Début 2020, alors que la nouvelle réglementation de l’Organisation maritime internationale imposant de nouvelles normes d’émissions d’oxyde de soufre venait tout juste de se mettre en place, la question de la répercussion des surcoûts était sur toutes les lèvres. Deux options s’offraient aux compagnies maritimes : équiper les navires de scrubbers, un dispositif d'épuration qui repose sur le lavage à l'eau des gaz d'échappement, ou recourir à un carburant maritime à faible teneur en soufre (VLSFO, MGO).
Fin 2019, le prix de ce type de carburant "propre" a flambé, atteignant environ 700 dollars la tonne. Mais au printemps 2020, la crise du Covid, en réduisant la demande de pétrole dans le monde, a fait tomber les prix aux alentours de 320 USD la tonne contre 370 USD pour le fuel lourd (IFO 380). Cette rente de situation ponctuelle a d’ailleurs grandement contribué à embellir les résultats financiers des compagnies maritimes. Elles ont profité d’un double effet vertueux : une baisse des coûts fixes combinée à une augmentation massive des taux de fret, particulièrement pour celles qui n’ont pas eu à supporter l’amortissement de ces scrubbers.
Nous assistons actuellement à un retournement de situation en faveur des compagnies qui ont fait le choix d’équiper un prorata important de leur flotte de scrubbers, MSC en tête.
Profitant d’un écart de 150 USD la tonne au profit du carburant lourd, et peut-être d’un petit relâchement des contrôles portuaires pour cause de Covid, les navires équipés de scrubbers sont en train de prendre leur revanche sur le terrain de la rentabilité d’exploitation au voyage. Il sera intéressant de voir si les compagnies maritimes qui les utilisent massivement en feront un argument commercial pour répondre positivement aux attentes de chargeurs confrontés à des taux de fret extrêmement élevés.
Il est permis d’en douter, car cela reviendrait à privilégier un outil qui n’a pas une très bonne réputation. La technologie scrubber, avec le système "open loop" le plus utilisé à ce jour, induit un déplacement des rejets de l’air vers la mer. Elle a d’ailleurs été montrée du doigt par les lobbies environnementaux, qui n’ont pas hésité à qualifier de "cheater device" ou "solution pour les tricheurs" ce choix technique permettant la conformité avec les règles d’émissions dans l’air IMO 2020.
Les compagnies ne vont pas tendre le bâton pour se faire battre. Il est plus probable qu’elles capitalisent sur ce gain au titre du retour sur investissement et soient fortement tentées de suivre le mouvement général du marché, qui consiste à annoncer l’instauration de nouvelles surcharges combustibles généralisées.
> LIRE AUSSI : Les solutions techniques pour verdir le transport maritime