La Chine, via son ministère des Transports, a introduit le 1er juin un renforcement des contrôles et des amendes consécutif aux mauvaises déclarations concernant la nature et le poids des marchandises, qu’il s’agisse d’approximation et/ou de fraude. Cette décision chinoise apporte de l’eau au moulin de toutes les compagnies maritimes du monde qui, ces dernières semaines, sont nombreuses à avoir individuellement annoncé des mesures de pénalisation des chargeurs, via des amendes significatives en cas de non-respect des règles. Il devient clair, à la lumière des derniers incidents, d’une part que le temps de la pédagogie est révolu, et d’autre part que les compagnies se sentent aujourd’hui en position de force pour entrer dans une phase plus répressive sur ces sujets.
Chaque pièce a deux faces… Il ne faudrait pas non plus que la stigmatisation des manquements constatés du côté des chargeurs serve d’écran de fumée pour cacher les défauts d’arrimage et d’élingage de conteneurs en pontée qui relèvent de la responsabilité directe des compagnies. L’incident du APL England, qui a perdu 40 conteneurs le long des côtes australiennes en raison d’un arrimage inadéquat, vient d’apporter un exemple des défaillances qui peuvent aussi intervenir du côté des compagnies. Les rares navires porte-conteneurs à glissières de la génération précédente (classe de type OOCL Hong Kong), qui apportaient une réelle réponse à ce problème de sécurité, ont quasiment disparu. Leur abandon est principalement lié à des questions de rentabilité, puisque ce système réduisait l’espace à bord disponible et impliquait un temps additionnel pour la manutention portuaire.
Reste que ce dispositif de glissières, s’il garantissait une meilleure tenue des pontées, surtout en cas de "roulis paramétrique", n’avait aucune incidence sur le contrôle des poids et de la nature des marchandises. Sur ce point, les chargeurs sont bien en première ligne. Nous vous proposons donc un petit rappel des bonnes pratiques et obligations.
La déclaration de la MBV est une obligation du chargeur ou du metteur à bord agissant pour son compte. Ce poids MBV est une addition de 4 paramètres : le poids de la marchandise à nue, sortie d’entrepôt + le poids de son emballage et de sa palettisation éventuelle + le poids des éventuels éléments de calage à l’intérieur du conteneur + le poids du conteneur vide (tare) dans lequel ces marchandises seront empotées. Une plus stricte application s’impose, après le relâchement constaté en 2019.
Dans la pratique, et comme il est impossible de procéder systématiquement à la pesée physique de chaque conteneur plein, des écarts de 2 à 3% entre le déclaré et le constaté sont tolérés en cas de contrôle. En effet, le chargeur n’a souvent accès à la tare exacte du conteneur mis à disposition qu’au retrait du dépôt de ce dernier. Mais au-delà de 5% d’écart, il y a fort à parier que les compagnies vont commencer à facturer beaucoup plus massivement qu’elles ne le faisaient.
1 / Les matières dangereuses, pas ou mal déclarées
On devrait rentrer systématiquement dans le champ pénal pour ces cas, car il s’agit d’actes quasiment criminels. L’omission volontaire en matière de déclaration de marchandises dangereuses a déjà eu des conséquences directes en pertes de vies humaines et en capital. Des amendes très lourdes (plusieurs centaines de milliers de USD) seront maintenant systématiquement appliquées pour de tels cas, qui se sont hélas trop souvent répétés ces dernières années. Pour ne citer qu’un exemple récent, en janvier dernier, un conteneur de batteries automobiles au lithium-ion, déclarées négligemment en "auto-parts non dangereux", a été déchargé en feu d’un navire Cosco à destination de Nhava Sheva.
2 / Des déclarations trop génériques
C’est un sujet différent et plus complexe à appréhender, car commercialement sensible. Dans un grand nombre de cas, par souci de discrétion commerciale et non en raison d’une volonté de dissimulation vis-à-vis des autorités, les chargeurs évitent de se montrer trop précis dans leurs déclarations, afin de protéger leurs flux de certains "prédateurs". Ces derniers peuvent être des concurrents directs, des intermédiaires peu scrupuleux se servant de ces informations pour tenter de modifier la nature des contrats commerciaux ou de les capter, voire même des filières mafieuses.
Les compagnies, conformément à la réglementation de l’OMI, doivent trouver un bon équilibre entre le partage de l’information sur la marchandise à des fins de sécurité d’une part, et le secret des affaires qui lie une compagnie à son client d’autre part. Il s’agit évidemment d’un des gros enjeux actuels de la digitalisation et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le mouvement s’initie si tardivement dans ce secteur d’activité. Une application plus scrupuleuse des codes douaniers (HS Code), en allant peut-être au-delà des 6 premiers chiffres de la nomenclature, semble être un élément convaincant pour améliorer la situation.