En ce mois d’avril 2023, le marché de la ligne maritime conteneurisée a retenu son souffle. La dégringolade des taux de fret spot sur les axes Asie/Europe et Asie/US s’est arrêtée. Le pire semble avoir été évité, au moins momentanément, avec des contrats annuels Asie/Nord Europe qui se signent entre 1 600 et 2 000 USD/40’. Ces tarifs doivent permettre aux compagnies maritimes de garder tout juste la tête hors de l’eau en termes de rentabilité, mais sans grande marge de manœuvre en cas d’imprévu brutal.
Ce que l’on retiendra aussi de ce mois d’avril, alors que l’agitation se calme, c’est un certain retour aux fondamentaux. Pour les supply chain managers des entreprises exportatrices et importatrices occidentales, un délai d’acheminement fiable est évidemment le socle d’une organisation logistique réussie. À la lumière des aléas des trois dernières années, l’heure est à la reconfiguration des schémas logistiques, sur la base de "lead times" qui intègrent maintenant, même si c’est à la marge, des options de nearshoring. Cela permet de faire baisser les niveaux de stock et remonter les indices de confiance sur les délais d’approvisionnement globaux, parfois même en diminuant les coûts. On le constate par exemple dans l’industrie textile.
Après un effet de sidération qui a duré deux ans, le retour d’expérience de la période pandémique produit donc ses effets, avec des solutions pragmatiques faisant la chasse aux aléas. Au passage, cette reconfiguration est l’occasion de verdir les chaînes logistiques, alors que l’étau réglementaire se resserre.
Pas à pas, prudemment, les niveaux de stock se normalisent, ce qui laisse entrevoir une demande mieux orientée pour le deuxième semestre. Toutefois, la reprise sera probablement moins forte et moins rapide que ce qu’anticipaient les compagnies maritimes dans leurs business plans 2023 initiaux.
Alors que les prix de l’énergie et des matières premières alimentaires sur les marchés convergent vers les niveaux pré-pandémiques, la répercussion de la baisse tarde à se manifester dans les réseaux de distribution.
Autre paradoxe relevé une nouvelle fois en avril : la concomitance d’une certaine forme de normalisation sur les marchés et d’un accroissement bien palpable des tensions géopolitiques globales.
Au-delà de l’état du marché et de l’évolution au quotidien des taux de fret, ces questions pèsent sur la tête des acteurs du transport maritime conteneurisé comme une épée de Damoclès. Les tensions peuvent s’inviter à tout instant dans les échanges, avec des effets potentiellement encore plus dévastateurs que la pandémie. La diversification du sourcing et les options de nearshoring au moins partiel n’en ont que plus de pertinence (...)