BAROMÈTRE. Le mois de juin a confirmé l’essor du fret aérien. La croissance des volumes s’élève à 13,4% en glissement annuel pour l’ensemble du premier semestre 2024, et la chute des taux de fret ralentit.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic de juin 2024
Au mois de juin, le trafic mondial de fret aérien a progressé de 14,1% en glissement annuel et de 0,9 % en glissement mensuel, selon les chiffres de l’Association du transport aérien international (IATA). Il s’élève ainsi à environ 22,1 milliards de tonnes-kilomètres. "Comme les deux mois précédents, les compagnies asiatiques et européennes sont les principales contributrices de ce rebond, auquel elles participent respectivement à hauteur de 40% et 24%", précise l’IATA.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Trafic du premier semestre 2024
En cumulé à fin juin, les volumes de fret aérien sont en progression de 13,4 % par rapport à la même période 2023, de 4,3 % au-dessus de 2022, et même de 0,02% par rapport aux niveaux records du premier semestre 2021. Sur la base de ces données, on peut estimer le trafic cumulé des 6 premiers mois de l’année à 130,3 milliards de tonnes-kilomètres. "Ces taux de croissance illustrent le dynamisme exceptionnel de la demande de fret aérien au premier semestre 2024. Cependant, il faut garder à l’esprit que les taux de croissance de 2024 en glissement annuel sont influencés par les niveaux de volume particulièrement faibles du premier semestre 2023". En effet, à cette période, les stocks étaient au plus haut ce qui avait poussé les grossistes et les retailers à attendre avant de procéder à de nouvelles commandes.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Capacités
Tandis que la demande progresse significativement, la hausse des capacités reste sous contrôle, ce qui est bénéfique pour les compagnies aériennes. En juin, l’offre mesurée en tonnes-kilomètres a diminué de 1,7 % par rapport à mai (+0,9 % après correction des variations saisonnières), s’établissant à environ 50,5 milliards de tonnes-kilomètres. En glissement annuel, elle affiche une croissance de 8,8 % (+10,8 % pour les opérations internationales). La progression de l’offre concerne principalement les liaisons internationales, avec des capacités en augmentation de 10,8% en juin en glissement annuel. Cette croissance est tirée par les capacités disponibles en soute des avions passagers, qui affichent leur 38è mois consécutif de croissance à deux chiffres en juin (+16,8% en glissement annuel). Dans le même temps, les capacités tout cargo n’ont progressé que de 4,1%.
Le différentiel entre la croissance de l’offre et celle des capacités conduit à une nouvelle amélioration du coefficient de remplissage. Celui-ci s’élève à 45,8% au mois de juin, en hausse de 1,2 point de pourcentage par rapport à mai et de 2,1 points de pourcentage par rapport à juin 2023. À l’international, le coefficient de remplissage s’établit à 50,8%, en croissance de 2,1 points également en glissement annuel. L’amélioration de ce ratio profite aux compagnies de toutes les régions, à l’exception des compagnies africaines et latino-américaines.
Sur l’ensemble du premier semestre 2024, la croissance des capacités globales s’élève à 9,4 % en glissement annuel (+12,2% pour les opérations internationales). Le coefficient de remplissage est globalement en croissance de 1,6 point à 45,4%, et stable à l’international à 51,1%.
2/ L’évolution des prix
Malgré la forte croissance de la demande, il n’existe pas de tension globale sur l’accès aux capacités, car l’offre est au rendez-vous. Par conséquent, les prix sont encore plutôt orientés à la baisse, mais celle-ci ralentit, et il existe des exceptions. C’est le cas notamment de l’axe Asie-Europe où les taux de fret sont en hausse, en glissement mensuel et annuel. Cela s’explique notamment par les perturbations du transport maritime sur cette route. Le contournement de l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance pour éviter les attaques des Houthis en mer Rouge allonge considérablement les délais d’acheminement, ce qui peut orienter certains chargeurs vers le fret aérien en cas d’urgence ou pour certains types de produits.
Source : Upply Freight Index
Selon l’IATA, la recette unitaire moyenne, tous axes confondus et surcharges incluses, a augmenté de 0,8% en glissement mensuel et de 4,7% en glissement annuel. Le mois de juin a ainsi marqué la deuxième augmentation annuelle consécutive après une série de baisses qui avait commencé à la mi-2022. "Toutefois, ces taux de croissance annuels en hausse sont principalement liés à une base fortement décroissante en 2023", relativise l’IATA. Par ailleurs, la hausse est aussi nourrie par la répercussion de l’augmentation du carburant.
Sur l’ensemble du semestre, les prix restent assez nettement en baisse, sauf sur l’axe Asie-Europe où l’érosion se limite à -3,3%. Malgré cela, les recettes unitaires des compagnies restent supérieures aux niveaux pré-Covid.
3/ L’évolution par zone
Depuis le mois d’octobre 2023, les compagnies aériennes de toutes les régions profitent du mouvement de croissance des volumes de fret aérien à l’international, à des degrés divers. Au mois de juin, toutes les zones enregistrent une hausse à deux chiffres.
De même, toutes les grandes routes mondiales du fret aérien ont contribué à la progression, mais là encore dans des proportions variables. Le record revient aux axes Asie-Afrique et Moyen-Orient/Europe, avec des hausses respectives de +37,5% et +30,2%, détaille l’IATA. Les flux intra-asiatiques se révèlent également très dynamiques, avec +21%. Les deux principales routes mondiales du fret aérien, à savoir l’Asie-Amérique du Nord et l’Asie-Europe, enregistrent pour leur part des augmentation respectives de 12,8% et 20,3%. "À ce stade, les mesures de restrictions imposées par les États-Unis au commerce électronique en provenance de Chine n’ont pas produit d’effet tangible sur le trafic de fret aérien transpacifique", remarque l’IATA. L’axe Amérique du Nord-Europe reste le moins dynamique, mais avec quand même une progression de 6,8%.
4/ Des signaux économiques hétérogènes
L’environnement économique mondial présente des perspectives mitigées.
En juin, l'indice PMI de la production manufacturière mondiale est resté en territoire d’expansion en se maintenant au-delà du seuil des 50 points, atteignant précisément 52,3 points contre 52,8 en mai. Il s'agit de la sixième expansion consécutive et d'une évolution positive qui devrait continuer à nourrir la croissance des flux de fret aérien.
En revanche, l'indice PMI des nouvelles commandes à l'exportation, qui permet de capter les tendances du commerce international, a enregistré une légère contraction en juin (49,3 points), repassant ainsi sous la barre critique des 50 points. Ce résultat intervient après deux mois de perspectives optimistes, qui avaient eux-mêmes mis fin à une longue période de repli. Dans le détail par région, on constate que l’indice des nouvelles commandes à l'exportation pour les États-Unis est tombé juste en-dessous de la barre des 50 points, tout comme l'indicateur global. En revanche, les directeurs d'achat chinois ont continué à afficher des prévisions optimistes, comme ils le font depuis janvier. En Europe et au Japon, l’indice confirme les signaux de contraction constatés depuis mars 2022.
Le commerce transfrontalier mondial de marchandises a quant à lui connu une expansion en mai, mais elle reste très modeste puisqu’il ne progresse que de 0,1 % en glissement mensuel et de 0,2 % en glissement annuel.
L’industrie du fret aérien continue donc à évoluer dans un environnement économique et géopolitique extrêmement instable. L’embellie du premier semestre, à relativiser compte tenu des niveaux particulièrement bas de 2023, reste fragile. Une prolongation des perturbations du transport maritime pourrait toutefois favoriser une saison haute dynamique au second semestre.