Le transport routier de marchandises européen a vécu une année 2025 difficile, sur fond de demande atone. Les prix n’épousent pas totalement la hausse des coûts, et les faibles marges ralentissent la décarbonation, par ailleurs détrônée du rang de priorité numéro un par le contexte géopolitique global.
1/ Un environnement économique peu favorable
Selon les prévisions de l'automne de la Commission européenne, le PIB réel de la zone euro devrait afficher une croissance modeste de 1,3 % en 2025, révisée à la hausse. "Alors que les bons résultats étaient initialement dus à une forte augmentation des exportations en prévision de hausses des droits de douane, l'économie de l'UE a continué de croître au troisième trimestre", se réjouit la Commission. Par ailleurs, l'inflation dans la zone euro a poursuivi son recul, passant de 2,4% en 2024 à 2,1 % en 2025. Malgré ces constats a priori favorables, le secteur du transport routier patine.
- Des ménages encore prudents
En 2025, l’inflation a notamment été nourrie par les augmentations d’une part des produits énergétiques et d’autre part des produits alimentaires, en raison d’une répercussion décalée des hausses passées des prix internationaux des matières premières alimentaires. En fin d’année et en 2026, la baisse des prix alimentaires et la modération des salaires devraient soutenir la désinflation. Mais en attendant, les ménages préfèrent rester prudents dans leurs dépenses de consommation, ce qui limite le potentiel de croissance des flux de transport routier.
- L'impact de la guerre tarifaire
Les droits de douane imposés par l’administration Trump en 2025 ont eu des implications majeures pour l’économie européenne, en créant de fortes fluctuations de l’activité, soulignait la Banque centrale européenne (BCE) en septembre dernier dans ses projections macro-économiques. Les secteurs exportateurs, comme l’industrie manufacturière allemande, ont été particulièrement touchés. Les plus exposés ont été l’acier, l’aluminium, l’automobile et les produits pharmaceutiques, grands pourvoyeurs de fret routier.
L’UE a négocié des accords partiels avec les États-Unis pour limiter l’impact des droits de douane, notamment sur les voitures et les pièces automobiles. Malgré cela, les barrières commerciales ont atteint "des sommets historiques", et l’incertitude créée par les revirements de la politique américaine a sapé la confiance des entreprises, retardant les décisions d’investissement.
- L’Allemagne et la France, deux piliers malades
Dans ce contexte globalement incertain, le secteur du transport routier de marchandises a souffert des difficultés des deux principaux piliers de l’économie européenne, la France et l’Allemagne.
→ En Allemagne, l’économie n’a pas redécollé en 2025. Après une croissance de 0,3% au premier trimestre en glissement trimestriel, stimulée par les achats d'entreprises américaines anticipant les droits de douane, le PIB a décliné de 0,2% en 2è trimestre et a enregistré une croissance nulle au 3è trimestre.
→ En France, c’est plutôt l’instabilité politique persistante qui nourrit les inquiétudes des milieux économiques et de ses partenaires européens, qui y voient un frein à la cohésion et à la compétitivité de l’Union européenne. L’incertitude politique française pèse aussi lourdement sur son économie. La confiance des ménages demeure très inférieure à sa moyenne de longue période, et leur taux d’épargne atteint des niveaux historiques (18,5 %), signe d’un climat de défiance persistant. Les investissements des entreprises et des ménages patinent.
2/ Une croissance modérée et disparate du transport routier en 2025
Le transport routier reste le pilier des chaînes logistiques européennes, mais il traverse depuis deux ans une période difficile. En 2024, l’activité exprimée en tonnes-kilomètres a enregistré une légère progression de 0,6%, avec un total de 1 869 milliards, renouant ainsi avec la croissance après une chute de 3,2% en 2023. Mais le trafic exprimé en tonnage a poursuivi sa chute : les transporteurs routiers de l’Union européenne ont acheminé 13,075 milliards de tonnes en 2024, ce qui représentait une baisse de 0,7%, après un repli de 3,4% en 2023.
- Une demande très molle
Les premiers chiffres disponibles pour l’année 2025 montrent une tendance à l’érosion ou à la stagnation des volumes sur les principales routes européennes, en glissement trimestriel et en glissement annuel, reflétant l’atonie de l’économie européenne. Sur les marchés domestiques, les évolutions peuvent être contrastées selon les marchés.
→ Globalement, le transport routier de marchandises en Allemagne reste un poids lourd avec plus de 3 milliards de tonnes de marchandises transportées chaque année. Si le e-commerce booste le segment de la livraison du dernier kilomètre, les difficultés de l’économie allemande, et en particulier de son industrie, pèsent en revanche sur la demande. La croissance espérée en 2025 n’est pas au rendez-vous. Cela rejaillit aussi sur le transport routier polonais, premier pavillon européen grâce à son activité internationale, très liée à l’économie allemande. Le secteur traverse une phase de ralentissement marqué. Plus de la moitié des entreprises interrogées déclarent une baisse de leurs revenus, et les prévisions à court terme restent pessimistes.
→ Le pavillon français, qui occupe le 4è rang européen, a enregistré une croissance de 2,8% en 2024 avec un total de 174 milliards de tonnes-km. En revanche, au premier semestre 2025, l’activité s’est repliée de 0,1%, dans un contexte d’atonie du marché et de forte concurrence des transporteurs européens. Parmi les grands pavillons de l’Union européenne, le pavillon espagnol est celui qui s’en tire le mieux. Après une croissance de 2,6% en 2024, l’activité en tonnage a augmenté de 6,6% au premier trimestre et de 2,6% au deuxième trimestre, grâce au dynamisme du marché domestique. L’Espagne est en effet l’un des pays européens qui connaît actuellement la plus forte croissance économique. En tonnes-kilomètres, l’activité a reculé de 4,8 % au T2 2025 et a stagné au 1er semestre (-0,1 %), freinée par les difficultés économiques de la France et de l’Allemagne, ses principaux marchés d’exportation.
Globalement, selon les estimations de Transport Intelligence, le marché européen du transport routier devrait connaître une croissance de 1,1% en 2025 en termes de chiffre d’affaires, pour atteindre un total de 429,5 milliards d’euros.
- Un marché spot affecté par la faiblesse des volumes
L’évolution des prix dans le transport routier de marchandises reflète l’évolution de la demande. Sur le marché contractuel, on constate que les transporteurs ont en général réussi à répercuter au moins en partie les hausses de coûts. En revanche, faute de volumes suffisants, le marché spot a décliné durant la deuxième partie de l’année.

Source : Upply Freight Index
3/ Des coûts en hausse
- Prix du gazole
Après avoir dépassé le seuil des 80 dollars en janvier, le prix du baril de Brent a suivi une trajectoire baissière en 2025, se stabilisant dans une fourchette de 60 à 65 USD. Cette baisse s’explique par une offre mondiale abondante, malgré les tensions géopolitiques et les sanctions contre la Russie, qui continue de contourner les restrictions.
Malgré la baisse du prix du baril, le prix du gazole a augmenté en Europe en 2025 (...)
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AU SOMMAIRE
1/ Un environnement économique peu favorable
→ Des ménages encore prudents
→ L'impact de la guerre tarifaire
→ L’Allemagne et la France, deux piliers malades
2/ Une croissance modérée et disparate du transport routier en 2025
→ Une demande très molle
→ Un marché spot affecté par la faiblesse des volumes
3/ Des coûts en hausse
→ Prix du gazole
→ Coûts de péage
4/ Pénurie de conducteurs et recrutement de main-d’œuvre étrangère
→ Un vieillissement généralisé
→ Vers un assouplissement du cadre réglementaire
5/ Nouvelle étape pour le Paquet Mobilité
6/ Décarbonation et transition énergétique
→ Des avancées majeures dans la livraison du dernier kilomètre
→ Un verdissement des flottes lent, car toujours coûteux
→ Chaud et froid sur l’intermodalité et le transport combiné
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