Le trafic mondial de fret aérien a augmenté de 2,2% en mai en glissement annuel. Les effets de la guerre commerciale se font désormais clairement sentir, notamment entre l’Asie et l’Amérique du Nord.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic de mai 2025
Selon l’Association du transport aérien international (IATA), le trafic mondial de fret aérien exprimé en tonnes-kilomètres a augmenté de 2,2% en glissement annuel au mois de mai, ce qui représente un net ralentissement par rapport aux +5,8% du mois précédent. Les volumes ont d’ailleurs diminué de 1% en glissement mensuel en données corrigées des variations saisonnières. Ils s’élèvent ainsi à environ 22,7 milliards de tonnes-kilomètres, selon nos estimations.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Les tendances du mois de mai témoignent de l’impact de la politique commerciale américaine sur l’industrie mondiale du fret aérien. La perspective de taxes douanières alourdies a provoqué les mois précédents une anticipation des commandes qui prend désormais fin. À cela s’ajoute la suppression de l’exemption des droits de douane sur les colis d’une valeur inférieure à 800 USD. Ces expéditions étaient essentiellement acheminées par voie aérienne, et l’impact est donc sensible.
Le trafic en provenance et à destination des États-Unis a connu un repli significatif, dont ont particulièrement souffert les compagnies nord-américaines, qui enregistrent une diminution de leur trafic cargo de 5,8% en glissement annuel et de 10% en glissement mensuel. Le corridor Asie-Amérique du Nord a été fortement touché par la fin de l'exemption tarifaire de minimis à compter du 2 mai 2025. Les flux commerciaux ont chuté de 10,7 % en glissement annuel sur cette route, ce qui représente une baisse de 12,3 points de pourcentage par rapport à avril 2025.
En revanche, le corridor Asie-Europe a enregistré une hausse de 13,4 % en glissement annuel (YoY) et de 2,3 points de pourcentage par rapport à avril, ce qui peut s’expliquer par une réorientation des flux en réponse aux nouvelles barrières tarifaires américaines. Les routes Moyen-Orient / Europe et Moyen-Orient / Asie ont également enregistré des résultats satisfaisants : la première a gagné 3,9 points de pourcentage par rapport à avril tout comme la seconde. La reconfiguration des routes logistiques mondiales semble conforter le rôle de hub stratégique de cette région. Les flux intra-asiatiques restent dynamiques avec une croissance de 9,1% en glissement annuel, même si un léger repli de 0,8 point est perceptible en glissement mensuel.
Enfin, le corridor Asie-Afrique n’a pas confirmé le rebond constaté en avril après six mois de déclin. Au mois de mai, il enregistre un repli de 14,6% en glissement annuel, et de 6,2 points de pourcentage en glissement mensuel.
- Cumul annuel à fin mai 2025
Le rebond d’activité des mois de mars et avril reste suffisant pour que l’industrie du fret aérien enregistre toujours un trafic en croissance en cumul annuel. L’augmentation des volumes est sensiblement en ligne avec celle des capacités.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Capacités
La capacité mondiale de fret aérien a augmenté de 2% en mai en glissement annuel au niveau global, et de 2,6% sur les lignes internationales. Elle franchit ainsi un nouveau record, avec un total de 52,6 milliards de tonnes-kilomètres offertes en mai 2025.
Cette augmentation est liée à la hausse des capacités disponible à bord des avions de passagers, les compagnies ayant tendance à étoffer leurs programmes de vols à l’approche de la saison estivale. L’offre cargo disponible en soute des avions passagers a ainsi progressé de 5,8% en glissement annuel et de 5,5% en glissement mensuel au mois de mai. À l’inverse, les capacités disponibles à bord des avions tout cargo ont diminué de 1,2% en glissement annuel et de 3,8% en glissement mensuel. Cela montre que les compagnies aériennes ont réagi à la chute du trafic, notamment sur le corridor Asie-Amérique du Nord.
2/ L’évolution des prix
En mai, le prix du kérosène a enregistré un repli de 18,8% en glissement annuel et de 4,3% en glissement mensuel, ce qui correspond à la quatrième baisse mensuelle consécutive. Cette chute des prix du carburant, associée au repli important de la demande sur le corridor transpacifique, a un effet sur les taux de fret. Après deux mois de hausse, en raison du rush de la demande avant l’introduction de droits de douane additionnels, la recette unitaire moyenne a diminué de 2,9% en glissement annuel et de 3,7% en glissement mensuel au mois de mai.
Les données Upply montrent cependant une résistance des prix sur l’axe Europe/Amérique du Nord Côte Est, qui s’explique très probablement par un effet d’anticipation des commandes avant une éventuelle réintroduction massive de droits de douane. Par ailleurs, le repli reste limité sur l’axe Asie-Europe, qui reste encore dynamique en termes de volumes.
Source : Upply Freight Index
3/ Les perspectives
L’évolution de l’industrie mondiale du fret aérien au mois de mai est un signe précurseur du ralentissement attendu en 2025. Dans ses prévisions économiques actualisées, publiées le 3 juin, l’OCDE a abaissé de 0,2 point la croissance du PIB mondial pour 2025, qui s’établirait désormais à +2,9%, après une hausse de 3,3% en 2024. "La croissance économique devrait être particulièrement faible jusqu’à la fin de 2025, la production mondiale n’augmentant que d’un peu plus de 2,5 pour cent en glissement annuel au quatrième trimestre, et de 1,1 % seulement aux États‑Unis. La croissance du commerce mondial va probablement ralentir nettement au cours des deux prochaines années, après une accélération en anticipation des hausses de droits de douane attendues", précise l’OCDE.
Les signes en sont déjà visibles. La production manufacturière mondiale, mesurée par l'indice PMI, est tombée sous le seuil de 50 en mai, à 49,1, pour la première fois en 2025. Cela représente une baisse de 6,9 % en glissement annuel et de 2,8 % par rapport à avril 2025. La production industrielle et le commerce des marchandises étant étroitement liés, cela devrait affecter les volumes de fret aérien.
L’Organisation mondiale du commerce fait aussi preuve d’un certain pessimisme dans son dernier baromètre du commerce. En début d’année, le commerce mondial de marchandises a fortement augmenté, les importateurs ayant avancé leurs achats en prévision d’une augmentation des droits de douane. Mais l'indice des nouvelles commandes à l'exportation s'est contracté, passant sous sa valeur de référence de 100 pour atteindre 97,9, ce qui laisse présager un ralentissement de la croissance du commerce dans les mois qui viennent.