Le fret aérien a encore affiché une belle croissance en juillet 2024, par rapport, il est vrai, à une base de référence assez faible. Les taux de fret restent élevés.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic de juillet 2024
Le trafic mondial de fret aérien a progressé de +13,6 % en glissement annuel au mois de juillet, et de 1,0 % en glissement mensuel en données corrigées des variations saisonnières, indiquent les chiffres de l’Association du transport aérien international (IATA). Depuis quelques mois, l’IATA ne publie plus le chiffre du trafic en tonnes-kilomètres, dévoilant seulement un pourcentage d’évolution. Selon nos estimations, le trafic du mois de juillet s’élève à environ 23 milliards de tkm. Cela correspond au 8è mois consécutif de croissance à deux chiffres en glissement annuel, mais à partir d’une base plutôt faible en 2023. Comme durant les trois mois précédents, ce sont les compagnies aériennes d'Asie-Pacifique et d'Europe qui ont le plus participé à cette augmentation en juillet, avec une contribution respective à la hausse de 44% et 22%, contre 17% pour les compagnies nord-américaines, détaille l’IATA.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Cumul annuel à fin juillet 2024
En cumul annuel à fin juillet, la croissance de la demande de fret aérien s’établit à 13,4 % par rapport aux sept premiers mois de 2023 (+14,3% sur les lignes internationales). Un bon résultat qui doit là aussi être relativisé par la faiblesse du marché lors de la période de référence. À l’époque, en raison de stocks élevés, les grossistes et les détaillants avaient réduit les nouvelles commandes, ce qui avait pesé sur les volumes.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Capacités
En juillet, l’offre a augmenté de 4,2% par rapport à juin (+0,7% après correction des variations saisonnières) et de 8,3% par rapport à l'année précédente, atteignant environ 53,2 milliards de tonnes-kilomètres. "Il s'agit d'un mois record pour la capacité mondiale de fret aérien", précise l’IATA. En cumul annuel à fin juillet, la progression s’élève à +9,2%, le taux de croissance se réduisant doucement mais régulièrement depuis le début de l’année. Sur les lignes internationales, l’augmentation des capacités en juillet s’élève à 10,1%. Elle a été, comme les mois précédents, nourrie par la hausse des capacités disponibles en soute des avions passagers (+12,8%). Selon l’IATA, il se pourrait que l’on arrive au terme du cycle de forte croissance des capacités offertes en soute des avions passagers. En effet, les compagnies aériennes ont désormais retrouvé le niveau qui prévalait avant la pandémie de Covid-19. "La question qui se pose maintenant est de savoir si cette croissance impressionnante du marché du transport international de passagers va se normaliser et quel sera l'impact sur l'utilisation des avions cargos", analyse l’IATA. En juillet, les capacités offertes par les avions cargo ont augmenté de 6,9 % en glissement annuel.
Durant cette même période, le coefficient de remplissage a progressé de 2,1 points de pourcentage en glissement annuel et est resté sensiblement stable en glissement mensuel en données corrigées des variations saisonnières. Sur les sept premiers mois de l’année, il est en hausse de 1,7% globalement et stable à +0,1 point sur les lignes internationales.
2/ L’évolution des prix
Selon l’IATA, la recette unitaire moyenne, tous axes confondus et surcharges incluses, a augmenté de 1,2% en glissement mensuel au mois de juillet, et de 7,4% en glissement annuel. Les prix étaient ainsi "encore supérieurs de 41 % aux niveaux de 2019", indique l’IATA.
L’observation des données Upply montrent cependant la persistance de fortes disparités. En glissement annuel, l’axe Asie-Europe se distingue par une hausse spectaculaire qui trouve son explication essentielle dans les perturbations du transport maritime en mer Rouge. Les attaques de rebelles houthis se poursuivent, ce qui inscrit dans la durée le passage de la plupart des navires par le cap de Bonne-Espérance, avec à la clef des surcoûts et des temps de transit allongés. Parce qu’ils peuvent se le permettre compte tenu de la nature et de la valeur de la marchandise ou parce qu’ils n’ont pas le choix, certains chargeurs se tournent donc vers le fret aérien. La forte croissance du e-commerce transfrontalier, qui stimule également la demande sur cet axe, ajoute une pression supplémentaire qui se traduit dans l’évolution des prix.
Source : Upply Freight Index
La traditionnelle période de haute saison jusqu’en décembre pourrait encore accentuer la pression sur les prix sur certains axes dans les prochaines semaines. C’est le cas sur l’Asie-Europe, où les perturbations ne s’estompent pas.
Par ailleurs, bien que la demande soit assez calme sur le transatlantique, la menace de grève qui plane aux États-Unis sur les ports de la côte Est et du golfe du Mexique pourrait favoriser un recours au fret aérien. Alors que le précédent accord de six ans arrive à échéance, l'International Longshoremen's Association, qui représente les travailleurs portuaires de plus d’une trentaine de ports américains, a annoncé que ses membres étaient prêts à cesser le travail à compter du 1er octobre si un accord n’est pas conclu d’ici là. Or les négociations, qui portent sur les rémunérations mais aussi sur l’épineuse question de l’automatisation des ports, sont dans l’impasse depuis plusieurs semaines, et le président Joe Biden a fait savoir qu’il n’avait n'a pas l'intention d'invoquer une loi fédérale pour empêcher la grève.
3/ L’évolution par zone
L’analyse par zone de la progression du trafic international reflète l’impact de la situation en mer Rouge. La route Moyen-Orient-Europe enregistre la plus forte croissance en juillet (+32,2%), "maintenant une série de croissance annuelle à deux chiffres qui a débuté en septembre 2023", précise l’IATA. La route Europe-Asie montre également un grand dynamisme avec une augmentation de 17,9%, tout comme l’axe Moyen-Orient-Asie (+15,9%).
Dans le même temps, l'Asie-Amérique du Nord, l’axe le plus important en volume dans l’industrie du fret aérien, a enregistré une augmentation de 10,8 % en juillet en glissement annuel, tandis que la route Amérique du Nord-Europe ferme la marche avec une progression de 5,3%.
Compte tenu de ces évolutions, les compagnies d’Asie-Pacifique, du Moyen-Orient et d’Europe sont logiquement celles qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu en juillet, avec une croissance respective des volumes de 17,7%, 14,7%, et 13,9%.
4/ Les faits marquants
- Des perspectives économiques instables
Les perspectives économiques restent assez instables. En juillet, l'indice des directeurs d'achat (PMI) pour la production manufacturière mondiale est resté en territoire d’expansion, à 50,2. Mais cela correspond à une baisse de 2,1 points par rapport au mois précédent. Dans le même temps, l'indice PMI des nouvelles commandes à l'exportation est resté englué sous la barre des 50, à 49,4, ce qui est synonyme d’une contraction, sensiblement similaire à celle de juin (49,3). La production industrielle est quant à elle restée stable en juillet en glissement mensuel. Bonne nouvelle en revanche pour l’industrie du fret aérien : le commerce transfrontalier mondial a augmenté de 0,7 %.
- Un nouveau n°1 à venir dans la commission de transport aérien
Dans le secteur de la commission de transport, le mois de septembre a été marqué par l’annonce du rachat de DB Schenker par DSV. Lorsqu’elle sera achevée, cette transaction devrait donner naissance au numéro 1 de la commission de transport international, devant DHL Global Forwarding et Kuehne + Nagel. La nouvelle entité deviendra également numéro un dans la commission de transport aérien puisque le volume annuel cumulé des deux opérateurs atteint près de 2,5 millions de tonnes en 2023, contre 2 Mt pour Kuehne + Nagel et 1,7 Mt pour DHL Global Forwarding.
- Le e-commerce transfrontalier dans le collimateur
Le e-commerce est aujourd’hui une manne importante pour l’industrie du fret aérien. Cependant, certaines voix commencent à se faire entendre face au déferlement incontrôlé de marchandises par le biais du commerce électronique. Patrick Zahn, directeur de l’entreprise néerlandaise de textiles discount "Kik", affirme dans le quotidien belge Le Soir que son entreprise subit une concurrence déloyale de la part de grands groupes chinois tels que Temu et Shein, estimant que cette concurrence est favorisée par le manque de contrôle douanier au sein de l’aéroport de Liège, l’une des principales portes d’entrée des groupes chinois en Europe. Les effectifs ne sont pas suffisants par rapport à la croissance exponentielle du nombre de colis. Les autorités elles-mêmes s’en émeuvent. Selon le Loadstar, lors d’un récent forum sur le e-commerce organisé à Liège, l'administrateur général des douanes belges, Kristian Van der Waeren, a fait savoir qu’il commençait à "perdre patience" face aux marchandises non conformes qui atterrissent à l'aéroport de Liège par le biais du commerce électroniques.
En Europe, le seuil en-dessous duquel aucun droit d’importation n’est exigé en B2C s’élève à 150€. C’est aujourd’hui principalement le manque de moyens adaptés pour les contrôles qui est pointé du doigt. Du côté des États-Unis, le seuil minimum est fixé à 800 $. Là aussi, les expéditions ont fortement augmenté, passant d’environ 140 millions par an il y a 10 ans à plus d’un milliard.
L'administration Biden-Harris a annoncé début septembre de nouvelles mesures pour mieux contrôler ce commerce. "Certaines entreprises exploitent la règle de minimis pour dissimuler des expéditions de produits illégaux et dangereux et éviter de se conformer aux lois américaines en matière de santé, de sécurité et de protection des consommateurs. D'autres entités étrangères l'utilisent pour contourner les mesures d'application de la législation commerciale américaine destinées à mettre les travailleurs, les détaillants et les fabricants américains sur un pied d'égalité", indique un communiqué de la Maison Blanche, précisant que "la majorité des envois entrant aux États-Unis au titre de l'exemption de minimis proviennent de plusieurs plateformes de commerce électronique fondées en Chine".
L’une des mesures préconisées par l’Administration consiste à exclure certains produits de l'exemption de minimis, et notamment ceux couverts par l’article 301 de la loi sur le commerce de 1974. Les droits de douane au titre de cet article couvrent actuellement environ 40 % des importations américaines, dont 70 % des importations de textiles et de vêtements en provenance de Chine. L’administration souhaite également renforcer les exigences en matière de collecte d'informations. Elle se dit prête est à travailler avec le Congrès pour adopter une législation complète sur la réforme de la règle de minimis d'ici la fin de l'année.
Dans l’immédiat, les compagnies aériennes pourront encore compter largement sur cette manne durant la prochaine haute saison qui s’annonce donc florissante. Mais il semble inévitable que de nouvelles contraintes imposent bientôt une adaptation des chaînes logistiques sur ce segment particulièrement porteur, aujourd’hui, pour l’industrie du fret aérien.
En attendant, face aux résultats engrangés depuis le début de l’année 2024, tant dans le transport de passagers que dans le transport de fret, l’heure est à l’optimisme du côté des compagnies aériennes, qui réalisent globalement un très bon exercice.