Analyse Transport & Logistique

Espagne : la réforme de la gouvernance portuaire à l’ordre du jour

29 novembre 2024

Les autorités espagnoles ont lancé un processus de révision de la gouvernance portuaire. Il s’agit de remédier aux limites du système actuel et de s’adapter aux mutations observées à l’échelle internationale, et qui impactent directement l’activité portuaire espagnole.

En matière portuaire, l’Espagne occupe une place singulière en Europe. Le pays dispose de la plus grande façade maritime en Europe avec 8 000 kilomètres de côtes, si on inclut les archipels des Baléares et des Canaries. Le territoire péninsulaire s’appuie, comme en France, sur deux façades maritimes, l’Atlantique et la Méditerranée, d’où un nombre élevé de ports de commerce, dits "ports d’intérêt général" : ils sont au total 46, regroupés dans 28 autorités portuaires. L’Espagne n’a pas de ports ultra-marins comme la France mais se distingue des autres ports européens par la présence de ports dans deux archipels (Baléares et Canaries) et dans les deux enclaves espagnoles en Afrique du Nord, Ceuta et Melilla, frontalières avec le Maroc. Le nombre élevé de ports de commerce va de pair avec leur hétérogénéité, à la fois en termes de taille et de types de trafic.

Le système portuaire espagnol repose sur le modèle du port propriétaire foncier. L’autorité portuaire (AP) se concentre sur les missions régaliennes de service public, telles que la sécurité, la sûreté ou l’environnement, alors que les différents services (manutention, consignation, amarrage, remorquage, pilotage, etc.) sont confiés au secteur privé. Cette organisation a permis un doublement du trafic au cours des vingt dernières années. L’Espagne s’est par ailleurs hissée au 2è rang européen pour le trafic de conteneurs.

Les limites du modèle de gouvernance actuel

Cependant, le modèle de gouvernance portuaire espagnol commence à montrer ses limites, sous l'influence de plusieurs facteurs :

  • Le renforcement du poids des grandes compagnies maritimes internationales
  • L’apparition de nouvelles contraintes pour les autorités portuaires en termes d’investissements
  • L’émergence du phénomène des corridors logistiques

Les principaux ports espagnols plaident dont aujourd'hui pour une réforme de la gouvernance portuaire. Ils revendiquent notamment : 

  • Un assouplissement de la réglementation et une plus grande autonomie de gestion
  • Un régime différencié pour les grands ports
  • Une réforme des droits de port
  • Une présence accrue du secteur privé dans les conseils d'aministration des autorités portuaires.

Les pistes de réforme

En octobre 2018, Puertos del Estado, l'entité qui chapeaute les autorités portuaires, avait lancé le processus d’élaboration du nouveau plan stratégique du système portuaire espagnol sur la base d’une concertation avec les 28 autorités portuaires. Le document final, le "Cadre stratégique du système portuaire d’intérêt général" à l’horizon 2030, a été approuvé par le ministère des Transports en octobre 2022. 

Au lieu de présenter une proposition concrète de révision de la gouvernance portuaire, qui aurait servi de base à la discussion, Puertos del Estado a préféré fixer les grandes lignes d’une possible réforme et "lancer le débat", dans une approche basée sur la concertation avec les 28 autorités portuaires. Les "lignes d’action" sont suffisamment vagues pour permettre l’émergence de plusieurs solutions.

Le Cadre stratégique plaide pour une autonomie de gestion accrue des autorités portuaires, sans préciser en quoi consisterait la modification, qui va dans le sens des demandes des grands ports, mais ne mentionne pas pour autant un régime spécifique pour ceux-ci. Puertos del Estado souhaite maintenir un "système portuaire national" où coexistent des ports aux tailles et aux trafics différents. De même, le document estime que "les contrôles administratifs devraient être éliminés ou simplifiés" sans donner plus de précisions. Il ne prend pas position sur l’autorisation nécessaire du conseil de ministres pour les investissements supérieurs ou égaux à 12 millions d’euros.

L’organisme public en profite aussi pour mettre sur la table une idée qui lui tient à cœur depuis longtemps : la coopération inter-portuaire. Au siège de Puertos del Estado, on a suivi de près les expériences récentes à l’étranger, notamment la consolidation d’Haropa en France et la fusion Anvers-Zeebrugge. Une étude comparative approfondie sur la situation d’autres ports dans le monde est en cours. Elle devrait être finalisée au 2è semestre 2025.

Pour en savoir plus, téléchargez le livre blanc sur le projet de réforme de la gouvernance portuaire en Espagne

 

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Daniel Solano est journaliste économique. Basé en Espagne, il est spécialisé dans les questions de commerce international et de transports.
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