INFOGRAPHIES. Le transport routier de marchandises européen a décliné en 2023, à l’image de l’économie en général. Cette baisse se répercute sur la quasi-totalité des pavillons.
L’activité de transport routier de marchandises a régressé de 3,2% dans l’Union européenne en 2023, selon le dernier bilan statistique d’Eurostat. Avec un total de 1 857 milliards de tonnes-kilomètres transportées (Md tkm), la croissance n’est plus que de 2,4% par rapport au niveau pré-pandémique de 2019.
Le trafic exprimé en tonnage décline encore davantage : les transporteurs routiers de l’UE ont acheminé 13,117 milliards de tonnes en 2023, soit une baisse de 3,4% par rapport à 2022 et de 3,2% par rapport au niveau de 2019.
1/ Les principaux pavillons européens
Source des données : Eurostat - © Upply
En 2023, le Top 10 représente près de 83% du trafic global de l’Union européenne exprimé en tonnes-kilomètres. Il se compose des mêmes pays qu’en 2022, mais l’on constate des changements dans la deuxième moitié du classement. La République tchèque et les Pays-Bas perdent chacun une place, au profit de la Roumanie et de la Lituanie. La tendance de long terme montre un léger phénomène de concentration puisqu’en 2014, les pavillons routiers du Top 10 s’octroyaient 80,2% du trafic exprimé en tonnes-kilomètres, soit 2,7 points de moins qu’en 2023.
- Top 5 : l’Allemagne et la France en perte de vitesse
Le Top 5, dont l’ordre reste inchangé en 2023 par rapport à 2022, s’arroge à lui seul 67% du trafic. Les pavillons de ce top 5 sont les mêmes qu’il y a dix ans, mais avec des évolutions contrastées :
- La Pologne a enregistré une baisse d’activité de 1,9% en 2023, subissant notamment le contrecoup des difficultés de l’économie allemande. Cependant, compte tenu du déclin encore plus prononcé du pavillon allemand, elle est désormais le seul pays qui dépasse la barre des 300 milliards de tonnes kilomètres. En dix ans, la part de marché du pavillon polonais a progressé de 4,5 points de pourcentage.
- L’Allemagne, ancien n°1 du marché détrôné en 2017 par la Pologne, avait brièvement reconquis son titre en 2018, avant de le perdre à nouveau en 2019. Depuis l’écart n’a fait que se creuser avec la Pologne. En 2023, l’activité des transporteurs routiers allemands a chuté de 5,8%, ce qui constitue le plus fort repli du Top 5. Le climat économique a pesé lourd : le PIB de l’Allemagne s’est contracté de 0,2% en données brutes. En 10 ans, le pavillon allemand a perdu 4,2 points de parts de marché.
- L’Espagne n’a pas échappé au déclin, dans un contexte de faible croissance économique en Europe, mais l’érosion reste limitée. L’écart se resserre avec l’Allemagne. En 10 ans, le pavillon espagnol a gagné des parts de marché (1,8 point).
- La France est à la peine, même si elle s’en sort un peu mieux que l’Allemagne. Le pavillon français a connu une diminution de 2,4% à 169,2 milliards de tkm, ce qui représente le niveau le plus bas depuis 2017. En 2020, au plus fort de la pandémie de Covid et des confinements, le trafic avait atteint 169,6 Md de tkm. La part de marché du pavillon français s’établit à 9,1%, en diminution de 1,3 points par rapport à 2014.
- L’Italie, après deux très bonnes années, connaît un coup de frein assez brutal, avec un repli de 3,9%. L’activité se situe néanmoins au-dessus des niveaux prépandémiques. Par ailleurs, la tendance de long terme montre un gain de part de marché de 0,4 point.
Si tous les pays du Top 5 accusent une baisse du trafic réalisé par les transporteurs de leur pavillon national en 2023, la situation est plus contrastée dans la suite du classement. En lien avec le marasme économique général, qui a pesé sur le commerce international de l’Europe, les transporteurs des Pays-Bas ont connu un repli significatif de 4,4%. Le pavillon suédois, qui ferme la marche du Top 10, enregistre quant à lui la plus forte chute du Top 10 (-11,5%), ce qui s’explique notamment par la mauvaise santé de l’économie suédoise, qui est entrée en récession en 2023 (-0,2%).
- L’appétit féroce du pavillon lituanien
Parmi les trois pays de l’Est présent dans le Top 10, la Lituanie se distingue par son exceptionnelle croissance de 17,3%. Clairement engagé dans une conquête de part de marché, le pays a connu une ascension fulgurante, passant de la 15è place européenne en 2014 à la 8è en 2023. Le pavillon lituanien fait désormais quasiment jeu égal, en termes de parts de marché, avec deux pavillons des pays de l’Est qui avaient entamé plus tôt leur stratégie de développement sur le marché européen : la République tchèque et la Roumanie. Il gagne d’ailleurs des parts de marché au détriment des pays des pavillons des pays d’Europe de l’Ouest, mais aussi d’Europe de l’Est.
La Roumanie tire toujours son épingle du jeu, malgré une croissance modérée en 2023, le pavillon roumain a connu une forte progression en 10 ans, avec une part de marché qui est passée de 2,2% à 3,5%. En revanche, le pavillon tchèque enregistre une quasi-stagnation de sa part de marché.
- Des volumes qui racontent la panne de l’économie européenne
Source des données : Eurostat - © Upply
En termes de tonnage, au sein du Top 5, le repli est particulièrement significatif pour les transporteurs allemands et français. L’Italie et la Pologne ont connu une érosion limitée, tandis que le pavillon espagnol résiste particulièrement bien puisqu’il est le seul du Top 10 à afficher une croissance en termes de tonnages transportés.
2/ Le transport routier national
Source des données : Eurostat - © Upply
Après avoir enregistré une légère baisse de 0,1% en 2022, le transport routier national[1], qui représente 61,3% de l’activité globale dans l’Union européenne, a poursuivi sa chute. Il a diminué de 3,3% en 2023, à 1 138 milliards de tonnes-kilomètres. Le Top 5 représente 75% des volumes. On y retrouve traditionnellement les grandes économies européennes, qui ont un marché de production et de consommation important.
Les résultats de ce Top 5 reflètent le ralentissement net de l’économie européenne en 2023. Les pavillons allemands et français sont particulièrement touchés, avec un trafic national inférieur au niveau pré-pandémique de 2019, en tonnes-kilomètres et en tonnage.
- L’Allemagne reste largement en tête, le pays restant la plus grande économie européenne malgré ses difficultés actuelles. Cependant, après avoir déjà baissé de 1,3% en 2022, le trafic national du pavillon allemand décline à nouveau de 5,6% en 2023 par rapport à l’année précédente et reste bien en-deçà des niveaux pré-pandémiques. En tonnage, la chute s’élève à -6,7% par rapport à 2022 et -10,9% par rapport au niveau pré-pandémique de 2019.
- L’Espagne a bénéficié des performances de son économie, nettement supérieures à la moyenne européenne. Cela lui a tout juste permis d’échapper au déclin (+0,1%), contrairement à ses homologues du Top 5. Le trafic exprimé en tonnes-km est aussi en croissance de 7,4% par rapport à 2019. En tonnage, le pavillon espagnol a enregistré une hausse de 1,3% en 2023 par rapport à 2022 sur ce segment du trafic national. Il est là encore le seul du Top 5 à afficher une progression.
- La France semble avoir atteint un plafond depuis 5 ans, aux alentours des 160 milliards de tonnes kilomètres. Sur le marché national, le pavillon français a subi une baisse de 2% en 2023 par rapport à l’année précédente, et de 3,2% par rapport à 2019. Le déclin en tonnes est encore plus prononcé, avec un recul de 5,2% par rapport à 2022 et de 5,7% par rapport à 2019.
- La Pologne, pour la première fois depuis 2018, a vécu une baisse en termes de tonnes-kilomètres transportées en 2023 (-3,7%), mais aussi en tonnage (-1%). Mais si l’on compare à 2019, l’activité est en hausse de 12,9% en tonnes-km et de 4,5% en tonnes.
- En Italie, enfin, l’érosion atteint -2,6% en tonnes-km et -0,1% en tonnes en glissement annuel. Mais comme pour l’Espagne et la Pologne, l’activité reste supérieure au niveau de 2019 (+5,2% en tkm et +6,4% en tonnes).
3/ Le transport routier international
Source des données : Eurostat - © Upply
Le transport routier international[2] de l’UE-27 représente 719,1 milliards de tonnes-kilomètres en 2023, en repli de 3% par rapport à l’année précédente. Le Top 5 représente 64,8% des flux, contre 60,7% en 2019.
- La Pologne domine le marché du transport routier international avec une large avance, mais enregistre un repli de 0,8% en 2023 après une stagnation en 2022. Il est évident que les difficultés de son principal partenaire, l’Allemagne, pèsent dans la balance. Mais on peut y voir aussi l’impact de la montée en puissance du pavillon lituanien, premier pavillon étranger sur l’axe Allemagne-Pologne. Pour le pavillon polonais, le trafic international de marchandises chargées ou déchargées en Pologne a diminué de 1,6% (143,3 Md tkm) et le cabotage de 0,3%, tandis que l’activité de cross-trade[3] a progressé de 0,4%.
- L’Espagne doit incontestablement la bonne performance globale de son pavillon routier au dynamisme de son économie, qui a soutenu l’activité nationale. À l’international, le trafic a régressé de 4% ce qui n’est guère surprenant compte tenu de la faible croissance en 2023 des deux principaux partenaires européens de l’Espagne, l’Allemagne et la France.
- Le pavillon lituanien, en revanche, repart de plus belle après un trou d’air en 2022. Le trafic international a augmenté 16,5% l’an dernier, dopé par une activité de cross-trade en hausse de 19% à 41,2 Md de tkm et une activité de cabotage en augmentation de 20% à 6,8 Md de tkm.
- La Roumanie grignote également un peu de terrain, avec une croissance de 1,4% en 2023 en glissement annuel. Elle le doit notamment à l’augmentation du trafic international de marchandises chargées ou déchargées en Roumanie (+2,3%). Comme la plupart des économies européennes, l’économie roumaine a ralenti en 2023 mais avec cependant une performance supérieure à la moyenne puisque le PIB a progressé de 2,1%, ce qui a profité aux échanges commerciaux.
- Le pavillon tchèque, enfin, intègre le Top 5, au détriment du pavillon allemand. Il progresse de 3,3% sur ce segment du transport international en 2023, en raison d’une très forte hausse de l’activité de cross-trade (+31% à 7,3 Md de tkm) et du cabotage (+18% à 1,3 Md tkm). Le trafic international de marchandises chargées ou déchargées en République tchèque a en revanche chuté de 2,8%, à 27,6 Md de tkm.
Le pavillon allemand occupe donc désormais la 6è place sur le marché international, l’Espagne restant le dernier représentant d’Europe de l’Ouest dans le Top 5. Le marché allemand reste pourtant le principal "gâteau" européen puisque comme l’an dernier, ce pays est à l’origine de près de la moitié des 20 principaux flux de pays à pays en 2023, exprimés en tonnes.
Source des données : Eurostat
Le détail par ligne permet de mieux cerner la puissance du pavillon polonais, et globalement des pavillons des pays de l’Est. Dans le Top 5 des liaisons intra-européennes, la part de marché des transporteurs autres que ceux du pays d’origine et de destination ne cesse de se renforcer.
Le pavillon polonais a clairement plié le match face à ses homologues d’Europe de l’Ouest. Mais il voit désormais grandir les ambitions de ses voisins de l’Est et en particulier de la Lituanie. Ce pavillon ne bénéficie pas d’une même proximité géographique par rapport au barycentre européen, et il ne peut pas non plus compter sur un marché domestique aussi puissant que la Pologne pour nourrir son activité. Mais il peut venir titiller le géant polonais sur certains marchés.
[1] Le transport national est un transport routier entre deux lieux (un lieu de chargement et un lieu de déchargement) situés dans le même pays par un véhicule immatriculé dans ce pays.
[2] Le transport international comprend le transport routier entre deux lieux (un lieu de chargement et un lieu de déchargement) dans deux pays différents et le cabotage par route. Il peut comporter un transit par un ou plusieurs pays supplémentaires.
[3] L’activité cross-trade correspond à un transport routier international entre deux pays différents effectué par un véhicule routier immatriculé dans un pays tiers. Ce transport est déclaré par le pays dans lequel le véhicule est immatriculé.