Même les directeurs Supply Chain les plus chevronnés doivent sombrer en ce moment dans une forme de fatalisme, tant le pilotage des chaînes logistiques internationales n’a plus de pilotage que le nom. Aujourd’hui, l’exercice consiste avant tout à composer avec l’océan d’aléas qui caractérise la période. Et force est constater que le retour à une certaine forme de cohérence d’ensemble s’éloigne encore et encore.
"Les importateurs font désormais venir les marchandises en anticipation de la demande et non plus en juste à temps, ce qui induit un afflux de boîtes qui stationnent dans le port", soulignait récemment l’excellent Gene Seroka, directeur exécutif du port de Los Angeles. Quelle lucidité ! Au-delà du sens brillant de la formule, les incertitudes tous azimuts poussent à reconstituer des stocks à des niveaux pour lesquels un Supply Chain Manager se serait fait remercier avec pertes et fracas il y a encore trois ans. Le monde change vite.
Les compagnies maritimes semblent avoir gagné durablement la partie. Les taux contractuels de long terme se rapprochent dangereusement des prix FAK spot, ce qui procure un effet de levier encore plus rémunérateur sur le panier moyen. La capacité reste archi maîtrisée, et les risques d’une régulation externe sur les prix et les services s’éloignent.
A priori, les compagnies peuvent donc compter sur des fondamentaux solides pour viser un triplement des résultats 2022 par rapport à 2021, malgré un tassement des volumes. De quoi dégager les moyens de satisfaire les attentes de Bruxelles en matière de verdissement.
Alors que "l’aventure maritime" n’a jamais aussi bien porté son nom, la revalorisation sans précédent de l’économie maritime conteneurisée place plus que jamais les compagnies en position d’arbitres.
C’est un changement de paradigme assez fondamental. Jusqu’à présent, le transport maritime conteneurisé était perçu comme une prestation secondaire et bon marché, au service des politiques de mondialisation des grands groupes. Désormais, il faudra intégrer ce paramètre dans les arbitrages pour évaluer la faisabilité et la pertinence des échanges planétaires.