INFOGRAPHIES. Le chiffre d’affaires du transport routier français a progressé en 2022, mais principalement en répercussion de la hausse des coûts. Celle-ci se confirme en 2023, sur fond de ralentissement des volumes.
Article mis à jour le 28 novembre 2023
À l’occasion du congrès de la FNTR, le 22 septembre dernier, la Banque de France a publié son enquête de conjoncture annuelle qui laisse entrevoir les premiers signes d’un ralentissement, après le rebond de 2021. Le secteur entre dans une période délicate car il doit parallèlement faire face à de fortes tendances inflationnistes qui se poursuivent en 2023, comme le montrent les chiffres du CNR.
1/ Données financières
Source des données : Banque de France, Étude ACSEL "Situation économique et financière des entreprises de TRM", septembre 2023.
Après avoir connu une nette progression en 2021, avec une croissance de 10,6% qui faisait écho au rebond de l’économie, le secteur du transport routier de marchandises français a poursuivi sur sa lancée. En 2022, le chiffre d’affaires a progressé à nouveau de 11,9%, selon l’enquête annuelle de la Banque de France divulguée lors du congrès de la FNTR le 21 septembre dernier. Cette performance est néanmoins en trompe-l’œil, car la forte augmentation des revenus est "quasi intégralement" imputable à la répercussion de la hausse des coûts, et en particulier du carburant, a souligné par Carine Jupin, directrice régionale de la Banque de France Hauts-de-France.
Les volumes transportés, eux, sont restés sensiblement stables en 2022. Le pavillon français occupe le 4ᵉ rang européen de transport routier de marchandises, avec 174 milliards de tonnes-kilomètres réalisés en 2022. Il réalise 93% du transport national, soit 161 milliards de tonnes-kilomètres sur un total de 172,8 Md, le reste de l’activité étant réalisé par le cabotage des pavillons étrangers (11,7 milliards de tonnes-kilomètres). En revanche, le pavillon français de réalise que 8,3% du transport international de et vers la France, soit 12 milliards de tkm sur un total de 145 Md.
La divergence entre l'augmentation du chiffre d'affaires et la croissance des volumes est également illustrée par l’évolution de la valeur ajoutée, qui a assez nettement moins progressé que le chiffre d’affaires en 2022, alors que les courbes sont en général plutôt parallèles. "Ce décalage indique qu’une partie des hausses de coûts a été répercutée mais pas toutes", insiste Carine Jupin.
Malgré ce ralentissement, qui était attendu, le secteur reste dans une situation correcte. Certes, le taux de défaillances d’entreprises est reparti à la hausse. Après deux années exceptionnellement basses, en raison des aides accordées par l’État durant la pandémie de Covid, il est remonté à 2,2% en 2022, mais reste inférieur à celui de 2019 (2,8%). Les créations d’entreprise, parallèlement, ont assez nettement marqué le pas avec un ratio nombre de création/nombre d’entreprises à 8,8%, soit 3,1 points de moins qu’en 2021. La dynamique globale reste néanmoins positive, avec 4 créations pour une défaillance.
La situation financière des entreprises n’a pas connu non plus de dégradation majeure. Le poids des fonds propres dans le total du bilan tend à se stabiliser aux alentours de 30%, tout comme le taux d’endettement qui redescend progressivement, après le pic de 2020. Toutefois, quelques signaux d’alerte apparaissent, compte tenu des investissements colossaux qui s’annoncent dans le secteur pour se conformer aux objectifs de réduction des émissions de CO2. Selon la Banque de France, "la capacité de remboursement et la possibilité de lever des fonds semblent compromises pour une entreprise sur cinq".
L’augmentation du coût du crédit, alors même que le coût d’acquisition d’un véhicule augmente, constitue un vrai défi d’autant que le contexte économique s’assombrit, avec une baisse des volumes attendue en 2023 voire 2024.
2/ Données opérationnelles
L’enquête longue distance annuelle 2022[1], publiée par le Comité national routier (CNR) en avril 2023, permet de documenter la flambée des coûts mentionnée par la Banque de France. "L’année 2022 a été marquée par une inflation inédite des coûts, tant par sa généralisation que par son ampleur. Toutes les composantes de coûts d’exploitation d’un véhicule, calculées en fin d’année 2022, enregistrent des hausses importantes en un an", constate le CNR.
Source des données : CNR, Enquête Longue Distance 2022, Avril 2023.
En 2022, deux indicateurs témoignent d’un fléchissement de l’activité : le kilométrage moyen en baisse de 3,4% et le coefficient de chargement, en diminution de 0,6%. L’indicateur de production d’un véhicule, produit du kilométrage annuel parcouru et du coefficient de chargement, s’est ainsi replié de - 4,2 % entre 2021 et 2022. Une baisse qui touche particulièrement les plus grandes entreprises de l’échantillon interrogé par le CNR : l’indicateur de production des entreprises de 50 salariés et plus chute en effet de - 8,3 %. "Toutefois, ce repli peut aussi provenir de stratégies volontaires de repositionnement sur des relations régionales ou sur d’autres marchés domestiques pour trouver des gisements de rentabilité, plus compliqués à obtenir sur très longue distance. Ces stratégies d’optimisation sont vraisemblablement mises en œuvre plus fréquemment par les grandes entreprises", nuance le CNR. Depuis 2007, la distance moyenne d’une relation diminue d’ailleurs régulièrement : - 27,7% entre 2007 et 2022.
3/ Des coûts d’exploitation en forte hausse
L’inflation amorcée en 2021 s’est confirmée en 2022, et touche absolument tous les postes de coûts. Les coûts du personnel de conduite, tout d’abord, ont fortement progressé par rapport à 2021, avec une hausse de 9,7% pour la rémunération brute moyenne d’un conducteur et de 7,9 % pour ses indemnités annuelles de déplacement. En 2022, le coût du personnel de conduite représente ainsi 34,2% du coût de revient total d’un véhicule. La rémunération mensuelle moyenne d’un conducteur longue distance à plein temps s’élève à 2916 € en 2022. En 10 ans, elle a progressé de + 23,3%, soit un taux de croissance annuel moyen de + 2,1%, précise le CNR.
La facture de carburant s’est aussi considérablement alourdie, en raison de la flambée des prix du pétrole qui a suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022.
Source des données : CNR, Enquête Longue Distance 2022, avril 2023.
- Tendances 2023
Les données disponibles pour l’année 2023 montrent que l’augmentation des coûts a continué. "Entre août 2022 et août 2023, les coûts du TRM, hors carburant, enregistrent une inflation de 5,7% en moyenne pour les poids lourds au gazole et de 5,5% pour les poids lourds au GNL ou GNC", indique une enquête publiée par le CNR en septembre. Depuis décembre, la hausse est plus modérée.
Source des données : CNR, Conjoncture économique et coûts du transport routier, septembre 2023.
Si l’on intègre le carburant, la progression des coûts est plus modérée voire négative dans certains cas. En effet, le gazole professionnel, après avoir atteint un pic en octobre 2022, s’est replié jusqu’en mai 2023 (-31,3%), avant de remonter de 12,6% en mai et août. Il est en baisse de1,2% depuis décembre 2022, "tout en restant globalement en 2023 à des niveaux nettement supérieurs à ceux observés au cours de l’année 2020 et 2021", souligne le CNR. La chute des prix est encore plus spectaculaire pour le GNV, après une véritable explosion en 2022 en répercussion du conflit russo-ukrainien. L’indice Carburant GNV a diminué de 44,6% de juillet 2022 à juillet 2023 et de 49,8% depuis décembre 2022.
Quasiment tous les autres postes de coûts sont également orientés à la hausse, avec une mention spéciale pour les péages autoroutiers, qui ont augmenté de 4,95% au 1er février 2023 pour les véhicules de classe 4.
[1] Le Comité National Routier réalise tous les ans depuis 2000 une enquête portant sur l’activité longue distance du transport routier de marchandises diverses (lots), opérée par des entreprises françaises en compte d'autrui. L’objectif est d’évaluer les conditions et les coûts d’exploitation des poids lourds longue distance. L’enquête 2020 a été annulée en raison de la crise covid. Selon le CNR, l’hétérogénéité des conséquences de la crise en 2020 pour les transporteurs routiers de marchandises d’une même spécialité ne permettait pas de produire des statistiques représentatives.