Invité à s’exprimer lors de la conférence "50 nuances de risques : quelles stratégies adopter à l’ère des incertitudes ?", qui se déroulait le 19 mars au SITL 2024, Thierry Blein, Directeur de la gestion des risques Supply Chain du groupe Renault a résumé d’une formule choc et très parlante la situation actuelle : "on est certain que le monde chaotique que nous connaissons depuis 3 ou 4 ans avec l’enchaînement de plusieurs méga-crises va durer encore longtemps. C’est ce qu’on appelle chez Renault le New Never Normal". Un contexte auquel le groupe automobile français s’est adapté en prenant 3 décisions majeures : le rattachement de la supply chain à la direction générale de l’entreprise, la création du poste de Supply Chain Risk Manager et la réalisation d’investissements massifs dans la digitalisation et l’intelligence artificielle.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le secteur du transport maritime conteneurisé s’inscrit pleinement dans cette nouvelle réalité faite de crises et d’incertitudes. Dernier exemple en date : la résurgence du conflit au Proche-Orient, et plus encore ses conséquences sur le marché des taux de fret maritime suite au déclenchement consécutif des attaques des Houthis en mer Rouge. Alors que se profilait un scénario de taux bas plombés par une demande molle, un paramètre brutal et inattendu est venu changer la donne à la fin du dernier trimestre 2023 et au premier trimestre 2024.
Ce mois de mars vient donc couronner un premier trimestre aussi positif qu’inattendu en matière de résultats financiers pour les compagnies maritimes, mais aussi pour les grands commissionnaires de transport internationaux. Une embellie inespérée, car la publication des comptes des grandes compagnies, notamment, avait mis en évidence une nette dégradation au 4è trimestre 2023, même si les bénéfices engrangés en début d’année ont permis de sauver la rentabilité de l’exercice.
Fin mars, le soufflé tarifaire retombe, alors que le passage par la route des caps, et notamment par le cap de Bonne-Espérance, devient le fonctionnement normal des opérations dans le contexte géopolitique qui persiste.
Ce "new normal" implique des voyages plus longs, mais aussi avec moins de ruptures. Le passage par le Cap de Bonne-Espérance induit aussi des conditions de navigation climatiquement beaucoup plus variées compte tenu des bascules d’hémisphères à répétition, et ce paramètre est à prendre en compte à plusieurs niveaux :
Les changements de route, s’ils s’installent dans la durée, vont avoir un impact allant au-delà de l’augmentation des taux de fret, de l’allongement des délais d’acheminement et de l’accroissement de la consommation de carburant des navires. Pour l’instant, ces aspects sont encore mal connus car le retour d’expérience est encore limité, mais les points cités ci-dessus se sont pas à négliger (...)