La nomination de Søren Toft chez MSC, avec la bénédiction de la famille Aponte, fait du bruit dans le petit monde de la ligne maritime conteneurisée. L’ambition est affichée dans le communiqué annonçant l’arrivée de l’ancien COO de Maersk : faire en sorte que MSC reste dans le cercle très fermé des leaders mondiaux dans les années qui viennent.
Ce transfuge intervient entre deux partenaires, puisque Maersk et MSC sont associées dans l’alliance M2. Au départ, en juin 2013, Maersk et MSC avaient fondé avec CMA CGM l’alliance P3. Mais un an après, en juin 2014, la Chine a douché leurs ambitions. Résultat, en juillet 2015, Maersk et MSC ont lancé l’alliance 2M sur la base d’un contrat de 10 ans, poussant CMA CGM dans les bras d’intérêts non-européens, au sein de l’Ocean Alliance.
En termes de capacités offertes, l’alliance M2 est passée d’une part de 28% en décembre 2015 à 33,7% aujourd’hui, selon les chiffres d’Alphaliner. Les performances enregistrées depuis 4 ans en ont fait un modèle de référence pour l’industrie. Ces deux géants ont montré au marché leur capacité à repousser leurs limites en combinant positivement leurs efforts pour le plus grand bénéfice de la nouvelle alliance.
La nomination de Søren Toft, avec sa résonance "père-fils", intervient à point nommé pour permettre à l’alliance M2 d’entamer une nouvelle phase, dans une période marquée par une grande discrétion DE MSC sur le marché depuis six mois.
Comme beaucoup, j’ai récemment apprécié le film Le Mans 66, qui livre une description fidèle et précise de la relation historique entre Ford et Ferrari. Et je ne peux m’empêcher d’y repérer des similitudes avec notre sujet d’aujourd’hui, voyant en Søren Skou un Henry Ford 2, en Soren Toft un Lee Laccoca et en Gianluigi Aponte le "Commandatore" Ferrari lui-même. D’un côté, Ford et Maersk, avec leurs logos bleus et leur structure commandée par les process, la rigueur, et la croissance externe. De l’autre, chez Ferrari, un cheval sauvage qui a "gagné toutes les courses" pendant près de 2 décennies tout comme MSC s’est hissé dans les premiers mondiaux, avec des méthodes diamétralement opposées.
Si l’histoire se répète, et c’est souvent le cas, je ne serais pas surpris de voir des intérêts extérieurs à Maersk et MSC à s’inviter dans le jeu (pourquoi pas Chinois…), à la manière de Fiat qui a finalement pris le contrôle de Ferrari , Ford ayant servi de lièvre dans la bataille Ford/Ferrari des années 60.
Je suis absolument convaincu que MSC va rester une marque phare dans l’avenir, tout comme Ferrari l’est encore aujourd’hui. Mais la clef de cet avenir se trouvera dans l’évolution du contrôle du capital par la famille au cours des générations.
L’industrie de la ligne maritime conteneurisée ne peut pas se permettre de rester statique, en ces temps de faible rentabilité, avec en toile de fonds des ambitions chinoises grandissantes. L’apparente stabilité constatée depuis 2 ans, sur un marché désormais hautement concentré, ne doit pas masquer, selon moi, les batailles en cours dans les coulisses.
L’autre annonce surprise et concomitante, qui n’était pas attendue si tôt dans le calendrier, est venue de Bruxelles, qui propose de proroger de 4 ans les Consortia Block exemptions (BER). Cette décision peut être interprétée comme une réponse européenne et atlantiste pour prendre de vitesse une offensive chinoise qui avance maintenant au grand jour.
Captain Upply