Market Insights

Des perturbations en cascade dans le transport maritime de conteneurs

Rédigé par Jérôme de Ricqlès | 06 février 2024

BAROMÈTRE. L’année 2024 démarre dans un contexte perturbé pour le commerce maritime mondial, dominé par les incertitudes géopolitiques.

Depuis le mois d’octobre 2023, les Houthis yéménites mènent des attaques en Mer Rouge, qui ont conduit les compagnies maritimes à détourner une partie de leurs navires, qui contournent désormais l’Afrique par le Cap de Bonne-Espérance. Essayons de tirer ensemble un premier bilan de ce conflit.

Un facteur exogène qui n’est pas comparable à la pandémie

Les attaques des Houthis ont réussi à ébranler ponctuellement les taux de fret, en rebattant les cartes d’une année 2024 qui démarrait sans beaucoup d’atouts dans la manche des compagnies maritimes. Cependant, les troubles sont circonscrits à la mer Rouge et à la péninsule arabique pour l’instant, avec des acteurs identifiés. Nous ne sommes pas dans l’incertitude planétaire absolue qui avait frappé le marché il y a tout juste 4 ans, lors du déclenchement de la pandémie de Covid-19.

Le marché subit effectivement des secousses, mais le niveau des stocks est globalement sous contrôle et les options de contournement assez nombreuses. On ne devrait donc pas entrer dans une phase de perturbations massives comme lors de la levée des restrictions sanitaires après les confinements.

Pour les marchandises sous contrat, l’impact se traduit par un surcoût ponctuel de quelques milliers d’euros par conteneur 40’ et par des délais d’acheminement rallongés d’une quinzaine de jours. Bien sûr, cette situation est perturbante, notamment au niveau budgétaire, mais elle n’induit pas de menace grave pour la résilience des supply chains dans la plupart des cas. Beaucoup d’entreprises ont appris de la crise précédente et corrigé des stocks trop tendus.

N'en déplaise aux "cygnes noirs", il n’y a donc pas cette fois de fondamentaux objectifs pour faire de cette crise en Mer Rouge un facteur de relance de l’inflation dans les économies occidentales.

Les positions des compagnies maritimes

Les membres de THE Alliance contournent systématiquement par la route du Cap jusqu’à nouvel avis. Il en va de même pour MSC, qui est particulièrement dans le viseur des Houthis en raison de son alliance avec la compagnie israélienne Zim. Une partie des navires de CMA CGM a longtemps continué d’emprunter la mer Rouge sur l’axe Asie/Europe, escortés par la frégate Languedoc. Mais après une nouvelle attaque, la compagnie a annoncé le 2 février qu’elle suspendait à son tour le passage par la mer Rouge jusqu’à nouvel avis.

Les compagnies d’assurance jouent également un rôle clé dans le détournement du trafic. Certaines refusent tout simplement de couvrir un passage par la mer Rouge, et d’autres conditionnent la couverture du risque de guerre à une augmentation drastique de la prime d’assurance.

Les perspectives

Nous estimons que cette nouvelle crise de Suez ne devrait pas s’inscrire dans du très long terme, car aucune partie n’y a réellement intérêt. Il n’en reste pas moins qu’à ce stade, les perturbations condamnent le premier trimestre de l’année à une exploitation dégradée et plus coûteuse, qui n’était clairement pas prévue dans les budgets des chargeurs.

Très vite, deux marqueurs structurants du marché vont cependant refaire surface : la surcapacité et la situation politico-économique chinoise (...)