Market Insights

La carte vérité des hinterlands dominants pour les conteneurs maritimes

Rédigé par Jérôme de Ricqlès | 04 juillet 2019

Captain Upply vous propose une plongée dans les hinterlands des principaux ports français. Cet exercice, basé sur 30 ans d’expérience professionnelle pour divers opérateurs maritimes à Paris, à Marseille et au Havre, a pour but d’illustrer la réalité quotidienne du transport routier de conteneurs sur notre territoire national.

Préambule

Nous parlons d’hinterlands "dominants" en raisonnant sur des masses. Les lignes de délimitations sont par nature mouvantes, en fonction des évolutions des offres portuaires environnantes, des dépôts intérieurs à conteneurs actifs et du caractère d’urgence des marchandises à transporter.

Cet exercice n’intègre pas le combiné route avec du ferroviaire et du fluvial, réel vecteur de pénétration dans des hinterlands voisins. La modification des hinterlands par le combiné fera l’objets d’une publication ultérieure dans le cadre de l’étude des transports combinés de conteneurs.

Aujourd’hui, et certains diront à regret, la route représente 82% du transport "inland" de conteneurs, toujours dans cette approche générale en masse. C’est donc, qu’on le souhaite ou non, le mode de transport incontournable pour les pré ou post-acheminements terrestres des conteneurs maritimes.

Un mot sur le port Dunkerque, qui se retrouve dans cet exercice, "intégré de force" dans l’hinterland de Anvers et Rotterdam. Cette simplification dans la présentation ne doit pas masquer les avancées récentes significatives de ce port dans une logique de proximité vis-à-vis des grands acteurs industriels et surtout retail des Hauts-de-France.

NB : Cette carte est le fruit de 30 ans d'expérience professionnelle en matière de carrier haulage maritime. Ces lignes sont par nature mouvantes et concernent 80% des volumes routiers. Certaines offres spécifiques au départ de certains ports ou bien des caractères d'urgences particulières liées à la marchandise justifient de s'en affranchir, même si ce n'est pas la norme. 

1/ LE HAVRE

Cet hinterland peut dérouter à première vue avec une limite nord très proche, qui s’explique par la puissance et la compétitivité des ports du Bénélux. À la lecture de cette carte, on comprend mieux pourquoi la place havraise a toujours été si méfiante vis-à-vis de la pénétrante représentée par le projet de Canal Seine Nord….

Paris et l’Ile-de-France restent le "cœur du réacteur" de l’hinterland havrais. C’est la zone vitale - on pourrait presque dire non négociable - au regard des investissements havrais dans Port 2000 et dans la réforme portuaire.

À l’Est, la Champagne est en effet un point de rupture matérialisé par des équivalences de tarifs via les ports du Nord et Le Havre. Le port qui offre la meilleure qualité de service et la palette la plus large de départs rafle souvent la mise pour les trafics soumis à empotage sur site.

Nous en profitons au passage pour signaler que dans le secteur des vins et spiritueux, les consolidations et empotages portuaires sont en forte progression, ce qui rend plus flou ces points de ruptures dans les régions viticoles. Les vins et spiritueux sont, rappelons-le, la première marchandise conteneurisée exportée via le Havre, avec plus de 100.000 TEU par an.

Lyon n’est pas pertinent financièrement en tout route par rapport à Marseille-Fos puisque le prix de traction est environ le double. En revanche, en rail-route, c’est une toute autre histoire…

Le Grand Ouest descend quant à lui sur toute la façade Aquitaine. De nombreuses options existent, autres que purement routières, pour couvrir ce vaste territoire. Bordeaux, La Rochelle, Nantes Montoir et Brest pour le conteneur sont des ports de feedering, reliés nautiquement au Havre (sauf exceptions du type service direct Antilles à Montoir).

2/ MARSEILLE FOS

Le Grand Lyon est à Fos-sur-Mer ce que la région parisienne est au Havre : un poumon indispensable à la bonne respiration du port.

On note toujours aussi une position forte de Toulouse pour Fos, malgré les tentatives de conquêtes espagnoles via Barcelone.

Pour les départements des Pyrénées-Orientales (66) et celui des Alpes-Maritimes (06), la vigilance s’impose compte tenu de l’attractivité de Barcelone et Gênes qui sont toujours des ports ambitieux, même si le drame du Pont Morandi à Gênes en août 2018 a momentanément permit à Fos de reprendre un peu de terrain dans les Alpes-Maritimes.

3/ ANVERS ET ROTTERDAM

Une puissance de feu difficile à contrer en matière d’offre et une position centrale au carrefour des économies développées européennes font des ports d' Anvers et Rotterdam des acteurs incontournables du marché, avec une offre de travail en 24/24 7/7.

Pour l’économie allemande, ces deux ports sont devenus incontournables, surtout Rotterdam qui draine une bonne partie de des flux du Nord-Ouest de l’Allemagne.

La France reste pour le Bénélux une variable d’ajustement significative, mais pas vitale… sauf pour sa composante rhénane.

Tant que l’accès à Paris et à la région parisienne n’est pas facilité, l’équilibre actuel doit pouvoir être maintenu (défensivement, il est vrai…). Toute la problématique peut basculer effectivement rapidement avec une réalité Canal Seine Nord haut débit tangible (à horizon 10 ans).

Le flop relatif de Zeebrugge constaté actuellement, suite à une concurrence frontale dans le conteneur avec Anvers et Rotterdam, est à garder sous la loupe. Ce port reste un bien bel outil bien adapté aux VLCS. Si j’étais chinois, en ces temps de route de la Soie, j’y regarderais à 2 fois. Certains posent d’ailleurs déjà leurs jalons. En octobre 2018, le groupe chinois Lingang a signé un protocole d’accord pour la construction d’un parc logistique de 30 hectares

Captain Upply

 

Crédit photo : @Anne Kerriou