L’industrie mondiale du fret aérien connaît toujours une croissance du trafic en octobre, et une très nette augmentation des taux de fret. La perspective de l’augmentation des droits de douane en 2025 devrait conforter la tendance sur les derniers mois de l’année.
1/ L’évolution de l’offre et de la demande
- Trafic d’octobre 2024
Le trafic mondial de fret aérien a progressé de 9,8 % en glissement annuel au mois d’octobre 2024, ce qui représente un quinzième mois consécutif de croissance. Mais surtout, alors que l’on constatait depuis quelques mois un ralentissement de la croissance, octobre marque un tournant. Le trafic du mois d’octobre a progressé de 5,7% en glissement mensuel en données corrigées des variations saisonnières, alors qu’il avait diminué au cours des deux mois précédents. Il s’élève ainsi à environ 24,1 milliards de tkm, selon nos estimations.
La croissance est toujours un peu plus forte sur les liaisons internationales puisqu’elle se maintient au-dessus de la barre des 10%. La plus forte augmentation de trafic a été enregistrée sur la route Moyen-Orient-Europe (+15,3 %), "marquant 14 mois de croissance à deux chiffres et 15 mois consécutifs de croissance globale", indique l’IATA. Les perturbations du transport maritime en mer Rouge ont probablement favorisé un report de vers l’aérien sur cet axe. Un facteur qui a également contribué aux performances sur l’axe Europe - Asie, avec une augmentation de 14,3 % en glissement annuel, soit 20 mois consécutifs de croissance dont 11 à deux chiffres. Le trafic Intra-Asie connaît également une progression supérieure à la moyenne avec + 15 % en glissement annuel. Le marché Asie-Amérique du Nord, le plus important, a connu une croissance plus modérée de 8,6 %.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Le dynamisme de la demande s’explique notamment par l’entrée dans la haute saison, à quelques semaines des fêtes de fin d’année, mais aussi par le mouvement de grève des ports de la côte Est et du golfe du Mexique aux États-Unis début octobre. Ce mouvement n’a finalement duré que 3 jours, mais l’incertitude sur l’issue du conflit a incité les chargeurs à anticiper et à réorienter certaines expéditions maritimes vers le fret aérien.
Cela se reflète dans la contribution des compagnies à la croissance. Les compagnies d'Asie-Pacifique, qui détiennent une part de 33,3% sur le marché mondial du fret aérien, restent les principaux contributeurs. Mais leurs homologues d’Amérique du Nord arrive en 2è position, "pour la première fois depuis août 2023", précise l’IATA. Sur les 9,8 % de croissance annuelle du secteur, les transporteurs d'Asie-Pacifique ont contribué à hauteur de 46,1 % et ceux d'Amérique du Nord à hauteur de 26 %. Les compagnies aériennes européennes ont quant à elle contribué à hauteur de 16,6 %, et celles du Moyen-Orient à hauteur de 6,4 % au cours de la même période.
- Cumul annuel à fin octobre 2024
En cumul annuel à fin octobre, la croissance de la demande de fret aérien s’établit à 12,2% par rapport aux neuf premiers mois de 2023 et à +13,1% sur les lignes internationales.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
- Capacités
L’offre a augmenté de 5,9% en octobre 2024 en glissement annuel, mais s’est contractée de 0,6% en glissement mensuel après correction des variations saisonnières. Nous l’estimons ainsi à environ 52,1 milliards de tonnes-kilomètres. Sur les routes internationales, l’augmentation des capacités s’élève à 7,2% en glissement annuel, avec une progression de 8,5% des capacités disponibles en soute des avions passagers et une hausse plus mesurée de 5,6% pour les capacités des avions tout cargo.
Le coefficient de remplissage s’établit à 47,3% en octobre et à 52,9 % à l’international, soit une progression respective de 1,7 et 1,5 point de pourcentage en glissement annuel. En cumul annuel à fin octobre, il progresse de 0,2 point à 50,9% sur les liaisons internationales et de 1,7 point à 45,4% globalement.
2/ L’évolution des prix
Dans un contexte de croissance des volumes supérieure à celle de l’offre, les compagnies aériennes peuvent maintenir des taux de fret élevés. La recette unitaire moyenne, surcharges incluses, a de nouveau progressé de 1,2% en glissement mensuel et de 10,6% en glissement annuel au mois d’octobre, c’est-à-dire un deuxième mois consécutif d’augmentation à deux chiffres. "Le taux de fret moyen dans le fret aérien est ainsi supérieur de 49% au niveau de 2019", indique l’IATA.
Comme en septembre, la hausse est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte de baisse du prix du carburant par rapport à 2023. Le prix du kérosène est en effet en repli de 25,7% par rapport à octobre 2023.
Les hausses sont inégalement réparties. Les prix sur l’axe Asie-Europe connaissent une progression particulièrement spectaculaire, selon notre base de données Upply. Les bonnes performances des flux intra-asiatiques et Europe-Asie se reflètent aussi dans l’évolution des taux de fret en glissement annuel.
Source : Upply Freight Index
3/ Les perspectives
La fin de l’année 2024 s’annonce favorable pour les compagnies aériennes. Le dynamisme du e-commerce continue d’alimenter la demande, en particulier dans cette période qui précède les fêtes de fin d’année. D’autre part, les facteurs de perturbations dans le transport maritime conteneurisé ne se sont pas atténués. À ces deux éléments récurrents depuis plusieurs mois est venu s’ajouter la perspective d’un durcissement de la guerre commerciale à l’échelle mondiale, compte tenu de la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. Le président élu n’a pas masqué sa volonté de renchérir considérablement les droits de douane surtout en provenance de Chine mais aussi du reste du monde, et de s’atteler à cette tâche dès les premiers jours de son mandat qui débutera le 20 janvier. En conséquence, les exportateurs s’activent pour expédier leurs marchandises de façon anticipée, ce qui renforce l’effet "peak season" traditionnel.
Un autre facteur entre en ligne de compte dans l’évolution du commerce avec les États-Unis : l’hypothèse d’une nouvelle grève dans les ports de la côte Est des États-Unis et du golfe du Mexique. À l’issue du précédent mouvement social, au mois d’octobre, l’accord sexennal qui régit les relations entre les entreprises de manutention et les dockers a été prorogé jusqu’au 15 janvier. Les négociations ont repris mais n’ont, à ce stade, pas encore abouti. Un nouveau conflit à partir de la 2è quinzaine de janvier n’est donc pas totalement exclu.
À plus long terme, pour l’année 2025, la croissance s’annonce de nouveau prometteuse sur le marché américain. "Nos économistes prévoient que les États-Unis dépasseront les attentes, tandis que la zone euro sera à la traîne, dans un contexte de nouveaux tarifs douaniers anticipés par l'administration Trump", indique Goldman Sachs dans un article publié le 15 novembre. Plus précisément, la banque américaine estime que le PIB des États-Unis devrait augmenter de 2,5 % en 2025, bien au-delà du consensus de 1,9 % des économistes interrogés par Bloomberg. L'économie de la zone euro devrait croître de 0,8 %, contre un consensus de 1,2 %. Les États-Unis seront donc le moteur de l’économie mondiale, car l’évolution en Chine est également source d’inquiétudes. L'inflation des prix à la consommation est tombée à 0,29 % en octobre, laissant entrevoir un ralentissement économique.