CMA CGM a lancé le 16 mai dernier un programme d’incitation financière destiné à favoriser le retour rapide des conteneurs. Ce dispositif déployé aux États-Unis est prévu jusqu’au 15 juillet. Il consiste à attribuer un crédit substantiel de 300 USD par conteneur 40’ import ramené vide dans les 4 jours suivant son retrait plein par le réceptionnaire.
Ce concept n’est pas forcément facile à mettre en place. J’ai tenté une démarche similaire en France dans une vie professionnelle antérieure, pour alimenter de façon ponctuelle des parcs intérieurs déficitaires, et force est de constater que la tentative s’est soldée par un échec. Pourtant, il s’agit d’un levier puissant et "gagnant-gagnant".
L’initiative de CMA CGM apporte clairement un coup de pouce au commerce américain. Elle est d’ailleurs saluée comme telle par Gene Seroka, directeur exécutif du port de Los Angeles. "Avec ce programme d'incitation, le groupe CMA CGM favorise la robustesse des flux de marchandises via le port de Los Angeles et aide les exportateurs américains à acheminer plus rapidement leurs produits vers les destinations du monde entier", se félicite le dirigeant. Difficile de trouver meilleur ambassadeur à un moment où les discussions avec les instances représentatives des dockers patinent, facteur supplémentaire de tensions sur les perspectives de fonctionnement du port.
De son côté, CMA CGM peut espérer ainsi récupérer plus rapidement des conteneurs vides pour les réinjecter sur les marchés asiatiques.
Ce sont principalement les conteneurs pleins en provenance d’Asie qui créent aujourd’hui la congestion sur les terminaux portuaires occidentaux. La situation est aggravée par les vagues successives de méga-navires à décharger, liée à la désorganisation des services. Mettre en place une incitation à récupérer rapidement ces conteneurs à quai, pour qu’ils puissent laisser leur place aux derniers déchargés, va dans le sens de la fluidité souhaitée pour retrouver une efficacité logistique.
Fin 2021, CMA CGM avait d’ailleurs déjà déployé un premier programme d’incitation, qui encourageait précisément les destinataires à venir rapidement récupérer leurs conteneurs. Le second programme, lui, répond à la nécessité de remettre le plus vite possible dans le circuit les conteneurs vides. Dans un cas comme dans l’autre, ces dispositifs sont des armes "anti-grippage" pertinentes, dignes d’être considérées.
La portée est également politique puisque CMA CGM démontre une volonté, par ce biais, de mieux servir les exportateurs américains, allant ainsi dans le sens du Shipping Act. De quoi calmer les potentielles ardeurs de la Commission maritime fédérale (FMC) contre les pratiques des compagnies maritimes...
La mesure d’accompagnement proposée par CMA CGM arrive aussi à point nommé, à l’heure où les exportations américaines renouent avec un certain dynamisme. En avril, elles sont augmentation de 3,1% par rapport au mois précédent et de 21,2% par rapport à avril 2021. Les importations sont quant à elles en hausse de 21,7% en glissement annuel mais en baisse de 5% par rapport à mars 2022. Les confinements en Chine ont pu jouer un rôle dans ce repli, qui frappe notamment les biens de consommation (-7,9%). Le but est maintenant que cette embellie à l’export se poursuive en mai et juin, parallèlement à la reprise des flux imports.
Limiter les attentes des conteneurs pleins et contribuer à l’accélération de la réutilisation des conteneurs vides va dans le bon sens. Mais il ne faut pas perdre de vue que la solution clé reste la re-métronomisation des services maritimes conteneurisés.
Sur ce dernier point, beaucoup reste à faire, mais aucune instance ne peut forcer la main aux compagnies. Ces dernières savent bien qu’une re-métronomisation brutale engendrerait de façon mécanique environ 20% de capacités mensuelles supplémentaires en espace disponible et en équipement. Les compagnies gardent un souvenir vivace du phénomène de surcapacité, qui a plombé leurs résultats financiers entre 2009 et 2019. On comprend d’autant mieux leur prudence.