de restitution...

Dernier point : les conteneurs sont souvent utilisés par les chargeurs pour stocker temporairement de la marchandise hors entrepôt, avec une contrepartie financière négociable (via les frais de détention facturés par les compagnies maritimes). Si le chargeur devient propriétaire de ses propres conteneurs, le jeu perd évidemment de son intérêt.