Un terminal à conteneurs a besoin de visibilité pour planifier efficacement l’organisation du travail et de ses équipes. Mais force est de constater qu’aujourd’hui, la "métronomisation" de l’activité, sur la base de services maritimes hebdomadaires et d’escales permettant de prévoir des fenêtres de travail pré-formatées, n’est plus qu’un lointain souvenir. Depuis le début de la pandémie, la désorganisation et les modifications des horaires des lignes maritimes atteignent des sommets.
La réalité du terrain, c’est ordre, contre-ordre, désordre. Les services "booking" des compagnies maritimes s’échinent à faire et défaire les navires avec une abnégation et une résilience admirable pour satisfaire au mieux les clients dans ce contexte opérationnel tendu. Saluons d’ailleurs au passage cette corporation des travailleurs de l’ombre, et leurs homologues commissionnaires portuaires. Par ricochet, les manutentionnaires doivent composer avec des plannings "évolutifs" et disposent de très peu de préavis pour "monter et démonter" les navires.
Cette situation est d’autant plus intenable que la généralisation des porte-conteneurs géants induit par nature beaucoup plus d’anticipation dans le travail pour gérer la place à quai ou encore le nombre de portiques et d’équipes à mobiliser. Résultat de la désorganisation : les ports étouffent et la situation sociale se tend. Le port de Los Angeles ne désemplit pas, les dockers du port de Montréal ont déclenché une grève, et côté européen, Rotterdam risque de devoir faire face à l’afflux brutal des navires qui étaient restés bloqués suite à l’échouement de l’Ever Given dans le canal de Suez.
L’actuel rapport de force favorable aux compagnies maritimes ne doit pas cacher ce risque social bien réel, qui pourrait venir aggraver le chaos. Les manutentionnaires portuaires sont les premiers fournisseurs des compagnies maritimes. Les contrats de manutention sont remis sur le marché par appel d’offre, en principe avec une fréquence quinquennale. En Europe, beaucoup d’entre eux arrivent bientôt à échéance. Alors que les compagnies maritimes parviennent à maintenir depuis plusieurs mois des taux de fret élevés, il serait assez logique que les manutentionnaires, en qualité de partenaires privilégiés, viennent réclamer leur part du gâteau.