Market Insights

INCOTERMS® 2020 : des évolutions mais pas de révolution

Rédigé par Jérôme de Ricqlès | 05 novembre 2019

L’édition 2020 des Incoterms®, dévoilée en septembre 2019 par la Chambre de Commerce Internationale (ICC), apporte des changements substantiels qui permettent de prendre en compte l’évolution des pratiques commerciales et des modalités de transport des marchandises. Elle contient toujours 11 Incoterms®, associés à un lieu qui doit être le plus précis possible, mais on note la disparition du DAT au profit du DPU.

Le big bang n’a pas eu lieu. Néanmoins, nous notons des évolutions profondes dans les Incoterms® 2020, qui tiennent compte de l’évolution des pratiques commerciales et principalement de la croissance de la conteneurisation et de la multimodalité dans les échanges planétaires de marchandises (dans la droite ligne des révisions de 2000 et 2010).

Le fil conducteur reste une promotion affirmée des Incoterms® à vocation multimodale. En cela, on peut dire que la "promesse" associée à cette révision décennale est remplie.

Ce qu’il faut retenir

Les Incoterms® ICC 2020, au-delà des cultures et des pratiques locales, sont un outil transverse à disposition des co-contractants à l’international.

Leur finalité est de qualifier les offres et les prix de vente internationaux, avec un maximum de clarté. Objectif : éviter ainsi des mauvaises surprises, surcoûts ou exposition à des risques non éclairés, pour chacune des parties du contrat commercial.

L’isolement des États-Unis, qui ne participent pas directement à la discussion, est malheureusement une constante qui ne change pas. Quant aux velléités "d’appropriation" des Incoterms® par les Chinois, elles ont visiblement été réfrénées.

Rappelons qu’une offre commerciale à l’international, c’est un prix de vente associé à un Incoterm® et un lieu. Plus on intègre du transport "bien" acheté dans la valeur faciale de son prix de vente, plus on rend son offre compétitive et plus on contrôle ses flux.

Ce qui change vraiment

Vous trouverez dans le tableau global ci-dessous la mise à jour synthétique tenant compte des changements majeurs entre les versions 2010 et 2020.

 

Quelques remarques personnelles

Je ne peux que me ranger du côté des très bonnes remarques faites par Michel Piquet dernièrement dans le magazine L’Antenne. Figure historique de l’Isteli, Michel Piquet a formé des générations de commissionnaires de transport aujourd’hui en activité dans des grands groupes, en France comme à l’international. En complément, voici la synthèse que nous pouvons proposer :

  • EXW (à l’usine) : cet Incoterm® est finalement maintenu, bien qu’il soit orienté transport national et souvent dévoyé dans son utilisation quotidienne. En effet, à tort, il se transforme souvent en "départ usine chargé", voire dans beaucoup de cas, "chargé et douane export faite", sur la valeur faciale du prix d’un Ex-works de base.

Ce geste commercial implicite, pas toujours bien analysé par les hiérarchies chez les chargeurs, fait partie des accords dits "locaux", souvent dans le dos des services achat des grands groupes qui supportent ainsi des frais qui ne sont pas répercutés.

La promotion, voire l’imposition du FCA (Franco Transporteur – lieu désigné), dans le cadre des ventes au départ de type entrepôt, aurait pu simplifier et mieux qualifier le process physique et sa retranscription dans le prix de vente.

  • FCA (Franco transporteur) : Promu, et mis en avant pour les ventes au départ, y compris avec un transport principal associé en maritime, il devient l’Incoterm® "tout terrain" par excellence. Sa principale caractéristique ? Une élasticité possible dans la livraison, partout entre le point de départ du flux et le terminal de départ du transport principal.

Pour la première fois, les Incoterms® 2020 ont prévu, pour la règle FCA, un mécanisme optionnel : si les parties en sont ainsi convenues dans le contrat, l’acheteur doit demander à son transporteur d’émettre un connaissement au vendeur comportant une annotation de mise à bord.

On peut toutefois émettre des doutes sur la pertinence opérationnelle de cette option. En FCA, l’usage maritime veut que les taxes de manutention au terminal (THC – Terminal Handling Charges), soient par définition à la charge de l’acheteur. Il est à ce stade illusoire de penser qu’un vendeur pourrait se faire délivrer un connaissement maritime "chargé à bord" (même si ce dernier est dématérialisé) alors que la livraison est intervenue en amont au "vu à quai" sur le terminal de départ… Rien ne prouve en effet, dans la séquence portuaire, que c’est parce qu’un conteneur est à quai sur un terminal de départ qu’il sera à bord du navire convenu….

Une prochaine révision pourrait être l’occasion de "pousser" le FCA jusqu’à la mise à bord pour le transfert de frais et de risques. Cela permettrait de coller à la réalité opérationnelle d’un conteneur export livré à bord, arrimé, au port de départ convenu, ce qui a beaucoup plus de sens pour qualifier un prix de vente export de type départ.

  • FOB (franco à bord) : Maintenu pour son usage historique et pour le fret conventionnel, il devrait, dans le cadre du conteneur, être remplacé de façon plus directive par un FCA élargi.

En effet, dans cette activité, la notion de passage du bastingage du navire, pour les transferts de frais et de risques, ne fait que polluer la compréhension du transfert.

Dans la pratique, une THC au port de chargement ne se "saucissonne" pas. C’est une prestation portuaire packagée qui intègre une unité de prestation, depuis la "réception chauffeur" du conteneur non déchargé à l’entrée du terminal portuaire de départ jusqu’à la mise à bord sur le navire désigné, conteneur arrimé, toujours au même terminal de départ.

À titre personnel, j’estime qu’il est dommage de ne pas être allé un peu plus loin dans les usages FCA et FOB. Mais je suis peut-être un peu déformé par une perception hyper multimodale du transport que j’appréhende principalement sous le prisme du conteneur maritime FCL…

  • FAS (Franco le long du navire) : son usage, strictement maritime, concerne le fret conventionnel non conteneurisé. La précision du lieu, quai désigné, bien adressé est primordiale. Là aussi un FCA adapté aurait pu faire l’économie d’un Incoterm® très ancien et déjà en voie de marginalisation depuis les deux dernières révisions. Qui a vu passer un contrat commercial FAS dernièrement, en tout cas en France ?
  • Le DPU (rendu au lieu de destination déchargé) : ce nouvel Incoterm® se substitue au DAT. Il peut s’interpréter dans une logique d’élasticité et de liberté laissée aux co-contractants de faire intervenir le transfert de frais et de risque dans le cadre de la chaîne de post-acheminement, marchandise déchargée. Il est intéressant et cohérent dans une lecture en miroir vis-à-vis d’un FCA, lui aussi mis en avant.

NOTA BENE

Plus que jamais, avec la mise en avant généralisée des Incoterms® multimodaux et la multiplication des terminaux, associer uniquement un nom de ville à un Incoterm® ne suffit plus. Il convient, en plus de la ville, de mentionner des adresses exactes, voire des numéros de quai et des points GPS sans oublier les ZIP codes internationaux et / ou codes LOCODES (UNCTAD) associés. Cette rigueur est incontournable pour faciliter la digitalisation de ces points de ruptures contractuels.

Captain Upply