Le phénomène est suffisamment rare pour être souligné : en 2022, l’industrie du fret aérien n’a a priori pas connu sa traditionnelle saison haute de fin d’année. Certes, il faudra encore attendre quelques semaines pour disposer des chiffres de décembre. Mais en novembre, l’IATA constate déjà un phénomène inhabituel : la demande mondiale a régressé en glissement mensuel, avec un volume total de 20,6 milliards de tonnes-kilomètres, contre 21,0 milliards en octobre. Le frémissement constaté en octobre par rapport à septembre ne s’est donc pas confirmé.
Par ailleurs, les chiffres de novembre témoignent d’un repli de 13,7% en glissement annuel et de 10,1% par rapport au niveau pré-pandémique de novembre 2019. La chute est encore plus brutale pour le seul trafic international, en diminution de 14,2% en novembre, soit "la plus forte baisse constatée cette année en glissement annuel", indique l’IATA. Tous les grands axes sont concernés par la baisse, en données corrigées des variations saisonnières : Europe-Asie (-19,8%), Asie-Amérique du Nord (-18,7%), Moyen-Orient-Europe (-16,3%), Intra-Asie (-20,4%). L’axe Amérique du Nord-Europe résiste un peu mieux (-3,5%).
En cumul à fin novembre, l’industrie du fret aérien a enregistré un total de 229,4 milliards de tonne-kilomètres, ce qui représente une baisse de 7,4% par rapport à 2021 et de 1,5% par rapport à 2019.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA.
Pour l’instant, la situation reste relativement maîtrisée par les compagnies aériennes, qui pilotent avec prudence les capacités. En glissement annuel, l’offre globale est en diminution de 1,9% en novembre (stable à l’international). Elle reste surtout bien inférieure au niveau de novembre 2019 (-8,8% en global et -7,9% à l’international).
Cette gestion des capacités permet une bonne résistance des taux de fret, et les compagnies aériennes devraient donc engranger encore en 2022 des résultats financiers satisfaisants en matière d’activité cargo, après une très bonne année 2021.
Source : Upply
En revanche, la dégradation de la conjoncture économique va continuer à peser sur l’évolution du secteur. Tout d’abord, même si elle commence à s’atténuer un peu dans les grandes économies occidentales, notamment grâce à la diminution du prix du pétrole, l’inflation reste à des niveaux élevés et pèse sur le pouvoir d’achat des ménages et la production des entreprises. La demande globale risque donc d’être affectée.
Concernant plus spécifiquement le fret aérien, les nouvelles commandes à l'exportation restent en-dessous du seuil de 50 pour les principales économies, ce qui laisse entrevoir une certaine atonie des volumes. L'Allemagne connaît toutefois "une première amélioration de ses commandes à l'exportation depuis février 2022, qui témoigne d’une certaine normalisation après un impact de plusieurs mois de la guerre en Ukraine", précise l’IATA. Les États-Unis et la Corée enregistrent également un léger mieux.
Le fret aérien est confronté à un autre enjeu : réussir à capter ces flux, face au transport maritime conteneurisé qui offre désormais des capacités disponibles et des prix attractifs. Le différentiel de compétitivité entre les deux modes, qui s’était réduit pendant la pandémie, se creuse à nouveau. En revanche, le transport maritime est loin d’avoir retrouvé les niveaux de fiabilité attendus par le marché. Sur ce terrain et sur celui des délais d’acheminement, le fret aérien a une carte à jouer. Mais en période de stocks pleins, difficile d’en tirer parti. L’industrie du fret aérien va de nouveau devoir faire le dos rond pendant quelques mois.